Spasmo
Spasmo
Christian se promène sur la plage en compagnie d'une amie. Ils découvrent le corps inanimé d'une jeune femme. Cette dernière n'est pas morte et se réveille lentement. Elle dit s'appeler Barbara et disparaît mystérieusement. Le lendemain, Christian la retrouve lors d'une soirée sur un yacht. Le feeling passe bien et Christian se retrouve dans un motel avec Barbara. Pendant qu'il se prépare dans la salle de bain, Christian est agressé par un inconnu armé d'un pistolet. En pleine bagarre, il parvient à s'emparer de l'arme et tue son agresseur. Affolée, Barbara décide de s'enfuir avec lui. C'est le début d'un cauchemar qui semble sans fin pour Christian…
Umberto Lenzi est un réalisateur italien très apprécié des amateurs. Comme la plupart de ses confrères, il a œuvré dans moult genres, passant du polar ultra violent ("la rançon de la peur") au film d'héroïc fantasy ("la guerre du fer"), du film d'aventure ("Sandokan, le tigre de Bornéo") au film d'espionnage ("Super 7 appelle le Sphinx"), du film de guerre ("Les chiens verts du désert") au western ("Una pistola per cento bare") avec la même motivation. Lenzi est surtout connu pour ses films de cannibales ("Cannibal Ferox", "La Secte des Cannibales", "Cannibalis") et pour ses films d'horreurs ("l'avion de l'apocalypse", "Ghosthouse"). A la fin des années 60, il a également œuvré dans le giallo. Il réalise ce qu'il appelle lui-même sa trilogie avec "Orgasmo", "Si douces, si perverses" et "Paranoia" en 1969-1970, et continue sur sa lancée avec d'autres gialli comme "Sette Orchidée macchiate di rosso" ou "Spasmo". Lenzi porte une attention toute particulière à "Spasmo", qu'il définit comme étant un giallo hors norme, ne répondant pas aux codes habituels du genre, qui est d'avantage basé sur l'approche psychologique des personnages que sur des meurtres graphiques ou la présence d'un tueur vêtu de noir. Force est de reconnaître qu'effectivement, Spasmo pourra dérouter ceux qui penseront visionner un film dans la lignée de ceux d'Argento par exemple.
"Spasmo" donne effectivement la part belle à la psychologie et à la personnalité de ses personnages. Il s'intéresse notamment à Christian, interprété par Robert Hoffman. Christian mène une vie aisée, puisqu'il est actionnaire avec son frère d'une importante société. Mais sa vie tranquille va vite basculer dans un cauchemar sans fin le jour où il tue un mystérieux inconnu venu l'agresser. Pourquoi cette agression ? Est-ce en rapport avec sa rencontre avec Barbara ? Des questions qui resteront en suspens jusqu'au final, ce qui nous donne vraiment envie d'en savoir plus. En artisan très habile, Lenzi laisse monter la tension progressivement, fait apparaître de nouveaux personnages qui ont tous l'air louche ou qui semblent cacher quelque chose, faisant basculer Christian dans un monde paranoïaque, où il en arrive à douter de ce qu'il voit ou de ce qu'il pense être la réalité. Robert Hoffman parvient réellement à donner de l'épaisseur à son personnage et à nous faire comprendre qu'il perd pied face à la réalité. On sent qu'une machination est en marche, mais pourquoi ? Pour quelles raisons ? Pourquoi Christian ?
Le climat, déjà très étrange, est encore amplifié par Lenzi avec l'apparition récurrente de poupées gonflables habillées comme des êtres vivants et mises dans des situations glauques et macabres. En effet, certaines poupées sont pendues, d'autres ont un couteau planté dans le ventre. On se demandera d'ailleurs à qui appartient cette main mutilant ces poupées, apportant un autre élément de suspense et d'interrogation pour le spectateur.
C'est donc dans cet univers étrange, quasi onirique parfois lors des visions de poupées, que naviguent les protagonistes du film. Hormis Robert Hoffman, on retrouve Suzy Kendall, héroïne du film "l'oiseau au plumage de cristal" de Dario Argento entre autre. Suzy interprète Barbara, jeune femme dont on n'arrive pas à savoir si elle manipule Christian ou si elle est, elle aussi, victime des déroutants événements qui se succèdent. Pour incarner le frère de Christian, Umberto Lenzi a recours à l'un de ses acteurs fétiches en la personne d'Ivan Rassimov, déjà vu dans "Cannibalis" ou "La secte des cannibales" par exemple. Comme tous les personnages de ce film, Rassimov semble détenir un secret, qui ne sera révélé encore une fois que lors du final. Un final qui s'inscrit dans la droite lignée du film, c'est à dire déroutant, original, fantasmagorique.
On retiendra également la présence de la jolie et trop rare Monica Monet dans le rôle de Clorinda, ainsi que la prestation d'Adolfo Lastretti et son physique étrange dans le rôle de l'agresseur de Christian.
Il serait fortuit d'oublier la partition d'Ennio Morricone, qui apporte encore au climat angoissant du film.
Une angoisse progressive et pourtant fort sobre au niveau de sa violence. En effet, il n'y a quasiment aucunes scènes de meurtres dans Spasmo, il en va de même pour l'élément érotique qui se trouve relégué au fin fond des préoccupations de Lenzi. Comme dit plus haut, "Spasmo" est un giallo à part, cherchant une autre approche, cherchant à éviter les clichés et les codes habituels du genre, pour arriver aux objectifs que s'était fixé Lenzi, à savoir réaliser un film sur "la folie qui se cache plus ou moins en chacun de nous". Pari amplement réussi ici.
Pour la petite histoire, il faut savoir que "Spasmo" devait être à l'origine réalisé par Lucio Fulci, mais ce dernier était déjà pris sur un autre tournage. Lenzi a donc réécrit le scénario, incluant les séquences avec les poupées. Il a également choisi de placer l'action de son film dans le milieu de la bourgeoisie, de la jet-set, qui, pour lui, est un véritable vivier de vices cachés, de pulsions inavouables, de folie homicide, qui ne demandent rien d'autres que d'exploser et de se libérer.
En sachant que "Spasmo" n'est pas un giallo classique et que vous n'y verrez ni tueur ganté, ni scène érotique, vous pourrez vous laisser emporter dans cet univers labyrinthique sans être déçu, bien au contraire. Une aventure se déroulant aux limites de la folie, pour mieux pouvoir y plonger, voilà ce que vous propose Umberto Lenzi dans ce film franchement très intéressant, habilement réalisé, et possédant une ambiance qui charmera sans difficulté les amateurs d'étrangetés.
* Disponible en dvd chez : http://www.neopublishing.com