Grace
Grace
Après deux grossesses qui ont échoué et plusieurs mois à tenter de concevoir avec son mari un descendant enfin viable, Madeline Matheson tombe enfin et à nouveau enceinte.
Les méthodes traditionnelles n'ayant pas fonctionné, et malgré les exhortations de sa très protectrice mère, elle se tourne vers un accouchement dit naturel que prône une de ses ancienne amie d'université devenue sage-femme.
Las, le sort s'en mêle et à huit mois de grossesse, elle subit un terrible accident de voiture. Son mari y laisse la vie, son enfant dans son ventre aussi.
Refusant de voir la réalité en face, Madeline décide de mener la gestation à son terme.
Le miracle se produit et le bébé revient littéralement à la vie.
Pourtant, Grace n'est pas un enfant comme les autres. Le bébé dégage une odeur désagréable, même lorsque ses couches sont vides. Les mouches ont tendance à pulluler autour de celui-ci et il refuse le lait de sa mère. Car Gracie semble avoir d'autres besoins…plus sanguinolents.
Non, Grace n'est pas un hommage à la conduite automobile de feu la princesse Kelly de Monaco. C'est le premier film de son réalisateur, Paul Solet, un petit bijou d'horreur psychologique, tourné avec peu de moyens et énormément de talent.
Minimaliste dans sa mise en scène, granuleux dans sa photographie, attentif à ses personnages par le biais d'une caméra observatrice, utilisant les dialogues avec à-propos, Grace se veut une métaphore des dangers d'un amour maternel (d'un amour tout court) trop fort qui peut transformer une personne, en apparence normale, en une fanatique obsédée par ce même amour.
Un engrenage fatal dans lequel le refus des évidences entraîne le déni, la violence et la folie.
Folie. Madeline aime son bébé à la folie. Jusqu'où est-elle prête à aller pour nourrir son grotesque enfant ? Jusqu'où son envie de maternité, son besoin primitif d'avoir un enfant à choyer l'entraînera-t-elle ?
Loin, très loin, suffisamment pour nier la monstruosité apparente de son enfant, pour accepter de le nourrir avec du sang animal puis humain, pour assassiner des gens afin de nourrir la seule chose qui compte pour elle… son bébé.
Dérangée, elle l'est. Sa mère, Vivian l'est tout autant. Méprisable, acariâtre, surprotectrice, inconsolable de la mort de son fils, elle va tenter de profiter de la situation pour voler le bébé de sa propre fille, afin d'être mère à nouveau.
Le rapport entre les deux personnages féminins, leurs ressemblances, leurs dissemblances, donnent au film une plus-value appréciable. Surtout quand, comme c'est le cas ici, l'interprétation est au niveau des enjeux.
Jordan Ladd ("Cabin Fever", "Inland Empire", "Boulevard de la mort", "Hostel 2") , toujours aussi mignonne, donne corps à Madeline dans un rôle que l'on imagine difficile à interpréter. Même satisfaction en ce qui concerne l'apport de Gabrielle Rose ("Le beau-père", la série "Taken") en mère atrabilaire.
Si, Grace paye un dû évident à des œuvres tels que "Frère de sang" ou "Chromosome 3", c'est avant tout du "Rosemary's baby" de Polanski, que l'on peut le rapprocher. Solet y adopte un ton et une ambiance presque similaire, il y reproduit les thèmes de la paranoïa, celui de l'isolement et de l'altération du comportement du à la maternité.
Paul Solet réussit un excellent film en tournant le dos à la culture actuelle du film horrifique. Sobre, lent dans sa progression dramatique, n'utilisant ni effets faciles, ni gore à outrance. Presque une œuvre "old-school" où l'écriture d'un script cohérent, une bonne direction d'acteurs, l'étude de caractère des personnages et une mise en scène solide sont la base même d'un film effrayant et tendu.
Tout cela n'empêchant jamais, au contraire même, quelques séquences effrayantes ou quasi- traumatisantes (cf. l'accouchement).
Si vous aimez l'effroi rampant, de celui qui lentement se fraie un chemin au travers de vos nerfs, si vous adorez l'inconfort délicieux que peut vous procurer un film, ou simplement si vous envisagez d'accoucher rapidement, alors Grace devrait sans aucun doute vous remplir d'aise... et d'un certain effroi.
Disponible en DVD Zone 2 depuis le 15 Juin 2011 chez TF1 Vidéo.