Godzilla II - Roi des monstres
Godzilla: King of the monsters
L'agence crypto-zoologique Monarch doit faire face à une vague de monstres titanesques, comme Godzilla, Mothra, Rodan et surtout le redoutable roi Ghidorah à trois têtes. Un combat sans précédent entre ces créatures considérées jusque-là comme chimériques menace d'éclater. Alors qu'elles cherchent toutes à dominer la planète, l'avenir même de l'humanité est en jeu…
Godzilla vs King Ghidorah vs "Mothra" vs "Rodan". On pourrait se croire à l'âge d'or du kaiju eiga, quand le plus célèbre monstre de l'archipel japonais affrontait sans faiblir d'innombrables créatures. Pourtant, nous ne sommes pas ici au Japon, mais bien devant un film américain, avec le troisième volet du MonsterVerse, la saga imaginée par Legendary Pictures autour de Godzilla (rebooté dans le bien nommé "Godzilla" en 2014) et King Kong (également rebooté avec "Kong : Skull Island"). Et en attendant le nouvel affrontement entre les deux légendes, déjà prévu pour 2020, Godzilla va se faire la main sur quelques sous-fifres.
Le principal défaut du film de Gareth Edwards était d'être bien trop sage, presque trop respectueux de ses modèles. Skull Island offrait quant à lui le plaisir presque coupable d'un film décomplexé. J'espérais sincèrement que "Godzilla II - Roi des monstres" (ai-je vraiment besoin de préciser que je trouve ce titre horriblement laid ?) suivrait plutôt la voie emprunté par le singe géant, un affrontement entre monstres titanesques s'accordant mal, à mes yeux, avec un film trop sérieux. Pas de bol, le film de Michael Dougherty ("Trick'r treat", "Krampus") va vouloir jouer la carte du "dramatique" (oui, avec des guillemets) et du "réaliste" (avec encore plus de guillemets), en nous récitant la gamme du blockbuster américain sans imagination, avec ses personnages creux, son humour de collégien ("Ghidorah, ça ressemble à gonorrhée" LOL) et son scénario brouillon.
On a ainsi la gentille petite famille américaine, déchirée par un drame lors de la dernière apparition de Godzilla : le papa est très colère, a sombré dans l'alcool et souhaite la mort de tous les monstres ; la maman est tristoune, mais a choisi de se tourner vers la recherche pour mieux comprendre les monstres ; la fille ne sait pas trop où se situer, et se contente d'errer avec la même expression pendant deux heures (pour ceux qui se poseraient la question, Millie Bobby Brown n'a pas pris de cours d'interprétation depuis "Strangers things"). Ajoutez à tout ça un méchant terroriste écologique qui estime que la meilleure façon d'éviter la destruction de la planète, c'est de détruire la planète, et vous êtes en terrain parfaitement connu. Aucune surprise, aucun rebondissement, de la rédemption, du sacrifice, de la bravoure, du sauvetage à l'ultime seconde : on se demande comment fait le film pour passer autant de temps avec des personnages aussi lisses, mais il le fait. Bref, au niveau des personnages, c'est un gros raté qui prend beaucoup trop de place.
Heureusement, il y a les monstres, et le film se montre particulièrement généreux à ce niveau. On retrouve donc les camarades de jeu les plus habituels de Godzilla, à savoir King Ghidorah, Mothra et Rodan. Et quelques rapides apparitions d'autres Titans, qui prouvent s'il le fallait encore que les japonais sont quand-même autrement plus créatifs que les américains quand il s'agit d'imaginer un monstre. On imagine sans peine les millions de dollars ingurgités par la production pour faire vivre ces créatures et, si on peut admirer des effets spéciaux souvent irréprochables, j'avoue rester un peu sur ma faim quant aux apparences des créatures. L'un des paradoxes du kaiju eiga est de faire quelque chose de cohérent sans vraiment chercher le réalisme à tout prix. Ici, on a le paradoxe inverse : à vouloir faire trop crédible, le film perd souvent toute vraisemblance. Alors oui, Rodan qui sort de son volcan, King Ghidorah qui sort de sa prison de glace, cela donne des images superbes... mais on n'y croit pas une seconde.
Sans doute bien conscient de ces limites, le réalisateur choisit généralement de nous placer au plus près de l'action. A côté de ces satanés personnages dont on se contrefout, en fait. Le résultat est double : on assiste ainsi à des combats souvent illisibles, mais dont la proximité renforce l'intensité et le caractère chaotique. Souvent un peu frustrant, le procédé prend enfin toute son ampleur lors du combat final, particulièrement réussi. En fait, l'élément le plus réussi des Titans est la façon avec laquelle ils ont été intégrés aux mythes et croyances classiques.
On s'étonnera aussi de l'étrange maladie des scénaristes, apparemment atteints de ce que je qualifierais d'un "Tourette de référence" : à intervalles réguliers, sans prévenir, sans réelle cohérence, on nous balance un clin d'oeil visuel, une musique, une phrase destinée à faire vibrer le fan de la saga japonaise dans une espèce de gros renvoi incongru. Un peu comme si on venait vous roter à la tronche des pâtes à la crème fraiche et aux lardons en espérant vous faire voyager en Italie. Je ne suis vraiment pas fan du Godzilla de 2014, mais Edwards, en plus de savoir filmer les affrontements entre monstres, parvenait à intégrer subtilement ses coups de coude complices.
Des personnages inintéressants et trop présents, des monstres présents mais qui nous laissent sur notre faim, un scénario sans imagination (l'Orca, quelle idée grotesque...) et une réalisation quelconque : Godzilla II - Roi des monstres est un blockbuster navrant, alors qu'il aurait pu offrir un formidable spectacle. On préférera largement revoir "Pacific Rim", supérieur à tous les niveaux, ou bien sûr les meilleurs films japonais du genre.