Live feed

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Après la nuit que la rédaction a passé à l'"Hostel" d'Eli Roth, dont la conséquence aura été la division des effectifs en deux camps – ceux qui voient là un renouveau du film de genre, et les autres – voici venir Live Feed.

Un groupe de cinq jeunes gens (deux hommes et trois femmes) s'embarque dans un voyage en Asie. Lors de leur arrivée dans la première ville où les conduit leur périple, ils se plient à la traditionnelle visite du marché de nuit, et de ses animations. Dès cet instant, il ne fait aucun doute que les cinq amis n'ont pas leur place ici. Ils se montrent plutôt intolérants envers la culture locale, et se comportent comme les gros beaufs occidentaux qu'ils sont : exubérants et superficiels.
Pour ne pas être trop dépaysés, leurs activités nocturnes vont se limiter à un bar et un cinéma porno. Sexe, drogues et viande hachée. Que le spectateur fatigué de voir des ados se vautrer dans une débauche de superficialité et de sexe insipide se rassure. Tout cela va très mal se terminer comme le laisse présager l'affiche.
Forcément, ils ont bousculé le mafieux local, et n'ont trouvé comme meilleur passe temps, que celui d'aller dans son cinéma porno. Ca sent le Chop Suey de touriste !

LIVE FEED | LIVE FEED | 2006

A la vision du métrage de Ryan Nicholson, impossible de ne pas penser à "Hostel". Le cheminement de l'histoire est sensiblement le même. Des touristes américains voyagent pour s'en mettre plein les sens (et les narines !). Dans les deux cas, les intéressés sont des purs produits d'une culture renfermée sur elle-même, friande d'une imagerie sensuelle et sexuelle.
"Get shitfaced and fuck !"
Voilà de quoi construire une bonne réputation aux touristes américains. En absorbant le message du métrage de façon superficielle, le spectateur pourrait croire que les Etats-Unis enfantent des générations de crétins obsédés sexuels, nombrilistes et superficiels. C'est donc sur une impression, aussi préjudiciable pour les jeunes américains, que désagréable pour le spectateur – les protagonistes sont de sacrées têtes à claque – que débute Live Feed. C'est à se demander s'il ne s'agirait pas d'une sorte de pamphlet, pointant du doigt une culture, un comportement.

A l'instar de son modèle ("Hostel" donc, suivez !!), la première partie du métrage tente d'immerger le spectateur dans un monde inconnu, de le familiariser avec les protagonistes. Comme pour "Hostel" le but est lamentablement raté. Dans cette génération de films, seul "Wolf Creek" s'est montré à la hauteur, avec une première partie d'exposition fort réussie.
Toutefois, dans sa partie d'ouverture, Live Feed ennuie moins que son aîné. Ainsi la visite du marché de nuit s'avère infiniment plus palpitante que la recherche désespérée d'un coup à tirer des trois mâles en rut du métrage d'Eli Roth.

Là où Live Feed se départit de son inspirateur, c'est au moment de trancher dans le vif. Ici pas question de torturer abominablement avec un aspect voyeuriste très prononcé. Si torture il y a, le réalisateur a voulu conserver un aspect divertissant, du gore fun en quelque sorte.
L'aspect du bourreau annonce à lui tout seul la couleur : une masse de plus de deux mètres, habillé en boucher sadomasochiste. Effet bœuf garanti quand il s'agit de tailler dans le lard. Le design du personnage est simpliste, mais d'une efficacité redoutable. Son charisme en est d'autant plus élevé, cela malgré son attitude imbécile – son apparence impressionnante lui confère aussi un air lourdaud.
La comparaison avec Leatherface est inévitable. Tout deux sont de gros bêtas, qui auraient pu être de gentils nounours s'ils n'avaient pas été nourris d'influences malsaines. Cependant le boucher de Live Feed ne se limite pas à l'utilisation d'une tronçonneuse, mais fait preuve d'une certaine inventivité dans ses tortures. Pour ne pas en déflorer la surprise, il ne sera pas ici question des diverses façons de mettre à mort ces "pauvres" touristes occidentaux. (Certaines idées proviennent directement du Chiropracteur de Ryan Nicholson !)
Live Feed dispose donc d'un tueur charismatique qui justifierait à lui seul des suites, produits dérivés, etc.

De ce fait, cet immense boucher est le pilier central du métrage. Il ne faut sûrement pas compter sur l'intrigue qui, quand elle n'est pas inexistante, se vautre dans les lieux communs du genre. Les histoires de vengeance et d'honneur souillés c'est bien gentil, il serait toutefois préférable de laisser ce genre de chose aux Power Rangers et autre héros en juste corps plastifié.

Live Feed, bien que délibérément fun, fait parti de cette vague de métrages qui s'intéressent de près au snuff.
La légende veut que les snuff-films soient de véritables meurtres et autres tortures enregistrés sur bande vidéo. Cette légende semble en travailler plus d'un, tant et si bien qu'un des enquêteurs de réservoir-prod a approché les lecteurs d'horreur.com en ces termes "si vous êtes adeptes de snuff movies n'hésitez pas à contacter…" Que ce soit clair une bonne fois pour toute, le snuff-film est une légende urbaine, au même titre que la jeune femme qui se touche avec une queue de homard et qui finit par mourir d'une explosion vaginale. Tous les soi-disant snuffs se sont avérés truqués, et c'est bien mieux comme ça. Dans le cas de Live Feed, la mise à mort des jeunes américains, sert de divertissement à un homme de la triade qui semble jouir du spectacle. Un plaisir probablement proche de celui ressenti par un supporter rempli de malt et de houblon fermenté.

Afin d'appuyer cet aspect froidement "réaliste", 99% du métrage est tourné au poing, avec une caméra digitale. Le résultat est cru, pas toujours très esthétique mais permet une impression de spontanéité. Le traitement formel du film – autant que son fond – renvoie au snuff en question, sans toutefois se laisser aller à une réalisation trop indigente. Encore une fois le but est de divertir le spectateur, pas de lui donner l'impression de regarder la cassette de vacance de Charles Manson.

Ryan s'en tire d'autant mieux avec sa réalisation, qu'il n'a jamais quitté Vancouver, au Canada, pour tourner Live Feed. Cela se ressent légèrement sur certains aspects du film (les clients du cinéma porno sont tous des occidentaux, les rues ne dégagent pas l'enivrante atmosphère des artères chinoises…), cependant le cinéaste réussit là un tour de force, et trompe aisément le spectateur.
Ajouter à cela, une dose d'electro et quelques accords métalliques en guise de bande son, était une riche idée, peu coûteuse et efficace. Quoi de mieux que quelques riffs énervés pour accompagner une petite boucherie ?

Fangoria ira même jusqu'à dire que le spectacle, n'est "pas pour les mauviettes, les cardiaques ou les personnes facilement impressionnables."

A la question, faut-il oui ou non voir Live Feed, je ne saurais répondre. Le métrage est plutôt agréable à visionner, tient la comparaison avec "Hostel", et va jusqu'à se payer le luxe de certaines originalités fort bienvenues. Live Feed est loin d'être un chef d'œuvre, mais se montre très prometteur pour la suite de la carrière de Ryan Nicholson. Le jeune homme est habité par une furieuse passion pour le cinéma de genre. Cela pourrait bien le conduire à réaliser quelques très bons divertissements par la suite. Pour le moment les amateurs de petites productions indépendantes sanglantes sauront trouver leur bonheur en Live Feed. Les autres préfèreront attendre le train suivant.

LIVE FEED | LIVE FEED | 2006
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* A noter que le monteur de Live Feed est Vince D'Amato, qui a collaboré entre autre avec Fred "August Underground" Vogel et à réalisé quelques joyeusetés dans son coin.

Note
4
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Colin Vettier