3 extremes
Three extremes
Après le succès à la fois artistique et commercial de "3 histoires de l'au-delà", cette nouvelle coproduction asiatique ayant pour but de faire découvrir ses talentueux réalisateurs, s'est donc portée garante d'une suite.
Cette suite permet de mettre en jeu le Japon, grand absent du premier volet, ce qui était d'ailleurs étrange étant donné que le renouveau du genre vient du pays du soleil levant. Qu'importe puisque son représentant dans "Three extremes" n'est autre que notre Takashi Miike préféré, le stakhanoviste de la caméra toujours prêt à nous émerveiller et nous prendre à revers là où on l'attend le moins. C'est ainsi que Miike surprend dans son segment qui est d'une rare maîtrise et maturité mais voyons déjà l'histoire de son segment intitulé "La boîte".
Traumatisée par un passé douloureux, une romancière s'enferme continuellement chez elle et peine à communiquer avec l'extérieur. Malheureusement pour elle, son passé troublant la hante de plus en plus et le retour à la réalité va être un choc.
Le mieux est d'en dévoiler le moins possible, d'ailleurs Miike rejoint ici plusieurs de ses thèmes chers. Le plus important est celui de la famille, dans la plupart de ses films il traite ainsi de la famille qu'elle soit unie (voir "Happiness of katakuri") ou désunie ("Visitor Q"). La confrontation du temps est également très importante dans se segment et lors du premier visionnage, il est simple de s'y perdre. Retour dans le passé mélangé avec le présent, flash back amené d'une manière très réfléchie mais non explicité directement. Miike fait perdre son spectateur dans une histoire troublante. Pourquoi le segment s'appelle-t-il une boîte ? Je ne vous dirai rien mais la réflexion se posant sur cette boîte et son symbolisme, est d'une rare pertinence.
Au niveau de la réalisation, je crois qu'il s'agit ici du Miike le plus maîtrisé qui prouve ainsi que c'est un grand metteur en scène, ne se limitant pas à des débordements allant dans tous les sens. Non, Miike sait parfaitement conter une histoire et il nous le prouve encore une fois. C'est lent, travaillé, il y a une ambiance froide, peu de dialogues. Miike nous emporte ailleurs et réussit pleinement son segment. Décidément l'homme n'a pas fini de nous surprendre.
C'est maintenant au tour du Hongkongais Fruit Chan que l'on connaît surtout pour "Made in Hong Kong", "The longest summer" et "Little Cheung", une trilogie sur la rétrocession. Son segment s'intitule "Nouvelle cuisine".
Une femme de quarante ans (Mme Li) veut garder sa jeunesse pour plaire encore à son mari qui la trompe, décide d'aller voir une chinoise du continent (Tante Mei) réputée pour ses plats qui seraient d'essence régénératrice. Problème, ses plats sont des raviolis mais des raviolis à base de fœtus humains.
Si le segment de Chan n'est pas mauvais en tant que tel, on peine néanmoins à comprendre ce qu'il fait dans ce film étant donné qu'il ne rentre jamais à un seul moment dans le fantastique. Ici, on assiste surtout à une critique propre au réalisateur. Une critique intéressante entre les points de vue de la Chine continentale et Hong Kong, certes, mais qui à aucun moment ne s'apparente à un film fantastique. Quelques débordements graphiques tout de même, dont un accouchement pas très propre effectué par Tante Lei qui va laisser des séquelles mais rien n'y fait, on s'ennuie plus qu'autre chose. Pas de tensions, pas de peur et en fin de compte peu d'intérêt pour cette histoire, qui bascule d'ailleurs dans un ton dramatique pour finir. Chan le dit lui-même, il n'avait pas pour objectif de faire un film d'horreur. Preuve donc que l'intérêt de ce segment est ici très limité.
Pour ceux qui cela intéresse, il faut savoir que le film est sorti seul en DVD à Hong Kong, dans une version de 90 minutes.
Après un Miike surprenant, voici la seconde surprise du film, le segment du coréen Park Chan-Wook. Reconnue aujourd'hui mondialement grâce à son film "Old boy" qui, rappelons-le, a gagné le prix du Jury à Cannes en 2004 (présidé par Quentin Tarentino, important à préciser). Je vous recommande d'ailleurs de voir "JSA" et "Sympathy for Mr. Vengeance" qui sont incontestablement des grands films. Venons-en maintenant plus précisément à l'histoire du segment de Park, nommé : "Coupez !".
Ryu est un réalisateur à succès habitant dans une demeure somptueuse. Il rentre de son travail et est assommé. A son réveil, il découvre qu'il est attaché et il voit un homme qui lui explique un deal. Celui-ci a attaché la femme de Ryu sur son instrument, à savoir un piano, et propose de la relâcher si Ryu tue un enfant qu'il a enlevé. Si Ryu ne veut pas, toutes les cinq minutes l'homme coupera un doigt de la femme.
Par le biais de ce pitch, vous vous rendez compte comme le segment de Park est méchant. Cynique et à la fois empli d'un humour noir extrême, Park joue à chaque instant avec les nerfs du spectateur. De plus la réalisation est d'une rare maîtrise à l'instar d'un "Old Boy" malgré le peu de lieu d'action (l'intégralité du segment en gros se situe chez le metteur en scène). Park a eu l'air de s'amuser et n'hésite pas à frapper dans le gore par instant. Il va au bout des choses en soi.
En outre, il propose aussi une critique. Critique de la condition des classes sociales entre une personne riche et un homme pauvre relégué en tant que simple figurant.
On retrouve aussi la vengeance et les décisions sans équivoques des personnages, propres au cinéma de Park. En somme, un excellent segment.
"Three extremes" est sans conteste un très bon divertissement qui comme son homologue "3 histoires de l'au-delà" offre deux très bons moyens métrage et un beaucoup moins bon, bien qu'ici il ne soit pas pour autant raté. Non le métrage de Chan n'aurait pas dû faire partie du lot, c'est tout. Mais la vision du film se vaut rien que pour le travail de Miike et Park, qui prouvent qu'ils sont parmi les réalisateurs les plus doués du moment.