Wes

CRAVEN

CRAVEN Wes

Réalisateur

Naissance

2 août 1939

Cleveleand, Etats-Unis

Décès

30 août 2015

Biographie

Oeuvrant dans le genre du fantastique et de l’épouvante depuis une trentaine d’année, Wes Craven s’est taillé une petite réputation, ce qui ne l’empêche pas d’être vilipendé, certains lui reprochant d’avoir "trahi" le genre. Pourtant, son œuvre bien qu’hétérogène, comporte des éléments identifiables (les rêves, la famille responsable des malheurs de leur progéniture, la réflexion prenant souvent le pas sur le simple divertissement). Le bonhomme affiche de plus une lucidité sur son œuvre, ayant conscience d’avoir une filmographie en demi-teinte.

Wesley Earl (Wes pour les intimes) Craven est né le 2 août 1939 dans une famille de protestants baptistes, dont la Foi Chrétienne est placée au centre de leur mode de vie. De cette éducation rigoriste qu’il reçut, Wes Craven n’aime pas en parler. On sait peu de choses de ses premières années, à part qu’il perdit son père très jeune, et qu’il fût tenu à l’écart du monde extérieur. Il faudra qu’il atteigne l’âge adulte pour qu’enfin, en allant à l’Université, il s’ouvre à tout un monde qu’il méconnaissait. C’est là qu’il voit des films pour la première fois. On peut dire qu’il en profite, mais contrairement à sa carrière cinématographique, son intérêt ne va pas forcément vers les séries B fantastiques.

Avant de devenir le réalisateur que nous connaissons tous, il a eu une première vie en enseignant la philosophie de 1964 à 1968. Wes mène alors la vie d’un simple enseignant d’université aux côtés de son épouse Bonnie Broecker, qui lui donnera deux enfants : Jonathan et Jessica. Mais Wes s’ennuie dans cette "petite vie" et le déclic se produit à la suite d’un film qu’il fait avec ses étudiants : "The Searchers". Nous sommes en 1968, et dès l’été de la même année, il vend ses bouquins universitaires pour 3000 dollars et s’achète une caméra. Son installation à New York est de courte durée. Une décision prématurée ? Peut-être. Quoiqu’il en soit, Craven retrouve son poste universitaire, mais de nouveau l’appel de l’aventure cinématographique ressurgit, et cette fois-ci, ce sera un vrai nouveau départ.
Automne 1969 : Wes s’installe à New York, où il vit de petits boulots en attendant mieux : coursier, assistant, chauffeur de taxi ou encore synchronisateur de documentaires. Cette installation loin de sa famille ne se fait pas sans conséquences sur sa vie privée. Le divorce avec son épouse Bonnie devient inévitable.

La grande rencontre qui va permettre à Craven de percer enfin va être celle avec Sean S. Cunningham ("Vendredi 13", "M.A.L"). Entre les deux hommes se noue une solide amitié qui perdurera au long des années. Les deux hommes travaillent de concert en 1971 sur un film pornographique, "Together", avec Marilyn Chambers ("Rage"). Un film que l’on oublie de mentionner bien souvent dans la filmo du réalisateur.
Le choix de son second film est loin d’être anecdotique. En choisissant un sujet d’horreur, Wes ignore que cela va influer sur son avenir, lui qui aurait préféré œuvrer dans la comédie. Le voilà en train de mettre en branle "La dernière maison sur la gauche", un film malsain et dérangeant. Proche de l’aspect documentaire, ce film n'a coûté guère d’argent (40 000 dollars). Vilipendé par la presse bien pensante, "La dernière maison…" trouve son public, devenant un film culte. Et dire que Craven n’y connaissait rien en films d’horreur, le voilà qui a balancé un véritable film choc dans une Amérique en plein trauma du Viêt-Nam. Son avenir est loin d’être promis à un avenir brillant car personne ne veut produire son prochain film, Craven étant devenu un pestiféré aux yeux de la profession. Sa traversée du désert durera quatre ans jusqu’à ce que le producteur débutant Peter Locke ("Blood Dolls", "Beowulf") prend le risque financier (bien que pas très coûteux) à condition que Craven persiste dans le même genre que pour "La dernière maison sur la gauche". Ce qu’il fait en écrivant le scénario de "La colline a des yeux", un survival prenant pour cadre le désert. Plus travaillé que son "premier film", on y trouve des acteurs plus performants - notamment Dee Wallace Stone ("Hurlement", "Cujo"). Craven mettra beaucoup de son passé familial dans le scénario. Violent et sans concession, le film est une véritable réussite du genre. Devenu un classique au point que Craven en personne confie la tâche au français Alexandre Aja ("Haute tension") d’en faire une nouvelle version.

Désirant sortir du ghetto du cinéma underground, Wes accepte un film (plutôt un téléfilm bien qu’il sortira en salles en Europe) de commande, "L’été de la peur", qui a la particularité d’avoir une vraie vedette de l’époque, Linda Blair, à peine sortie du rôle de Megan dans "L’exorciste". A noter que l’histoire est tirée d’un livre de Lois Duncan, dont le nom n’est pas inconnu aux amateurs de slashers, puisqu'un de ses livres est à l’origine de "Souviens-toi... l’été dernier". Ainsi, Craven apprend son métier de manière de plus en plus professionnelle, mais malheureusement, au détriment de l’impact de ses premiers films. Ce ne sont pas ces films suivants qui vont lui faire remonter la pente. Ni le bancal "La ferme de la terreur" avec la toute jeune Sharon Stone ("Total Recall", "Basic Instinct"), ni le Z "La créature du marais" (1982) avec Adrienne Barbeau ("Fog", "Le couvent"). Pour cette adaptation d’un comics, on ne peut pas jeter la pierre sur Craven, le tournage ayant accumulé problèmes sur problèmes (budget insuffisant de 3 millions de $, humidité du marais, équipe malade, maquillages ratés). On pourrait croire que Craven est totalement démoralisé par un tel échec. Or, il n’en est rien car notre homme a rencontré sa future femme lors du vol l’amenant en Caroline du sud. Il s’agit de Mimi Meyer-Craven (1984-1987).
Comme tout réalisateur en mal de réussite, il accepte de réaliser "La colline a des yeux 2" (1984). Suite beaucoup trop décriée, qui lorgne plus vers le slasher movie. L’accueil fait à ce film est glacial. De nouveau la télévision fait appel à ses services ("Invitation to hell"). A ce moment là, personne ne croit guère à un retour au sommet pour Wes Craven.

ERREUR ! Avec "Les griffes de la nuit", le réalisateur crée la bonne surprise que personne n’attendait plus de sa part. Pourtant, il eut du mal à vendre son projet, car l’intrigue était souvent jugée trop proche du film de Joseph Rubens, "Dreamscape". Il trouvera le soutien d’une petite société du nom de New Line et de son producteur Robert Shaye ("Alone in the dark", "Critters"), qui croit en son film. En mettant en scène Freddy Krueger, tueur de jeunes ados durant leurs cauchemars, Wes réalise LE film sur le rêve, un des thèmes récurrents de sa filmographie (cf. "La ferme de la terreur"). Le film tel que nous le voyons aujourd’hui n’est pourtant pas tout à fait celui qu’avait envisagé Craven car la conclusion lui échappe totalement. Là où le réalisateur voulait montrer que Nancy avait triomphé du monstre et devenait par la même occasion adulte, les producteurs imposent une fin ouverte, prétexte aux nombreuses suites qui vont voir le jour.

Avec la réussite artistique et commerciale de "A nightmare on Elm street", Craven pense qu’il a assez donné au genre horrifique, et va tenter d’en sortir. Par petites touches. Après son troisième téléfilm, "Chiller" et cinq épisodes de la sérié télé "The Twilight Zone", il va mélanger histoire d’amour et de science-fiction, dans "L’amie mortelle". Comme bien souvent dans sa carrière, les producteurs (la Warner en l’occurrence) misent leur pub sur le côté horrifique du film, ce qui ne représente pas la totalité du long métrage. Comprenant alors qu’il aurait du mal à sortir du cinéma d’horreur dans lequel les producteurs et le public le cantonnent, Craven semble accepter son destin, et écrit le synopsis de "Freddy 3: les griffes du cauchemar" après avoir décliné en son temps "La revanche de Freddy".

Craven enchaîne alors les films d’horreur saupoudrés de convictions politiques et sociétales : "L’emprise des ténèbres" (1987) avec un budget confortable de 11 millions de $, d’après le livre d’un ethno- botaniste d’Harvard, Wade Davis ; "Shocker" (1989) qui surfe sur la vague Freddy Krueger mais sans le même impact ; "Le sous-sol de la peur" (1991) à travers lequel Craven rejette la société voulue par Reagan et y dénonçant les inégalités sociales. Entre ses tournages de long-métrages, Craven retrouve Robert Englund ("Les griffes de la nuit") pour le pilote d’une série télé dérivée de Freddy Kruger : "Nightmare café". On ne s’attardera pas plus tant la médiocrité de cette série saute aux yeux. Mais ses retrouvailles avec Englund permettent à Craven (réconcilié avec la New Line après une brouille de plusieurs années), de plancher sur un 7ème Freddy, plus cérébral. Ce sera "Freddy sort de la nuit", une mise en abîme de la série, avec le retour des acteurs qui viennent ici interpréter leur propre rôle : Heather Langenkamp, John Saxon ("La fille qui en savait trop", "Ténèbres"), Robert Englund. Il est amusant que le scénario s’inspire du vécu de certains d’entre eux, comme Heather, persécutée alors par un fan. Encore une fois, le réalisateur croit qu’il a le droit de changer de registre. Une grave erreur qui aboutit au divertissant mais très impersonnel "Un vampire à Brooklyn". Grâce à la présence de la star comique du moment, Eddie Murphy, le film bénéficie d’un budget confortable de 20 millions de $. Le souci se situe ailleurs. Eddie Murphy souhaite renouer avec le cinéma de la Black exploitation, ce qui n’est pas du goût de Craven . Les désaccords entre les deux hommes sont tels que le résultat est plutôt étrange, mais pas désagréable pour autant.

Le second souffle à sa carrière a pour nom "Scream" (1996) qui résonne bien aux oreilles des fans. Sur le scénario ultra référentiel de Kevin Williamson ("Souviens-toi… l’été dernier", "The Faculty"), Craven renoue avec la terreur qui lui faisait défaut depuis pas mal d’années. La mise en scène est percutante : utilisation des contre-champs, occupation de l’espace. Ayant coûté 14 millions de $, "Scream" engrange plus de 100 millions de recettes. Un succès inespéré pour un genre méprisé : le slasher. Malheureusement, "piègé" par les producteurs de Dimension Films, le metteur en scène réalise pratiquement coup sur coup, deux séquelles dont on peut se passer. En échange, on accorde à Craven l’autorisation de faire un film hors genre : "La musique de mon cœur" avec Meryl Streep.

Le début des années 2000 est calme côté réalisation pour Craven qui se consacre à l’écriture de son premier roman : "The Fountain Society", et à la production : "Wishmaster", "Carnival of souls", "Acrophobie", "Dracula 2001". Sur le plan des projets personnels du réalisateur, on ne peut que regretter l’abandon des projets d’un remake de "La maison du diable" qui est finalement allé entre les mains peu expertes de Jan de Bont ("Hantise"), d’un remake de "Kairo" ou de l’adaptation ciné d’une version épouvante d’Alice aux pays des merveilles.
Dernièrement, Craven a du faire face aux déboires de son film de loups-garous, "Cursed", dont la version définitive lui a échappé totalement. La rupture semble consommée entre lui et les frères Weinstein (Dimension Films). Parti sous d’autres cieux, il opte pour le thriller hitchcockien, "Red Eye/Sous haute pression" avec un inquiétant Cilian Murphy ("28 jours plus tard", "Batman begins").

Wes Craven s’est remarié en 2004 avec la productrice Iya Labunka.

Gérald GIACOMINI
Le 30/10/2005

Lionel Colnard