Southbound

Southbound

Dans un désert américain (au Texas, au Nouveau Mexique ?), le long d’une route abandonnée, des voyageurs divers et variés doivent affronter, au cours de cinq histoires cauchemardesques, de terribles frayeurs et de sinistres secrets. Sortiront-ils indemnes de cette voie isolée se dirigeant droit vers le Sud, eux qui ne semblent liés que par la radio qu’ils écoutent avec un animateur survolté qui, tel un oiseau de mauvais augure, semble guider les protagonistes vers leur funeste destin ?

SOUTHBOUND | SOUTHBOUND | 2016

Southbound est une anthologie créée par quelques-uns des cinéastes derrière "V/H/S", (David Bruckner et l'équipe de Radio Silence). Comme ses prédécesseurs, ce film aura un réalisateur différent pour chaque segment, mais cette fois-ci, les histoires se fondront l’une dans l'autre un peu plus que d’habitude donc il y aura, en principe, un plus grand sentiment de continuité. Parce que ses scènes les plus effrayantes sont souvent laissées inexpliquées afin que le spectateur essaie d'en imaginer plus, Southbound devrait être plus efficace et rappellera quelques-unes des saynètes les plus sombres des longs-métrages d’un David Lynch séminal, ou encore l’ambiance des courtes fictions du romancier Thomas Ligotti. Liées par la le décorum prenant place sur un tronçon de route désertique, ces fictions de suspense le seront également par l’émission de radio régionale que chacun des protagonistes écoutera sur son autoradio et présentée par un animateur au top de sa forme auquel le réalisateur Larry Fessenden ("The last winter", "Wendigo", "Beneath" et un segment de la série "Fear Itself") prêtera sa voix tel le « Cryptkeeper » dans "Les contes de la crypte".

Dans « The Way Out » réalisé par Radio Silence ayant déjà officié sur "V/H/S", deux hommes ensanglantés semblent fuir quelque chose et s’arrêtent à une station-service poussiéreuse où une employée ennuyée visionne "La nuit des morts-vivants 1968" à la télévision. Mais le cauchemar va les rattraper et leur faire revivre leurs pires instants de détresse. Deux choses se détachent principalement de ce premier segment : le fait que nos deux fuyards fortement anxieux revivent les mêmes moments façon "Un jour sans fin" et le superbe design des esprits malveillants les ayant poursuivis, mi insecte, mi chauve-souris, ils sont de véritables hybrides hyper angoissants d’autant que leurs intentions ne semblent pas très claires…

Puis, dans « Siren » et toujours sur le même tronçon de route, trois jeunes musiciennes d’un groupe de rock féminin continuent leur tournée après la mort du quatrième membre de leur bande, en direction de leur prochain concert. Lorsque leur van est victime d'une panne au milieu de nulle part, elles acceptent l'hospitalité d’un couple d’âge moyen qui semble tout droit sorti d’un catalogue de vente par correspondance des années 1950 ! Bien sûr, cet anachronisme se révèle loin d’être la pire chose à leur sujet et les spectateurs découvriront en même temps que Sadie, la seule jeune fille se méfiant des intentions du couple, que quelque chose ne va pas. C’est Roxanne Benjamin, également actrice dans Southbound (que l’on peut traduire par « en direction du Sud ») qui est, pour sa grande première, à la réalisation d’un épisode au casting intéressant avec d’un côté de charmantes jeunes filles et de l’autre, une famille de cintrés du ciboulot au faciès de consanguins. Arriveront-elles à se dépatouiller de cette sorte de secte issue d’un autre temps ?

Dans « The accident » de David Bruckner ("The signal" et un court de "V/H/S"), Lucas qui roule de nuit sur cette voie déserte, a le malheur de regarder son téléphone juste au mauvais moment, quand il percute une jeune fille sur la route. Tenace mais énervé par l'échec de son GPS à le localiser, il prend et conduit la victime inanimée mais respirant encore jusqu’au hameau voisin, où même le centre d'urgence médicale local semble abandonné. Réussissant à joindre le 911, notre protagoniste principal va devoir gérer tout seul via son portable cette crise médicale. Mais arrivera-t-il à sauver la malheureuse alors qu’il commence à recevoir une série d'instructions de plus en plus tordues dispensées par les ambulanciers au téléphone ? Ce troisième segment macabre est mémorable autant pour son originalité que pour son sadisme alors que Lucas ira jusqu’au bout de lui-même pour tenter de sauver la jeune femme renversée. Et que dire de cette magnifique scène d’ouverture graphique avec cette demoiselle en détresse fauchée de plein fouet sur cette route désertée ou encore de celle où Lucas doit pratiquer, seul, une trachéotomie !?

Arrive ensuite « Jailbreak » de Patrick Horvath ("Le pacte 2"), qui prend lieu et place dans un bar miteux où les discussions qui suivent singent le début d’un film de Quentin Tarantino mais à une échelle inférieure. Là, débarque Danny, un homme semblant à bout et brandissant une arme en demandant des informations aux clients et au serveur sur Jesse, sa sœur disparue il y a des années. Sous la menace de son flingue, il parviendra à convaincre quelqu’un de le conduire à l’endroit où sa sœurette semble demeurer désormais, grave erreur… Certes, ce n’est pas forcément le meilleur segment de l’anthologie mais force est de reconnaître que la transition entre cet épisode et le précédent est bien trouvée et que le chemin de croix du héros pour retrouver sa sœur avec ses chemins tortueux la nuit, ses ruelles étranges et ses salons de tatouage semble être un authentique croisement entre la réalité et l'enfer où les âmes perdues demeurent.

Enfin, dans « The Way In » qui par son titre fera nécessairement écho au premier segment, Radio Silence revient pour le court final, voyant des parents de classe moyenne qui partent en week-end avec leur fille avant qu'elle n’aille à la fac. Ils vont alors se retrouver, comme dans "The strangers", séquestrés par des hommes masqués ayant envahi leur maison de vacances. Bien que les clichés inhérents au « home invasion movie » soient présents (avec les psychos portant forcément des masques, un des claustrés qui va se révolter et la musique en désaccord avec ce qui se passe en premier plan), cette dernière partie verra Southbound atterrir sur ses pieds avec un twist qui, à défaut d’être transcendant, vient conclure de manière logique cette anthologie intéressante.

Alors certes, le film souffre d'un certain manque d'explications quant au « pourquoi du comment » de chaque histoire, mais ce n’est pas très gênant dans la mesure où la façon dont les récits se chevauchent est très intelligente. Outre les transitions dans lesquelles un ou plusieurs personnages d'un épisode apparaissent dans le prochain, le film maintient également une certaine cohérence stylistique tout du long, très proche en définitive de l’atmosphère incroyable et intemporelle de la série « Bates Motel ». Peu importe en définitive, que certains segments soient plus mémorables que d'autres, car pour une fois, l’ensemble d’une anthologie horrifique tient très bien la route (surtout celle du Sud !) et puis on échappe également au sempiternel found footage de rigueur dans ce genre de métrage à sketches !

Prix du jury jeunes au festival de Gérardmer 2016, ce film omnibus peut réconcilier les personnes réfractaires aux long-métrages composés de plusieurs segments. Ce dernier possède, en effet, un rythme haletant, un excellent visuel et les transitions entre les différentes histoires sont fluides : le passage d’un court à l’autre se faisant par le croisement d'un ou de plusieurs personnages. De plus, chacun en aura pour son argent tant les genres sont variés. Y sont abordés : les sectes, le home invasion movie, les fantômes et autres démons, le tout parsemé de gore sympathique. Bref, du bon cinéma « popcorn » on vous dit !

SOUTHBOUND | SOUTHBOUND | 2016
SOUTHBOUND | SOUTHBOUND | 2016
SOUTHBOUND | SOUTHBOUND | 2016

Film renommé "666 road" pour sa sortie DVD/BR, titre sûrement plus vendeur...

Note
4
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Vincent Duménil