Affiche française
Genocide | Konchû daisensô | 1968
Affiche originale
Genocide | Konchû daisensô | 1968
Un film de
Date de sortie
Pays
Couleur ?
oui

Shochiku

Musique de

Genocide

Konchû daisensô

Un avion militaire américain transportant une bombe à hydrogène est attaqué et détruit par des insectes alors qu'il survole une petite île Japonaise. Alors que plusieurs groupes tentent de mettre la main sur l'arme, il semble que ces insectes aient décidé de se rebeller contre le comportement de l'humanité.

Genocide | Konchû daisensô | 1968

L'AVIS :

Après une unique tentative de suivre la vague de kaiju eiga en 1967 avec l'indescriptible "Itoka, le monstre des galaxies", la vénérable Shochiku décide d'opérer un (court) virage à 180° en offrant, coup sur coup, trois films horrifiques : "Goke, body snatcher from Hell", "Genocide" et "The Living Skeleton". Nous allons ici nous intéresser au second, "Génocide", et ses insectes tueurs.

Deuxième et dernier film de Kazuo Nihonmatsu, à qui l'on doit donc le fameux "Itoka", "Genocide" imagine donc les insectes se rebeller contre les humains suite aux dommages causés par des armes atomiques. Une révolte limitée à une seule petite île, qui va être le lieu de convergence d'un nombre formidable de thématiques, de sous-intrigues et de personnages hauts en couleur.

Car nous sommes à la fin des années 60, à une époque où les enjeux environnementaux commencent à émerger dans un Japon qui se voit confronté, parallèlement à un exceptionnel développement économique, à d'importantes questions de santé publique. De nouvelles maladies, liées à la pollution industrielle, apparaissent, la baie de Tokyo devient impropre à la pêche, et le ciel de la capitale est obstrué par du smog. Du pain béni pour n'importe quel terroriste écologique de série B.

A côté de ça, la situation géopolitique n'est pas glorieuse. Si le pays n'est plus occupé par les Américains, ceux-ci sont toujours présents dans le pays, ce qui reste une source de tension, notamment dans le contexte de Guerre Froide, et avec la Guerre du Vietnam. Bref, là encore, de quoi stimuler les ardeurs de militaires de série B.

Enfin, la question du nucléaire reste très présente, notamment avec le développement du nucléaire civil. Les premières centrales (Kodai, Tsuruga et la tristement célèbre centrale de Fukushima) sont construites dans les années 60, et vingt ans après Hiroshima et Nagasaki, la peur de l'atome a laissé la place à la promotion de cette nouvelle source d'énergie - jusqu'à rendre gentil le monstre géant qui incarnait autrefois cette peur, Godzilla. Evidemment, un tel revirement ne se fait pas sans oppositions, ajouter encore un peu de matière à qui voudrait devenir un méchant de série B.

Génocide va ainsi nous parler de tout ça, parfois dans la même séquence (la première séquence coche toute les cases, avec l'attaque par un essaim d'insectes vengeurs d'un avion cargo américain transportant une bombe à hydrogène), et développant pour cela un nombre impressionnant de personnages aux traits bien définis. Allez, pêle-mèle, on a donc : Yukari, employée harcelée sexuellement par son patron, et enceinte de Joji. Joji, qui la trompe allégrement avec Annabelle, une jolie blonde, tout en récoltant des insectes pour le compte du Dr. Nagumo, adepte des expériences sur cochons d'Inde... et sur lui-même. Et puis on a Charlie, ancien combattant souffrant de stress post-traumatique, et ses collègues américains toujours prompts à tout faire péter si ça peut éviter de mettre en cause la grande Amérique. Brassez le tout avec un soupçon de terrorisme écologique, de complot communiste et de rescapé des camps de la mort, et vous obtenez un bon gros bordel qui part dans tous les sens.

Un peu à la manière de certains Godzilla de l'époque ("Ebirah, horror of the deep" par exemple), le film oscille donc entre espionnage, aventures, catastrophe, reprend des poncifs tels que l'île isolée, le personnage amnésique, l'opposition entre scientifiques et militaires... Tous ces éléments mis bout à bout donc un film franchement destabilisant pour le spectateur, d'autant que Nihonmatsu s'amuse à dynamiter certains codes, s'arrange pour rendre tout le monde antipathique, et nous offre parfois quelques révélations aussi folles que peu cohérentes.

Et c'est presque ce qui donne tout son cachet à ce Genocide : à force de partir dans tous les sens, de refuser tout confort au spectateur (quitte à donner dans le sordide, avec l'utilisation d'images d'archives d'Auschwitz), il parvient à faire naître une ambiance assez particulière, à nous faire plonger pleinement dans univers unique. Dès lors, les affreuses mimiques d'un Chico Lourant surjouant sans retenue sa folie ou les divagations psychédéliques du Dr Nagumo, les morsures en gros plan d'insectes énervés, les plaies de leurs victimes ou la naïveté irritante de Yukari, contribuent à ce sentiment de malaise, un sentiment encore renforcé par un final incroyablement nihiliste... et pourtant tellement crédible.

Genocide constitue donc une véritable expérience, une petite perle de nihilisme qui parvient à transcender ses (nombreux) défauts en réussissant à créer un malaise grandissant chez le spectateur. Étonnant !

Genocide | Konchû daisensô | 1968
Genocide | Konchû daisensô | 1968
Genocide | Konchû daisensô | 1968
Bande-annonce
Note
3
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Steeve Raoult