Crisalida
Crisálida (La Semilla)
Un jeune homme commence à consulter un physiatre pour demander de l'aide en cas de descente soudaine dans le masochisme et l'automutilation. Là-bas, il détaille son introduction à l’automutilation et les efforts qu’il ferait pour expérimenter de nouvelles sensations. Mais alors que ces actes s’orientent vers le territoire plus illégal du meurtre de sa femme, le psy décide de dénoncer les frasques du jeune homme à la police...
L'AVIS :
On ne compte plus le nombre de films produits par le prolifique Domiziano Cristopharo, figure emblématique du cinéma extrême italien à la tête de plusieurs réalisations underground où la déchéance poético-morbide s'accorde à une sophistication esthétique. La perdition d'un individu désemparé en quête de chair et de souffrance est un contexte récurrent des projets transalpins de l'artiste. Et c'est justement ce que le cinéaste performeur Mikel Balerdi va explorer à sa façon après avoir heurter les esprits avec "Larva Mental". Préquel de ce dernier, "Crisalida" met en scène l'anéantissement psychique de son protagoniste qui, malgré sa confidence auprès de son psy, peine à trouver le salut. Cette dégradation va progressivement le conduire dans une spirale de souffrance orgastique jusqu'au seuil meurtrier de son engouement pour la mutilation.
Si "Larva Mental" surprend par ses performances corporelles indécentes qui s'effectuent sans lésiner sur les immondices étalées avec audace, il n'en demeure pas moins qu'une certaine mélancolie planait au-dessus des étapes du deuil, apportant une enjolivure certaine à l'abject. Mais "Crisalida" en sera l'antithèse, car sans légèreté ni poésie, la morbidité de la fureur s'agite sans relâche dans la perversité décadente sans jamais prendre le temps d'y ajouter une part de chaleur et de tendresse.
C'est dans une profonde soif d'autolyse née de sa déficience mentale que l'antagoniste bascule dans l'autodestruction de son être jusqu'à s'adonner à des pulsions malsaines et puantes. Le déshonneur impudique du corps souillé baigne dans une purulence atmosphérique maculée de fluides infects, et l'immondice vient gouverner sur l'esprit impur d'un homme piégé dans les limbes de ses obsessions fantasmatiques.
Visuellement saturé, coloration contrastée, volontairement effréné, ces successions d'automutilations viennent forniquer avec notre sensibilité jusqu'à pénétrer notre sens de la décence.
Crochet dans le gland, versement d'acide, accouchement effroyable, acte de nécrophilie, coprophagie et autres turpitudes exercées dans un espace insalubre. Cette descente aux enfers de la psyché s'impose comme une virée expérimentale dans l'horreur obscène que l'on contemple sans difficulté, du moins lorsque nous ne cherchons aucune progression narrative dans cet enchainement surréaliste et cauchemardesque de répugnances.
On reconnaitra néanmoins un certain talent d'investissement de la part de Mikel Balerdi qui ne cesse de repousser les limites de l'acceptable pour davantage de férocité dans la maltraitance du protagoniste qu'il incarne. Évidemment, l'influence Domiziano Cristopharo se ressent et risque de provoquer un sentiment de déjà-vu pour ceux qui auront déjà visionné certaines de ses oeuvres. Cependant, nous nous retrouvons face à une expérience bien plus éprouvante et percutante que des films tels que "Erotik", "Xpiation", "Confessions of a Necrophile Girl" ou "Torment" souffrant tous d'un cruel défaut de rythme contrairement à "Crisalida" qui captive par sa force ambiante hautement immersive et son rythme entrainant.
Après "Golgota", "The Girl with the cutter" et "Larva Mental", Mikel Balerdi délivre une oeuvre viscérale qui touche à une souffrance obsédante en intégrant une forme de nécrose à la névrose de son personnage. Une décharge d'images poisseuses et suppurées qui se livre comme un tableau putrescent. Une symphonie cacophonique et bruitiste où seul le chaos règne.
Car par-delà le bien et le mal, le corps se taillade douloureusement afin de creuser jusqu'à l'extase, tandis que l'âme psychotique de désagrège lentement dans une folie fatale.