MANGEUR D’AMES – LE
MANGEUR D’AMES – LE
Le capitaine de gendarmerie Franck de Rolan part effectuer des recherches sur une série de disparitions d’enfants à Roquenoir, une petite commune des Vosges. Il y rencontre la commandante Élisabeth Guardiano chargée, quant à elle, d’enquêter sur un double meurtre d'une rare brutalité. Au début distants mais très vite impuissants face à un village hostile et des forces de l’ordre locales peu efficaces et coopératives, ils vont être contraints d’unir leurs forces afin de découvrir la vérité. Celle-ci apparaît toutefois comme terrifiante car empreinte d’une légende occulte du cru, celle du « Mangeur d’âmes »...
L'AVIS :
On a pu lire çà et là que ce long-métrage avait tout d’un ersatz raté de "Les rivières pourpres" mais il ferait plutôt penser à l’excellente série française Zone blanche, une sorte de polar perdu dans une région isolée (ici les Vosges), mélangé à du folklore local (le mythe du Mangeur d’âmes pour le film de Maury et Bustillo) et où des enquêteurs aux fêlures enfouies mèneront des investigations afin d’élucider un mystère (des meurtres violents et des disparitions d’enfants). Contrairement au métrage de Kassovitz à la fin plutôt confuse, Le mangeur d’âmes (dont l’affiche est par ailleurs sublime) est assez limpide côté scénario, les indices étant disséminés progressivement et la fin apportant toutes les réponses à nos questions.
Adapté d’un roman très noir du français Alexis Laipsker, le septième film d’Alexandre Bustillo et Julien Maury est, en outre, mené à un rythme alerte, sans effets de manche ni scène superflue, le récit empruntant aux codes du polar avec ses interrogatoires de circonstance, rendus efficaces par un montage dynamique et bien entrecoupés par des images gore intercalées aux bons moments, quand on alterne pas avec des vues aériennes sur la forêt vosgienne plutôt inquiétante ou des plans au sein d’un sanatorium désaffecté très anxiogène.
Côté casting, c’est très hétérogène et l’on retrouve avec plaisir des visages un peu perdus de vue comme ceux de Malik Zidi ou Francis Renaud ("Mutants", "Aux yeux des vivants", "Chrysalis"), excellents en flics peu collaboratifs, ainsi que Virginie Ledoyen ("Saint Ange", "The backwoods", "Ablations"), toujours aussi belle et crédible, malgré parfois des dialogues qui ne la servent pas forcément pour le mieux, mais elle s’en sort avec les honneurs. On peut aussi féliciter Sandrine Bonnaire, plus habituée au cinéma d’auteur, de s’être investie dans un film de genre où elle se révèle très juste dans le rôle du Docteur Marbas. Enfin, Paul Hamy ("Le dernier voyage"), une sorte de croisement français entre Jason Statham et Tom Hardy, apporte une fragilité et une force bienvenues également à son personnage ambigu dont on ignore au départ, même si l’on s’en doute, les réelles motivations...
Malgré cela, quelques défauts émergent dans l’œuvre de notre duo de cinéastes en provenance de notre cher hexagone comme : des dialogues manquant de temps à autre de consistance, une fin assez vite expédiée et un peu confuse pour qui se serait assoupi quelques minutes, ainsi que, par moments, une surabondance d’effets gore. Toutefois, ne boudons pas notre plaisir car devant la médiocrité de certaines productions de genre françaises qu’elles soient d’ailleurs calibrées pour la télévision ou destinées au cinéma, Le mangeur d’âmes est à mettre en haut du panier car il est fondamentalement divertissant, le décor et les enjeux y sont bien plantés et il a été fait par des amoureux du genre qui y sont totalement dévoués et qui se permettent même parfois des plans oniriques à couper le souffle. En atteste à ce sujet, celui où l’on peut voir un enfant avançant de dos dans un couloir d’hôpital à l’éclairage rouge sombre et accompagné d’une étrange créature qu’il tient par la main. C’est magnifique et pourrait même rappeler à certains quelques images vues chez Marian Dora, rien que ça !
Nanti d’une distribution d’acteurs de bonne facture (Paul Hamy et Virginie Ledoyen faisant correctement leur job sans en faire des caisses, tout comme on aura plaisir à revoir une Sandrine Bonnaire toujours aussi juste), d’effets gore bien trashs et bien présents, parfois peut-être un peu trop (cf. la scène de dispute conjugale), mais surtout d’une formidable ambiance, ce métrage est une assez belle réussite. L’atmosphère, effectivement, y est délétère au possible avec des décors désertiques, une forêt inquiétante, un sanatorium désaffecté et une sorte d’ombre maléfique planant sans cesse au-dessus des protagonistes, celle issue du folklore local, le « Mangeur d’âmes ». Mais que l’on se rassure, et c’est en cela que l’on doit féliciter les réalisateurs, on aura bien le fin mot de l’histoire, tous les éléments se recouperont et tout est plausible. Ainsi, depuis "A l’intérieur", "Livide" en passant par "Aux yeux des vivants" et "The deep house" notamment, les metteurs en scène français continuent contre vents et marées à tracer leur sillon dans le cinéma de genre et ça fait du bien de voir qu’ils sont toujours là à proposer des œuvres variées et de qualité !