Baby blood

The evil within

Vivant avec son compagnon dans un cirque malfamé, la belle Yanka s'ennuie. Lors de son sommeil, un parasite africain ayant "voyagé" dans un tigre, la féconde. Elle se retrouve donc enceinte et s'enfuit de son foyer actuel, et par la même occasion des griffes de son amant. Quand celui-ci la retrouve, il se fait sauvagement poignarder par la jeune femme, découvrant que sa future progéniture est douée de parole, mais réclame aussi du sang frais. Ne pouvant qu'accepter (le bébé la tuerait), la jeune femme sillonne la France en degommant les mâles se présentant à elle.

BABY BLOOD | THE EVIL WITHIN | 1989
On se fend beaucoup la poire dans Baby Blood.

Le gore en France serait une rareté ? En tout cas plus maintenant, grâce à la nouvelle génération de courts-métrages et de films cultes horrifiques tels que "Haute Tension" ou "Calvaire". Pourtant le cas du gore en France était sérieusement remis en question vers la fin des années 80, avec une flopée de films barjots et talentueux. Seul Rollin avec ces belles vampires dénudées, Raphaël Delpard et son duo de films saignants "La nuit de la mort" / "Clash", et même Franju avec quelques scènes des "Yeux sans visage" avaient fait preuve d'une belle utilisation du gore, quoique jamais poussé dans ses derniers retranchements. En clair, le gore français a du mal à faire le poids face à celui des Américains, des Italiens voire à celui des Allemands (puisque Buttgereit a commencé sa brochette de films déviants vers la fin des années 80).

Surprenant déjà son monde avec le très méchant "Corridor", visible dans la compile "Adrénaline le film(s)", Alain Robak frappe le cinéma d'horreur français d'un coup de hache dégoulinante de sang avec son trashissime "Baby Blood", qui prouve non seulement que les Français restent assez maladroits dans le genre horrifique, mais peuvent se montrer aussi dégeu que leur homologues américains ou européens.

Massacre aux ciseaux

Concrètement, le film de Robak se trouve plus proche du cinéma de Frank Hennenlotter que de Jean Rollin. Pourquoi ?
Sûrement parce que Robak brosse une vision de la France assez inconfortable, met en place des protagonistes tous plus frappés les uns que les autres, multiplie les meurtres sauvages, mais dresse une relation surprenante (voire touchante) entre l'héroïne et la créature qui l'accompagne, comme Hennenlotter l'a fait pour "Frères de sang" (Duane et Bélial, le monstre difforme et sauvage) ou "Elmer le remue-méninges" (Brian et Elmer, l'étron bavard bouffeur de cervelles).

Ce qui change bien entendu, c'est le personnage principal, cette fois une femme, contrairement aux héros des films de Hennenlotter. Une femme seule, aux rondeurs appétissantes, Yanka. Une appétissante et fragile "louve" qui tient un véritable conflit avec sa progéniture mutante. Le thème de la grossesse cauchemardesque est encore utilisé donc, faisant du film une rencontre entre "Elmer le remue-méninges" (il faut donner à manger au monstre, qui parle comme un véritable être humain), "Le monstre est vivant" (les instincts violents et cannibales du monstre) et "Rosemary's Baby" (l'attente de l'accouchement et l'angoisse qui l'accompagne).

"On the road Again"

On ne saura rien de l'origine du monstre qui féconde Yanka, si ce n'est qu'il vient d'Afrique. On apercevra quelques tentacules verdâtres, point barre ! Yanka s'apercevra de sa grossesse petit à petit, jusqu'à que sa progéniture se mette à parler d'une voix aiguë, lui suppliant de trouver du sang sous peine de mort. Yanka s'habitue peu à peu à la chasse aux hommes, qu'elle séduit avant de tuer. Le sexe est omniprésent, histoire de dévoiler les formes de la singulière Emmanuelle Escourrou qui semble se dévoiler sans trop de problèmes devant la caméra, surtout lors d'une scène de toilette très troublante. Déçue par les hommes (son amant trop agressif ou le routier qui l'abandonne lâchement enfonceront inévitablement le clou), elle profite de l'opportunité de tuer des mâles pour faire place à une certaine vengeance personnelle.

La vision qu'offre Robak vis-à-vis des hommes est loin d'être reluisante : cons, buveurs, obscènes, dragueurs, bœufs, obsédés, ratés, homos repentis, trouillards, magouilleurs, jamais vraiment beaux, grossiers… Une lecture carrément caricaturale qu'il vaut mieux éviter de prendre sérieusement, mais qui contribue à développer cette facette trash voire littéralement idiote. Un coté trivial proche de certaines bandes dessinées (Fluide glacial, Reiser…) comme le prouve la séquence des infirmiers, des abrutis finis qui ne peuvent communiquer qu'en s'envoyant des insultes. Elle est belle la France !

Un accouchement cauchemardesque

Humour noir et personnages grossiers oblige, Robak multiplie aussi les énormités (et les clins d'oeil) comme ce bus rempli de footballeurs en manque de jolies filles (se jetant pour l'occasion sur la pauvre Yanka), cette mémé gâteau gentille comme tout se faisant étrangler avec un fil de téléphone (eh oui, Robak a osé !), la présence d'un certain Roger Placenta crédité au générique pour la voix du bébé (il s'agit en fait d'Alain Robak), l'apparition de l'affiche de "Baby Blood 2" (qui n'existera jamais) et les apparitions de Jean-Yves Lafesse, d'Alain Chabat (scène culte où il crève en haletant comme un chien, et dans le sang en prime) et de... Baxter!

De passage chez Michele Soavi, Raphaël Delpard, Jean Rollin ou Frank Hennenlotter justement, le jeune maquilleur Benoît Lestang supervise les très nombreux effets gores du film, qui ont fait bien sûr sa renommée. Fonçant tête baissée dans l'excès et le grand guignol (voir ces coups de couteaux provoquant un geyser d'une abondance vertigineuse !), "Baby Blood" appuie à fond sur le champignon du gore : tête fracassée à coups de voiture et de matraque, coup de couteau bien placé avec baiser sanglant en sus, corps explosé, bombonne de gaz dans la gueule… et surtout clou du spectacle : un meurtre au ciseau du point de vue de l'arme, et un autre profitant de la vue subjective d'une roue ! Ames frileuses s'abstenir naturellement.

***SPOILERS IMPORTANT***

Quant au fameux bébé, sa forme finale déçoit quelque peu (on pense beaucoup trop au face-hugger d'"Alien") et passe trop vite à l'écran malgré une idée ingénieuse prolongeant le suspense de manière inhabituelle. La scène finale semble arriver comme un cheveu sur la soupe, celle-ci se montre trop rapide, voire too much, un peu bâclée même. On n'oubliera cependant pas de sitôt l'accouchement onirique aussi fulgurant qu'inattendu ou cette plongée cradingue et inédite dans le corps de Yanka. Autant dire qu'on n'avait pas l'habitude de voir ça dans le cinoche français des années 80-90 !

***FIN DU SPOILER ***

Robak n'est jamais adroit il est vrai, mais se montre franc dans sa réalisation et son style, à savoir une entreprise qui a l'énergie suffisante pour fignoler un jeu de massacre jubilatoire, cynique et qui tache un max!

BABY BLOOD | THE EVIL WITHIN | 1989
BABY BLOOD | THE EVIL WITHIN | 1989
BABY BLOOD | THE EVIL WITHIN | 1989
Note
4
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Jérémie Marchetti