Ecorche - l
Shallow ground
Dans une petite région reculée des Etats-Unis, un an tout juste après l'affaire du meurtre non élucidé d'une jeune fille dont le dossier avait dû être clos par le shérif Sheppard faute de preuves suffisantes, un adolescent dénudé et couvert de sang débarque, couteau à la main, au poste de police local. Hanté par de nombreux remords et ayant une nouvelle affaire à se mettre sous la dent, Sheppard est bien décidé cette fois-ci à aller au bout de son enquête. Et cela tombe plutôt bien, puisqu'à l'époque, un ado dévêtu avait été repéré par plusieurs témoins. Le shérif va-t-il découvrir pourquoi le jeune homme est venu se rendre aux forces de police et surtout apprendre qui il est vraiment ?
Le début du film, la meilleure partie à mon sens, commence comme un cauchemar. Petit à petit, les événements nous sont présentés, expliqués et l'on passe assez vite d'une scène à l'autre. Rapidement, un être bizarre ou plutôt rarement vu au cinéma apparaît : un jeune homme nu et muet autant inquiétant que troublant. Pendant ce temps-là, les forces de police du comté (en gros, trois personnes) essaient d'interroger le lascar adepte de l'exhibitionnisme forestier. Ils l'installent pour ce faire seul, dans une pièce isolée et c'est là que son corps commence à saigner de toutes parts. Mais le plus surprenant, c'est que son sang se déplace sur le sol et semble doué de vie propre…
Pas mal comme ambiance, hein ? Mais bon arrêtons-là les spoilers, ne dévoilons pas tout ce qui fait le charme de ce petit film. Sheldon Wilson réussit, pour son second long-métrage, à installer une ambiance poisseuse à souhait à l'image du sang qui dégouline le long du corps du jeune homme. Malgré un faible budget des plus évidents, ce film réussit à peu près ce pour quoi il a été conçu à la base : nous faire peur ! Et il s'en sort pas mal ! Ici, point d'artifices et d'exploits pyrotechniques à gogo : montage nerveux et saccadé mais en aucun cas superflu, caméra filmant au plus près les personnages et souvent utilisée en vue subjective comme dans "Halloween" de John Carpenter, superbe photographie mi nocturne, mi diurne (ah, ces splendides bosquets verdoyants !) et musique alternant tantôt sons suraigus, tantôt discordances dans les graves, sont autant d'éléments servant le métrage et contribuent à alimenter une atmosphère oppressante.
Plusieurs aspects retiennent également notre attention, en premier lieu desquels, les paysages choisis. Si habituellement pour ce genre de production horrifique ayant pour cadre une forêt hostile on rencontre de typiques bosquets filmés de nuit, ici, les bois sont considérablement verts et éclairés pendant une bonne moitié du film. Et cette abondance de vert, est éminemment palpable quand elle devient l'arrière-plan d'où émerge, pour la première fois, le garçon ensanglanté et silencieux.
Côté acteurs, seul le jeune homme dénudé et peu enclin aux grands discours mérite le détour, les autres n'étant que des faire-valoir, très tôt oubliés ou destinés à se faire occire rapidement. Sa performance est remarquable tant son interprétation est troublante. Qui est-il ? Que veut-il ? Est-il méchant ou gentil ? Toutes ses questions sont suggérées alors qu'il ne parle même pas. Beau tour de force ! S'il continue sur cette voie, on prédit donc un bel avenir à Rocky Marquette, vu également dans "Mortuary" de Tobe Hooper.
Ajoutons à cela quelques plans gore bien crades, mais bien sentis et on tient là un bon petit film. Seulement voilà, il y a un hic, voire plusieurs même !
Durant la première demi-heure du film je me suis sincèrement dit que j'allais lui mettre une super note. Sheldon Wilson sait manifestement comment on tient une caméra et, plus important, il sait comment rendre une atmosphère obscure et réaliser de bonnes scènes d'horreur viscérales. Quand on pense que ce métrage a été réalisé avec un budget inférieur à 100 000 dollars ! Malheureusement, il a besoin de bosser encore pas mal au niveau de ses scripts.
En effet, le film aurait dû rester en totalité onirique comme au tout début lorsque le jeune homme débarque de nulle part sans que l'on sache ni comment, ni pourquoi. Indubitablement, le début, de par certains aspects (comme le non-dit, le mystère en suspens), rappelle le cinéma asiatique par sa poésie et son ambiguïté. Au lieu d'en rester là, Wilson tente de tout nous expliquer et c'est à cet instant précis qu'il se perd et entache son oeuvre. Il commence à imbriquer plusieurs histoires qui s'entrecroisent et se mélangent, de nouveaux personnages au rôle clé apparaissent, mais tout cela devient étrangement compliqué à suivre. On pourrait effectivement faire quatre films distincts avec tous ces éléments qui s'amoncellent ! C'en est trop et cela commence à ressembler à du Stephen King avec sa pléthore habituelle de protagonistes ! Tout cela est dommageable, car si Wilson s'était contenté de ne pas partir dans différentes directions, L'écorché aurait pu devenir une véritable petite bombe au lieu d'être un banal petit film d'horreur, ressemblant étonnamment à un épisode d'X-Files et voué à une modeste carrière dans les vidéoclubs.
Autre point faible : une fin atroce et grandguignolesque sortie d'on ne sait où. Celle-ci est tellement stupide et inattendue qu'on se demande ce qu'elle vient faire ici ! Elle vient gâcher tout ce qui avait été fait jusque-là et c'est dommage.
Ainsi, sans être un film poseur et encore moins une pâle copie de certains chefs-d'œuvre auquel il fait référence à l'instar d' "Evil dead", L'écorché constitue néanmoins une assez bonne surprise : il fourmille d'idées intéressantes et rarement vues jusque-là (notamment un personnage central énigmatique dont le sang, entité jamais clairement définie, semble doué de vie propre), il est flippant ce qu'il faut et retient l'attention du spectateur jusqu'à la révélation finale. Seuls petits bémols : il aurait pu être un classique du genre si le scénario avait été plus étoffé au lieu d'être un conglomérat de n'importe quoi et le plan final est catastrophique. Ce qui n'arrange rien c'est que ce sera ce dont on se rappellera le plus puisque c'est l'ultime plan du métrage, qui ne méritait pas un tel sabordage. Il reste toutefois, si l'on veut bien considérer l'étroitesse de son budget initial et se montrer moins exigeant, une bonne petite friandise horrifique consommable entre amis.