Fils de chucky - le
Seed of chucky
Glen, poupée humaine est la propriété d'un saltimbanque qui se sert de lui pour faire son numéro de ventriloque. Un soir, à la Télévision, Glen découvre un reportage sur Chucky et Tiffany et apprend par la même qu'il s'agit de ses parents. Il se rend à Hollywood , bien décidé à les retrouver pour mener une vie heureuse. Mais sitôt ramenés à la vie, Glen découvre rapidement la vraie nature de ses parents. Chucky n'a qu'une obsession: faire de son fils un meurtrier, alors que Tiffany rêve de rencontrer son actrice préférée, Jennifer Tilly…
En 1998, nous avions laissé Chucky dans sa propre tombe, et Tiffany mourait en couches, non sans avoir mis au monde un nouveau-né. Tel était la conclusion de "La fiancée de Chucky", le quatrième épisode d'une saga débutée 10 ans plus tôt. Avec ce 5e volet, Don Mancini nous offre avant tout le devenir du plus célèbre couple de latex. "Jeu d'enfant" était un film d'horreur dans la plus pure tradition, dénué d'humour, et habité par une poupée meurtrière. Bon nombre de jeunes cinéphiles de l'époque, aujourd'hui adolescents ou adultes, furent marqués par l'apparition de Charles Lee Ray alias Chucky.
Le destin de Chucky n'évoluera que très peu à travers ses deux suites quasi immédiates ("Chucky 2 - la poupée de sang" et "Chucky 3"), laissant le personnage s'ébattre dans les meurtres basiques. Mais cette trilogie d'alors permettra tout de même d'asseoir le caractère de Chucky: sous ses airs de poupon angélique, le "Brave gars" fait preuve d'un humour parfois plus que douteux et d'un cynisme percutant.
Il est intéressant de voir avec le recul que Chucky connaît une véritable "évolution" caractérielle de son personnage au fur et à mesure que la saga avance. Un changement physique également: il apparaît ainsi balafré et le cheveu hirsute au cours de "La fiancée de Chucky". Ses expériences passées lors des épisodes précédents semblent avoir fait murir notre serial-killer miniature : manipulateur, colérique, teigneux, mais aussi un sentimentalisme qu'on le lui connaissait pas. Et pour cause : son ambition pour sa douce ne sera que dessein machiavélique, ponctué d'un langage oh combien fleuri. Le couple de celluloid le plus trash du cinéma venait de naître.
Avec "Le fils de Chucky", Don Mancini se rappelle à notre bon souvenir. Scénariste attitré de la saga depuis sa création, il n'en fallait pas plus pour que notre homme soit un jour attiré par la réalisation. Après ses premières armes en tant que réalisateur de la seconde équipe sur "La fiancée de Chucky", il doit en partie la paternité de ce film à David Kirschner, le producteur de la série. Depuis "Jeu d'enfant", Mancini assistera à tous les tournages (chose rare chez les scénaristes), accumulant ainsi l'apprentissage et l'expérience nécessaires qui conforteront Kirschner dans sa décision de lui confier les commandes de cet épisode.
"Le fils de Chucky" permet d'offrir en quelque sorte une suite à son prédécesseur qui présentait alors une parodie des films romantiques: la rencontre, les fiancailles, le mariage, la nuit de noces, et enfin l'enfant à naître.
Logique donc que Mancini décide de poursuivre dans cet univers domestique; sauf qu'il s'agit là d'un drame familial (une parodie évidemment) jouant une fois de plus la carte de l'humour noir. Mais le véritable évènement du film est bien évidemment l'enfant divin du couple: Glen. Ou Glenda comme le voudrait tant Tiffany. Une première référence en terme cinématographique à "Glen or Glenda" du controversé (artistiquement) Ed Wood. Ce ne seront pas les seules, et les cinéphiles reconnaitront sans peine les clins d'œil à "Body double" de Brian De Palma, et la volonté évidente de parodier tous les poncifs de "Kramer contre Kramer". Le personnage de cet enfant à la sexualité énigmatique et au caractère malléable permet évidemment de réconcilier l'enfance et le véritable rôle d'une poupée: l'identification et l'attachement sentimental.
Mancini aura la bonne idée d'éviter le piège facile d'en faire un assassin de plus. Introverti, hypersensible (témoins ses fuites urinaires à chaque meurtre), et prônant la bonne parole, Glen se révèle forcément attachant… mais aussi terriblement tête à claques. C'est une occasion de découvrir ainsi un Chucky et une Tiffany, tiraillés par leurs sentiments à son égard. Entre agacement et béatitude, leur rivalité parentale fait mouche. Lui veut un garçon, elle une fille, sans (presque) aucun droit de parole à leur rejeton. Le tableau est pittoresque et rejoint la réalité malgré elle; et comme souvent hélas dans la réalité, c'est l'enfant qui en fait les frais. Sauf que nous sommes au cinéma et que Glen saura apprendre à ses parents que sa patience a des limites: un pétage de plomb en bonne et due forme, cartoonesque, et qui se révèlera, à coup sûr, irréversible pour la suite.
Mais la véritable surprise du film ne viendra pas véritablement de Chucky, ni même de Glen. Tiffany Power! serait-on tentés de s'écrier. Malgré le titre du film, force est de constater que Glen et Chucky ne sont pas les vrais "héros". C'est l'occasion pour Jennifer Tilly d'endosser magistralement son double rôle de poupée plastiquement irréprochable dans les deux cas.
On ne voit qu'elle, et c'est une évidence, l'actrice semble avoir pris un pied monstre à interpréter son rôle. Elle offre ainsi une version parodique d'elle-même, une caricature à l'extrême de la diva hyper glamour, flanquée d'un caractère infernal. Jennifer Tilly possède un sens de l'humour aiguisé évident, et prend un malin plaisir à se moquer d'elle-même. Une des scènes où Tiffany la traîne par terre en la traitant de grosse vache et de salope en est la plus belle définition. Absents du scénario original, c'est Jennifer qui en eut l'idée et insista pour qu'ils soient inclus dans les dialogues. Et difficile de faire l'impasse également sur sa voix (en V.O évidemment) suave et irremplaçable. Le face-à-face avec le rappeur Redman sur sa conception (très personnelle) de la Vierge-Marie illustre parfaitement le propos: jubilatoire, drôle et politiquement très incorrect. Idem lorsqu'elle endosse le rôle de son double, une Tiffany effondrée qui s'épanche de ses déboires meurtriers au téléphone avec les alcooliques anonymes (chose qu'elle ignore évidemment): c'est touchant, drôle et terriblement annonciateur de la suite.
Car tout comme "La fiancée de Chucky", Tiffany va se rebeller, guidée avant tout par son instinct de mère et passablement agaçée une fois de plus par le machisme de Chucky. Est-ce l'image de la "femme" qui nous rend plus indulgent? toujours est-il que Tifanny ne vaut guère mieux que Chucky en terme de moralité, et pourtant on ne peut s'empêcher d'être souvent à ses côtés, même lorsqu'elle se fait la complice de Chucky dans son tout premier meurtre: l'occasion de découvrir un caméo du responsable des effets-spéciaux Tony Gardner, aussi doué pour les effets sanglants de "Le retour des morts vivants" sur lequels il a travaillé, que sur des trucages plus softs comme "La famille Addams".
Un travail au demeurant collossal pour la mise en scène des poupées. Des décors construits à deux mètres au-dessus du sol pour permettre aux accessoiristes de manier au mieux les marionnettes: des effets animatroniques saisissants, rendus principalement par l'enregistrement des véritables émotions des comédiens par ordinateur. La toute première fois aussi que les poupées faites de latex, paraissent aussi "humaines" dans leur comportement. Pas moins d'une cinquantaine de personnes pour leur donner vie feront l'admiration des comédiens qui reconnaissent leur devoir énormément dans leur approche du jeu face aux poupées. Au casting également, le plaisir non feint de retrouver un grand fan de la série (il rêvait de jouer dans la saga): le fantasque John Waters ("Serial mother") dans le rôle d'un papparazzi déjanté et avide de scoop. Un petit rôle jouissif en compagnie d'un Chucky poussé par l'envie ("Papa t'emmène en ballade et va faire de toi un homme") de remplir son rôle de père auprès de son fiston.
Poussant par moment la parodie à l'extrême aussi bien dans les dialogues que les effets spéciaux (les boyaux ressemblent à de grosses saucisses de Toulouse –rires-), il n'en reste pas moins que le discours se veut aussi un portrait au vitriol de l'éducation. Alors, tel père, tel(le) fils/fille?
Malgré le choix voulu et assumé depuis "La fiancée de Chucky" de tendre vers la comédie pure plutôt que l'horreur basique, il n'en reste pas moins que la saga reste fidèle à son propos depuis plusieurs épisodes: un humour distendu qui contribue énormément à la réussite du projet et comble les fans de Chucky. Il semblerait que Don Mancini ait exprimé à travers quelques scènes certaines choses qu'il ne se permettrait pas ouvertement. Ainsi décoche-t-il une première flèche sur le monde d'Hollywood à travers le personnage de Jennifer (les actrices-divas capricieuses), et la cérémonie des Oscars (Jennifer se plaignant de la main-mise de Julia Roberts sur les scénarios) avant de poser sa seconde banderille. Ce sera la presse et plus particulièrement la presse à scandales sous les traits de John Waters et la fin que Mancini lui administrera. Enfin, l'univers musical ne sera pas en reste, à travers Britney Spears qu'il n'hésite pas à envoyer dans le décor… Une scène que la chanteuse n'appréciera guère au point de menacer de faire un procès, avant de se rétracter.
De musique justement, il en est question ici en compagnie de Pino Donaggio ("Hurlements", "Piranhas"). Cet illustre compositeur ne se présente plus tant la discographie est éloquente. Pour "Le fils de Chucky", il fait une fois de plus preuve de son talent à travers une grande variété musicale, alternant les sons bruts, le classique ainsi que la musique pop. On le connaissait hétéroclite, témoins ses attachement principaux à De Palma ("Carrie au bal du diable", "Pulsions"…) ou encore Argento ("Deux yeux maléfiques", "Trauma"). Ici la partition qu'il nous présente est logique et pleine de saveur.
N'oublions surtout pas Brad Dourif ("Dune", "Alien : la resurrection", "Jeu d'enfant"), qui rempile pour la 5e fois pour notre plus grand bonheur. Désormais prisonnier de la voix de Chucky, il reste un élément indispensable du casting, mais nul doute que ses fans rêvent secrètement de le voir réapparaître, qui sait un jour, dans la saga sous les traits d'un second personnage…
Aussi il ressort de ce film une évocation en pointillé de films d'horreur de même catégorie (comédie horrifique) comme "Evil Dead" ou bien encore "Le loup-garou de Londres". C'est aussi un film-dans-le-film à l'instar de "Freddy sort de la nuit", où certains protagonistes jouent leur propres rôles. Mais là ou se démarque "Seed of Chucky", c'est le caractère irrévérencieux de l'œuvre, et l'attitude définitivement condescendante de ses acteurs dans ce qu'ils nous proposent.
La famille de Chucky semble donc bien partie pour connaître une suite, et ce n'est pas le twist final de celui-ci qui nous le démentira. Don Mancini ne manque pas d'idées, et il nous l'a prouvé ici: un peu trop peut-être même; le film en fourmille avec certaines sans doute pas assez exploitées. Mais l'essentiel est là: le film file à cent à l'heure, on s'amuse beaucoup, et l'interprétation est savoureuse. Et c'est bien là le principal.