Chilling visions : 5 senses of fear
Chilling visions : 5 senses of fear
Il semble désormais que l’on puisse carrément affirmer que les films à sketches horrifiques sont à la mode. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, ils étaient incroyablement rares. Puis il y a eu "Trick r Treat", "V/H/S", "V/H/S/2", "The ABCs of death" (qui devrait avoir également sa suite). Ici, nos cinq sens reçoivent le traitement d'anthologie horrifique avec Chilling visions: 5 Senses of Fear, une collection de cinq courts-métrages diffusés sur le câble, réalisés par des cinéastes à venir ou indies différents, s'attaquant chacun à l'un des cinq sens du corps humain. Le jeu des acteurs y est généralement assez solide et la production décente surtout si l'on considère que cela a été fait pour la télévision et très vite. C'est également une idée intéressante quant au concept et comme dans tous les films de style omnibus, certaines entrées fonctionnent mieux que d'autres, mais ça c’est à vous de juger…
L'introduction sous forme de générique, qui ne possède pas un «gardien» faisant office de guide comme dans "Les contes de la crypte", s’ouvre simplement sur l’image d’un homme torturé sur une chaise et dont chacun des sens est agressé puis cousu, le tout sur fond de musique violente. Plutôt morbide, mais il s'agit là d'une anthologie destinée à perturber un ou tous vos sens. Et, à divers degrés, cela devrait fonctionner.
Le premier segment, ayant un rapport avec l’odorat puisqu’il s’intitule
« Smell » en version originale, raconte l'histoire de Seth Kyle, un modeste employé de bureau dans une mauvaise passe. Il est en effet malheureux au travail, essaie en vain de reconquérir son ex et a perdu tout intérêt pour son apparence physique. Soudain, une VRP étrange se présente à sa porte. Elle lui expose et offre une sorte d’eau de Cologne qu’elle vante comme « un parfum à mourir » qui lui permettra de changer sa vie à condition de l’utiliser à doses homéopathiques. Bien évidemment, il ne suivra pas ces instructions. Mais dans un premier temps, Seth jouira des fruits de son nouveau parfum : il obtient une promotion au travail, achète une voiture de sport, les femmes ne peuvent plus lui résister, y compris son ex. Bien sûr, comme c’est souvent le cas avec ce type d'histoires, avec la fortune vient un prix. Et le coût pour le parfum prend ici l’apparence d’effets secondaires non escomptés…
Mis en images par le scénariste/réalisateur Nick Everhart, cet «Odorat» bien que présentant une trame stéréotypée et prévisible, possède quelques effets trash voire gluants et est proprement filmé. C'est suffisamment tordu, avec une bonne dose d’humour noir et assez bien joué pour constituer un apéritif certes pas transcendant mais tout à fait honnête car donnant le ton sombre des chapitres à venir. Donc idéal pour commencer un film à sketches horrifiques.
Le court suivant réalisé par Miko Hughes (oui, l’affreux gamin Gage vu dans "Simetierre") est un conte moraliste qui n'est pas non plus des plus profonds, mais contenant tout de même quelques bonnes idées. On y aperçoit un optométriste ayant développé une machine qui extrait des images de l'œil de ses patients et qu’il peut exploiter sous forme liquide en se les appliquant avec un compte-gouttes. Ce « voyeur » prend donc un malin plaisir à visionner les expériences des autres, surtout celles de sa patiente préférée. Lorsqu’il découvre que celle-ci se fait malmener par son petit ami, il s’expose pour la sauver et essaie d’intervenir dans sa vie privée, mais s’apercevra, au final, qu’il faisait un bien meilleur ophtalmologiste qu’un justicier…
Tous ceux qui éprouvent des difficultés à regarder des tortures oculaires voudront peut-être couvrir leurs propres yeux en visionnant ce segment nommé « Sight », qu’on traduirait par « vue » ou « vision ». Et on pourrait leur donner raison car certains visuels sont vraiment tordus pour ne pas dire malsains. Et même si la première réalisation de Hughes tourne un peu en rond, on retiendra surtout la composition hallucinée du boyfriend déséquilibré et une idée de départ intéressante.
Dirigé par la très jeune Emily Hagins, « Touch » (« Contact ») suit le sillage de Harry, un jeune garçon aveugle victime d’un accident de voiture en zone rurale avec ses parents. Leur téléphone portable s’est brisé dans l'accident, ils sont en plus tout à fait seuls et incapables de se mouvoir. Harry va donc serpenter tout seul et effrayé un territoire qu'il ne connaît pas. Puis il tombe sur une cabane à l’abandon semblant être celle d'un tueur en série pour le moment absent. Mais le serial killer, dont le visage ne nous est pas inconnu, regagne vite son habitation et semble bien décidé à poursuivre cette proie a priori facile. Le garçon devra alors utiliser ses autres sens pour échapper à cette chasse mortelle entre le tueur et lui.
Ce court-ci est très intelligent et le gamin en tête de distribution est très crédible dans le rôle, il est assez facile de sympathiser avec lui voire de s’identifier à lui tout en se demandant ce qu’on ferait à sa place. Hagins fait ainsi un bon travail en nous mettant "dans ses chaussettes" et encore une fois, le style visuel intéressant fonctionne très bien. L’enfant utilise ainsi son incroyable capacité à sentir son chemin autour de lui pour sortir non seulement d’une forêt dangereuse remplie d’arbres, de trous et de pièges à ours, mais aussi pour faire face à un chasseur dont les proies sont humaines. Un joli jeu du chat et de la souris se produit alors entre l'enfant et son poursuivant dans ce court, dont les enjeux deviennent de plus en plus importants...
Arrive ensuite « Goût » (« Taste ») qui suit un jeune homme ayant rendez-vous pour un entretien d'embauche dans ce qui semble être à première vue une société classique. Il arrive alors vêtu d’un sweat à capuche et d’un jean tout en n’étant pas très de ce sûr pourquoi il a été invité ici. Bien sûr, il n'y a rien de typique à ce sujet et il l’apprendra quand il rencontrera Lacey Forte, chasseuse de têtes, en découvrant sa proposition…
Eric England dirige ainsi cette quatrième histoire qui prend un peu de temps pour aller au fond de son sujet mais qui aboutit à une conclusion macabre tout à fait appropriée. Il fait également quelques observations allégoriques intéressantes sur le monde impitoyable et la concurrence cruelle dans les grandes entreprises et la façon dont celles-ci ont tendance à faire des affaires. Encore une fois, la touche d'humour noir est très efficace et contribue à divertir et les performances des acteurs sont solides. Au moment où le segment s’achève, on constate qu’il constitue sans conteste le plus gore et ce, même s’il est le plus bref en durée, mais aussi le meilleur, du moins pour le moment. De plus, une certaine folie exubérante se dégage du final de cet épisode servant également à faire le lien avec les autres histoires…
« Hearing » autrement dit « L’ouïe » rompt avec le reste des courts-métrages car il est en format found footage. Il raconte ainsi l'histoire de deux jeunes hommes qui tentent de reconstituer l’enregistrement d'une chanson prétendument connue pour tuer tous ceux qui l’écoutent dans son intégralité et qui était considérée jusque-là comme définitivement perdue. Ce dernier récit de Jesse Holland et Andy Mitton voit un groupe d'amis très unis qui décide d'explorer la véritable histoire derrière une légende urbaine concernant une chanson perdue dans les méandres du temps. Au fil de leur reconstitution où on les voit notamment trouver des vidéos datant des années 1970 montrant un médecin effectuant des expériences avec des gens jouant une chanson intitulée « Écoutez, mes enfants », ils se rendent compte qu'il y avait une très bonne raison pour que la chanson ait été cachée pendant toutes ces années…
Comme le précédent, c'est assez gore, même si filmé en noir et blanc pour la plupart des scènes et c’est beaucoup mieux que les trois premiers. Le point culminant prenant lieu et place dans une scène fantastique mettant en vedette ce qui arrive quand quelqu’un joue le morceau intégral en face de quatre autres personnes, ce qui prouvera qu'il y a du mérite à accorder à la soi-disant légende…
Comme c'est généralement le cas avec les anthologies d’horreur, les courts sont souvent au final un tas d'histoires aléatoires collées ensemble. Ici, les récits dans Chilling visions: 5 Senses of Fear sont certes tous différents et constituent des segments indépendants. Toutefois, ils se révèlent être peu à peu vaguement liés, chacun d'eux étant en quelque sorte relié à une société sinistre appelée « bassin versant » (« Watershed » en anglais). Alors oui, l’ensemble est inégal, certains courts étant mieux que d’autres (notamment les deux derniers), mais un certain humour noir tordu fait son chemin dans chacune des histoires et surtout il y a la louable intention d’étendre un fil conducteur servant de liant et se développant au fur et à mesure du déroulement du métrage. Les segments ont également en commun un plaisir macabre malsain et ils ne se prennent pas au sérieux tout en étant créatifs voire malins pour certains. Conclusion : on a certainement vu mieux, mais Chilling visions: 5 Senses of Fear est un ouvrage d’honnête facture en provenance de la télévision et il serait donc idiot de ne pas lui donner sa chance.