Lloyd
KAUFMAN
The Crap Keeper, Stanley L. Kauffman, Lloyd Kaufmann, Gabriel Lloyd, Louis Su, Samuel L. Weil, Samuel Weil
Producteur / réalisateur
30 décembre 1945
New York
Le 30 décembre de l’an de grâce 1945 naissait à New York, celui qui plus tard serait appelé à être la figure emblématique du cinéma indépendant a travers le monde.
J’ai nommé Monsieur Lloyd Kaufman.
Si on ne sait pas ce qu’il a fait entre 1945 et 1964 (!), c’est cette année que Lloyd Kaufman choisit pour entrer à Yale étudier le Chinois. Là il usera ses fonds de culotte avec Georges W. Bush qu’il a publiquement qualifié comme étant "son camarade sniffeur de coke le plus détestable"
Si auparavant il n’aspirait qu’à se faire un nom dans la comédie musicale à Broadway, dans les dortoirs de l’université les rêves du jeune Lloyd vont changer. En effet ses deux colocataires sont des mordus de cinéma, de telle sorte qu’il lui sera difficile d’échapper au syndrome. A la découverte de grands cinéastes comme John Ford, Howard Hawks ou encore Roger Corman, la vocation de Lloyd Kaufman devient tout à coup évidente.
En 1966 alors qu’il est envoyé au Tchad après s’être enrôlé dans les American Peace Corps (un équivalent américain de la Croix Rouge), Lloyd Kaufman filme de sa caméra 16 mm, des autochtones en train d’égorger un cochon (et, affirme-t-il, contractera accessoirement plus de 20 formes de diarrhées, des maladies tropicales et de MST en tout genre !).
A son retour il projette à ses proches les 15 minutes de bande qu’il ramène du Tchad. L’effet est radical : tous sont choqués par un quart d’heure de grognement gargouillant. A la vue des réactions de ses parents et amis, Lloyd va se demander quelles seraient les réactions d’un public face à un film horrible. C’est là que débute l’Histoire.
Après avoir produit le film de l’un de ses amis, l’enfant prodige va réinvestir l’argent ainsi obtenu afin de réaliser son propre film : "The Girl Who Returned" en 1969. Un film expérimental et surprenant, ce qui s’explique par le fait que le métrage en question ait été monté sous l’influence de LSD.
Afin de se faire un nom, Lloyd s’engouffre dans divers projets auxquels il viendra prêter main forte. Ainsi, il se retrouvera à participer au montage de Rocky. Là il rencontre John G. Avildsen avec qui il collaborera pour accoucher de "Cry Uncle!".
En 1971 il réalise son second film : "The battle of love return", une comédie qui se veut dans la veine de Buster Keaton et Charlie Chaplin. Si la Troma n’existe pas encore, les jalons sont posés. Son ami Oliver Stone viendra faire coucou à la caméra au cours du tournage et sera de la partie lorsque Kaufman et Franck Vitale formeront les studios 15th Street Films. Ces studios produiront "Cry Uncle" (1971), "Sugar Cookies" (1973) et finalement "Big Guss What’s The Fuss?". Michael Hertz entre dans la danse à ce moment précis : ayant vu Lloyd jouer dans "Cry uncle" il demande à son camarade de l’intégrer dans le milieu du cinéma.
Cependant le moment était mal choisit, puisque "Big Guss, What’s the Fuss?" prévu comme le tremplin de 15th Street Films causera en fait la perte des studios à la suite d’un énorme bide. Cela est notamment dû au fait que la communauté Juive New Yorkaise n’a pas apprécié la blague et s’est sentie insultée par le film qui a été taxé de tout les noms.
Afin de rembourser les dettes laissées par le studio, Lloyd Kaufman fera dans l’alimentaire en tournant deux films X ("The Newcomers" et "The Divine Obsession", respectivement 1972 et 1975) et prendra à nouveau à divers projets. C’est au cours de ces divers jobs pour des grosses compagnies que Lloyd Kaufman découvrira un esprit qui le répugne, et le poussera à demeurer indépendant tout au long de sa carrière.
C’est donc en 1974, alors que le bonhomme et son partenaire Michael Hertz sont dedans jusqu’au cou, qu’ils décident de créer de nouveaux studios. Armés de 300 $ et d’un débarras comme seul local, ils donnent naissance à Troma, une compagnie de cinéma indépendant.
Avec les droits de quelques films qu’ils concidèrent comme merdiques, les deux compères entendent bien tirer quelque chose de Troma et laisser leur trace dans le monde du cinéma.
C’est alors qu’en 1975 ils sont présentés à Joel M. Reed. Le garçon à sous le coude un film inachevé appelé "Master Sardu and the Horror Trio". Michael et Lloyd se chargent de terminer le film et l’éditent sous la bannière "Troma". L’année suivante le titre du métrage est changé pour devenir "Bloodsucking freaks" ("The Incredible Torture Show") et le film sort enfin sur le marché... pour leur rapporter tout juste de quoi continuer l’aventure.
Par la suite Lloyd reçoit un coup de fils d’un cinéma qui désire un film sexy dans la veine de "The Divine Obsession", mais à propos de Softball (un sport s’apparentant au baseball). Ainsi naquit "Squeeze Play" en 1980. Le film marque le début d’une période chez Troma, celle des comédies graveleuses. Troma sortira donc coup sur coup "Waitress!" en 1982, "The First Turn-On!!" en 1983 et "Stuck On You!" en 1983. Ce quatuor de films peut être tenu comme responsable des attaques intempestives d’Hollywood et de ses teenage movies à deux euros. En effet Américan Pie et tous ses suivants reposent sur les mêmes bases, qui sont celles posées par Troma quelques 20 ans plus tôt.
En 1984 Lloyd et Michael lisent dans un numéro de Variety "The Horror Film is Dead" (le film d’horreur est mort). Dans leur esprit germe alors l’idée de génie de croiser comédie burlesque et horreur appelée "Health Club of horror". Le métrage sort finalement en 1985 après avoir été retitré "Toxic Avenger".
Ce film contient la totalité du crédo de Troma : des nichons, du sang, du vomi. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Toxie est la mascotte de Troma.
A partir de cette date on ne compte plus les films cultes dont les deux compères sont à l’origine. Toutefois, il convient de nuancer le propos : chez Troma le meilleur côtoie aussi le pire, souvent camouflé derrière des titres tentateurs (au hasard, "Pterodactyl Woman From Beverly Hills").
A de nombreuses reprises, Lloyd passera derrière la caméra, pour réaliser les plus grands succès de Troma. En effet Troma réalise, mais elle produit et distribue aussi. Cela l’amènera à propulser nombre de jeunes gens pleins de talents comme James "Horribilis" Gunn ou Trey "Cannibal The Musical" Parker. Troma étant formé autour d’un concept familial, il n’est pas rare que Lloyd fasse une apparition dans les œuvres de ses poulains.
Cependant tout est loin d’être idyllique, le milieu du cinéma indépendant ne permettant pas à la compagnie de bénéficier de filières de distribution aussi efficaces que les majors. C’est ainsi que Lloyd est de tous les festivals, constamment en déplacement pour porter la bonne parole. Ainsi, le père de Toxie est-il perçu par les majors comme un agitateur, un empêcheur d’exploiter en rond.
Son réel problème, et il l’a avoué lui-même lors d’une interview donnée à mon confrère Arnaud Mangin de DVDRama, est qu’il n’a pas su profiter du système. Il n’est pas homme à accepter les concessions, à aimer se faire dicter ses faits et gestes par des gens pour qui cinéma ne rime qu’avec profit.L’homme est un idéaliste, et préfère envoyer paître les représentants d’un cinéma édulcoré, sans saveur et bien pensant.
C’est afin d’illustrer cette situation assez précaire typique au cinéma indépendant, mais tellement haute en couleur que le réalisateur se lance dans l’adaptation de son livre autobiographique : All I Need to Know About Filmmaking I Learned from the Toxic Avenger.
Le résultat en est Terror Firmer qui sort en 1999. Malgré la présence de Ariel Wizman et Edouard Baer, les distributeurs Français se refusent à toucher aux métrages de Troma.
L’année suivante sort "Citizen Toxie - The Toxic Avenger 4", le quatrième volet des aventures du Toxic Avenger. Lloyd Kaufman est bien sûr au poste de réalisateur pour délivrer un film corrosif et probablement le métrage le plus propre techniquement parlant.
Puis en 2004 survient un coup dur. Lloyd se lance dans la production de "Tales From The Crapper", une mini série budgétée à 250.000 $, qui aurait dû être diffusée via internet. Mais le réalisateur quitte la production à mi-parcours et poursuit Lloyd en justice, laissant derrière lui un matériau complètement inutilisable. L’équipe de secours s’avère plus intéressée par l’alcool que par l’avenir de "Tales From The Crapper", forçant Lloyd Kaufman à achever le massacre.
L’aventure aurait bien pu avoir raison de Troma et de son géniteur, mais que nenni, celui-ci revient en 2006 avec un nouveau métrage : "Poultrygeist: attack of the chicken Dead"
32 ans après sa création, Troma est la plus vieille compagnie de cinéma indépendant et continue d’inspirer de par le monde. Quant à Lloyd Kaufman il continue de parcourir le monde, faisant de nombreuses apparitions dans des films plus ("Hostel 2", "Horribilis") ou moins ("Le Bon, La Brute et Les Zombies", "Parts of the Family") (re)connus.
IM.PRES.SION.NANT !
Colin VETTIER
le 26 mai 2006