Chat a neuf queues - le
Il gatto a nove code
En rentrant chez lui, un aveugle, Franco Arno, accompagné de sa petite nièce, entend la conversation de deux hommes dans une voiture. Peu de temps après, dans le centre de recherche en génétique qui se trouve près de chez lui, un cambriolage a lieu. Puis un des savants trouve la mort en tombant sous un train. Carlo Giordani, journaliste, reçoit la visite de Franco Arno. Celui-ci lui demande d'appeler le photographe qui a pris la photo de la tragédie du train afin qu'il l'examine plus attentivement. Le photographe découvre avec stupeur que le savant a été poussé volontairement. Il se fait étrangler au même moment par le mystérieux tueur. Le journaliste et l'aveugle décident de mener leur propre enquête, une enquête complexe, un chat à neuf queues, avec neuf pistes possibles à examiner…
Après le succès de son premier film, "l'oiseau au plumage de cristal", Dario Argento est sommé par les producteurs de réaliser rapidement un autre film du même genre. Ce sera donc "le chat a neuf queues", réalisé juste un an après. Un tournage rapide, des acteurs imposés (la française Catherine Spaak, qu'Argento ne trouvait pas à sa place pour un film de ce genre), afin de rendre le film plus américain (Karl Malden, James Franciscus), un scénario certes en avance sur son temps (la génétique) mais un brin fouillis et qui ne développera pas vraiment cette idée de chromosome poussant à la violence. Pas étonnant donc qu'au final, on se retrouve avec l'un des moins bons films du maestro italien. Argento lui-même ne porte pas trop ce film dans son coeur, n'ayant pas eu assez de temps pour le travailler. Et l'imposition des acteurs par ses producteurs n'a pas non plus été de son goût…
Pourtant, il faut bien le reconnaître, le duo Malden / Franciscus fonctionne à merveille. Déjà, le fait que l'un des personnages soit aveugle donne une dimension et un intérêt particuliers à l'enquête. On se dit que la perte de la vue aura développé un autre sens, bien souvent l'ouie et on se doute bien que les sons auront une grande importance. Cette faculté auditive associée à la vue de l'autre personnage, nous nous retrouvons avec un duo gagnant, tous deux ayant en plus une bonne capacité d'analyse. Un duo fort sympathique, qui nous réserve quelques moments humoristiques fort agréables, comme dans la scène du caveau, où le journaliste, un peu trouillard, nous fait bien rire.
Mais l'humour n'est pas vraiment le point important du film. Dans tout bon giallo, c'est le suspense, la recherche de l'identité du tueur, et bien évidemment, la mise en scène des meurtres, qui tiennent en haleine le spectateur. On retrouve tous ces éléments ici, même si Argento est resté assez sage concernant la violence. Très peu de sang viendra se répandre sur la pellicule, malgré certaines morts par strangulation assez éprouvantes. Il ne sera pas aisé non plus de deviner qui est ce mystérieux assassin, mais on se doute assez facilement de la raison qui l'amène à commettre ses actes.
Parmi les marques de fabrique du réalisateur, on note déjà une mise en scène stylisée, surtout pour les scènes de meurtres. Bien sûr, à ce niveau, "le chat a neuf queues" ne rivalise en rien avec des films comme "ténèbres" ou "suspiria" mais on retrouve quand même cette "touche" artistique. On remarquera même lors de la scène dans le laboratoire de nombreuses fioles aux couleurs bariolées, préfigurant ce qui fera l'esthétisme de "suspiria" en 77.
Avant chaque meurtre, Argento nous montre des gros plans sur les yeux du tueur, procédé efficace amenant un certain suspense. L'utilisation de nombreux plans en caméra subjective, nous mettant à la place de ce tueur, renforce encore ce procédé.
Mais alors, qu'est-ce qui manque à ce film ? En fait, l'enquête n'est pas particulièrement passionnante et le rythme du film s'en ressent. Même si certaines séquences viennent pimenter l'action, le reste est assez classique et ne parvient pas vraiment à nous surprendre ou à nous tenir en haleine, à la différence de "l'oiseau au plumage de cristal". Le final lui-même est assez banal, je parle de la révélation, malgré la virtuosité de la séquence. Se déroulant sur des toits, Argento a parfaitement su jouer avec cet espace, dangereux, où la chute peut intervenir à chaque moment.
Du film, on retiendra particulièrement la séquence du lait. Une scène très réussie, car nous savons que le lait a été empoisonné, à la différence des deux protagonistes présents dans la scène (Franciscus et Spaak). C'est fort habile car on en vient à se demander le rôle exact que joue le personnage interprété par Catherine Spaak. Encore une piste qui vient embrouiller notre enquête personnelle. La scène dans le cimetière est également assez tendue et stressante. Dommage que l'ensemble soit un peu trop mou.
Ce second film d'Argento est donc un peu décevant. Pièce centrale de sa trilogie des "animaux", qui sera suivi par "quatre mouches de velours gris", c'est peut-être l'épisode le plus faible. Réalisé trop rapidement, lui-même le reconnaît. Attention, c'est loin d'être un navet, la patte du cinéaste étant quand même présente. Tout comme la musique d'Ennio Morricone, présent sur les trois films de cette trilogie. Mais au final, le film ne laisse pas de souvenir impérissable. Trop de piste à suivre, des éléments pas assez développés, un scénario trop sage, font de ce "chat a neuf queues" une œuvre mineure dans la carrière de celui qui nous comblera d'aise par le futur.