Bruno
MATTEI
Vincent Dawn, Michael Cardoso, Norman Dawn, Bob Hunter, Werner Knox, Pierre Le Blanc, Jimmy Matheus, Martin Miller, William Snyder, George Smith
Réalisateur
30 Juillet 1931
Rome
En paraphrasant le primesautier Staline s’adressant au non moins guilleret Pierre Laval (un peu de culture prolétarienne ne faisant jamais de mal) en ces mots : "Le Vatican, combien de divisions ?", voici la question du jour : "Bruno Mattei, combien de films ?".
Si vous avez la réponse, écrivez-nous sur une carte postale, ça nous fera plaisir.
En fait et selon toute vraisemblance, Bruno s’en moquait et ne devait même pas le savoir. Il a juste fait du cinéma pour gagner sa vie, un peu comme l’immense majorité des gens, il a bien dû payer ses factures et décorer sa gentilhommière.
C’est un peu dur comme analyse me direz-vous ? Peut-être, mais à la visions de son oeuvre on reste frappé par le peu d’envie de faire ne serait-ce qu’une seule fois un métrage original ou même simplement potable. C’est aussi pour cela qu’on l’aime !
Cette capacité à rendre aberrant le moindre scénario, déraisonnable la moindre direction d’acteurs, crapuleux la mise en scène et crapoteux la copie servile de films à succès ; tout cela mérite bien une place au panthéon du 7 ème art.
"Tout est bon dans le cochon, tout est mauvais dans le Mattei" (c) Confucius.
Bruno Mattei, de son vrai nom Bruno Mattei (mais si ) est né le 30 juillet 1931 à Rome en plein triomphe du fascisme italien (oui, ça n’a aucun rapport avec l’oeuvre, mais on vous avez prévenu que ce serait un papier placé sous le signe de la culture). Après avoir passé son enfance à tendre le bras droit dans sa belle chemise noire et à marcher au pas, il va suivre les traces de son père, monteur de profession. Il va se charger de plus de 100 films dans cet art méticuleux et ingrat qu’est la mise dans le bon ordre de centaine de rushs.
Et c’est là, lors d’une de ses interminables nuits à scruter et couper de la pellicule qu’il eut LA révélation de sa vie. Si certains arrivent à faire autant de mauvais films, pourquoi, lui, n’y arriverait-il pas ?
Curieusement son premier film en 1970 est un drame : "Armida, il dramma di una sposa" qui reçut de bonnes critiques en Italie. Inutile de préciser que ce sera la seule et unique fois pour Bruno. Mais, sa carrière débute réellement sept ans plus tard avec un "naziploitation" dénommé en France "Hôtel du plaisir pour SS". Surfant sur la vague des Ilsa et autre "Salon Kitty", Bruno délivre un film sans âme, mais avec tout ce qu’il faut de sexe et de perversions pour satisfaire le marché de l’exploitation. Ce sera sa marque de fabrique pour les années à venir.
Tournant vite et avec peu de moyens, il va se spécialiser dans la copie servile des grands succès pour profiter de la mode du jour. Réagissant au quart de tour aux lois du marché, il va enchaîner quasiment tous les genres du bis. De 1977 à 1990, il réalise en moyenne trois films par an !
Petit tour rapide et non exhaustif des genres abordés par ce cher Bruno :
Naziploitation donc : "KZ9 - Camp d'extermination" toujours en 1977.
Mondo : "Le notti porno nel mondo"(1977) presenté par Laura "Emanuelle" Gemser ou "Le sexe interdit" (1979)
Comédie érotique et égrillarde avec Ilona Staller, plus connue sous le nom de Cicciolina : "Cicciolina amore mio" (1979) ou "Cuginetta... amore mio !" la même année.
La nunsploitation : "Les novices libertines" ( La Vera storia della monaca di Monza ) en 1980 ou "L’autre enfer" toujours en 1980
Le péplum érotique : "Caligula et Messaline" - 1981, "Les aventures sexuelles de Néron et de Poppée" - 1982
Le WIP (acronyme de Women in Prison) : "Pénitencier de femmes" - 1982, "Révolte au pénitencier de filles" 1983
Le post-apocalyptique avec le grandiose blockbuster "Les rats de Manhattan" en 1984
La vietploitation (Des Rambo sans le sou) : "Strike Commando"- 1987
De la SF guerrière avec l’inénarrable "Robowar" - 1989
Du shark-movie avec le sémillant "Cruel Jaws" - 1995
Du film de canniboules, "Horror Cannibal" et "Horror Cannibal 2"
Sans oublier, bien sûr, le film de zombies avec "Zombi 3" où il remplace au pied levé un Lucio Fulci qui ne s’en remettre jamais. Et évidemment son Taj mahal, son temple d’Artémis, son jardin suspendu de Babylone, son phare d’Alexandrie, le désormais mythique "Virus Cannibale" !
Sorte d’hommage hilarant et dégénéré au "Zombie" de Romero, bien connu des amateurs de mauvais films sympathiques. Un des plus mauvais film de tout les temps ? Il y a concours.
Mais aussi du western, du thriller, des comédies et même une mini-série télé d’aventure : "Appuntamento a Trieste" en 1987.
Formant une paire diabolique avec le redoutable Claudio Fragasso, scénariste ou co-réalisateur de beaucoup de ses films à partir des années 80, Bruno Mattei est décédé le 21 mai 2007 à Rome d’une tumeur au cerveau. Son décès provoqua une onde de choc dans le milieu du cinéma. Télérama le mit en couverture, Libération titra sur huit colonnes "Mort d’un génie voyageur" et les cahiers du cinéma sortir un numéro intégralement consacré à l’homme, l’oeuvre, la légende.
Réalisateur d’une époque révolue (celle de la fin de la grande époque du bis italien) et surnommé le "Ed Wood Italien" par certains, espérons qu’il atteigne la même notoriété posthume que ce dernier, il le mérite.
Un hommage devait lui être rendu en ces pages, c’est chose faite.
Lionel JACQUET - Juin 2011