Angoisse
Anguish
John devient progressivement aveugle. Sa vieille mère tente de l'"aider" en utilisant ses pouvoirs hypnotiques sur son fils. Pleine de haine, elle pousse John à tuer et à s'emparer des yeux de ses victimes. Travaillant dans un hôpital, John se rend chez une de ses patientes pour changer ses lentilles….Pendant ce temps, dans la salle de cinéma, des spectateurs assistent à cet effrayant film. Parmi l'assistance, deux lycéennes, dont l'une est particulièrement sous le choc. D'autant plus que John se rend au même moment dans une salle de cinéma.
Pour son unique incursion dans l'horreur, Bigas Luna, frappe fort. Culotté de placer l'action de son film dans une salle de cinéma en jouant sur l'aspect du film dans le film. Ce qui rend ANGOISSE très interactif et ludique dans sa manière de manipuler nos sentiments. On devient de plus en plus mal à l'aise avec le déroulement de l'intrigue.
Premier acte : Une impression de film hitchcockien plane sur la partie ou Alice Pressman (la mère de John) mène son fils dans la direction qu'elle souhaite. Un pouvoir maternel des plus envahissants. Des réminiscences de "Psychose" à la différence qu'ici, la Mère au pouvoir étouffant et castratrice est bien réelle. La détresse de John se lit dans le regard de ce dernier, comme si une malédiction voulait qu'il s'empare des yeux des autres. Les "autres" justement..Des personnages odieux, qui sont sans cesse en train de s'en prendre à son infirmité. Vraiment angoissante, la première demi-heure nous révèle le rôle de sa vie pour Zelda Rubinstein, plus connue des amateurs de fantastique pour sa participation à "Poltergeist". Un seul mot qualifie son interprétation : prodigieuse !
Second acte : La caméra de Bigas Luna nous dévoile maintenant une salle. Tout ce que nous avions vu jusqu'à présent n'était rien d'autre qu'un film. Plus centré sur deux jeunes spectatrices, c'est là que l'interaction entre deux films différents atteint son paroxysme. Devant l'atrocité des énucléations, l'une des jeunes lycéennes, se sent de plus en plus mal, détournant son regard de l'écran. Les scènes d'hypnotisme d'Alice Pressman sont assez impressionnantes, bien qu'à mon goût un poil trop appuyéés. Bigas Luna aurait gagné à en réduire la durée, plutôt que de donner l'impression de faire du remplissage. Assurément des séquences impressionnantes qui doivent donner des sueurs froides, lorsque visionnées dans une salle de cinéma.
Troisième acte : l'arrivée de John dans une salle de ciné pour perpétrer ses crimes accentue le malaise. Le passage de son histoire à ce qui se déroule dans la "véritable" salle donne le tournis. Au point qu'à partir d'un moment, il est plutôt difficile de discerner la fiction de la réalité. La plus sensible des lycéennes pressent alors un danger. Elle n'a pas tort. Un individu fasciné par le film, dont il connaît les répliques par cœur, a bien l'intention de commettre des meurtres. Se prenant pour John, sauf qu'à la différence de ce dernier, il est armé d'un revolver. Ses meurtres moins horrifiques n'en sont pas moins d'une redoutable efficacité. Mais, en tant qu'amateur d'horreur pure et dure, on aurait préféré qu'il plagie le tueur virtuel jusqu'à s'équiper d'un bistouris. Le scénario pose ici le problème de l'influence des films sur les esprits faibles. Autant pour la jeune fille qui en a des malaises, que pour l'individu devenu meurtrier à force de voir et de revoir le même film. Flippant. Une interrogation dérangeante qui n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre. En tant qu'artiste, Luna pense que l'Art peux influer sur le quotidien de gens ordinaires. Donc, le Cinéma serait plus qu'un spectacle, et certains films atteindraient le statut d'Art. Rejoignant pour l'aspect pictural, "Le Syndrome de Stendhal" de Argento.
Dérangeant et angoissant, ANGOISSE, est un film chaudement recommandé pour les amateurs de sensations fortes. Et, pour constater aussi à quel point "Scream 2" en se révélant trop potache a loupé le coche. L'introduction du film de Craven n'arrivant pas une seconde à la cheville de cet ANGOISSE au titre vraiment bien choisi.
*Prix de la meilleure photo au festival d'Avoriaz 1988.
*Prix de la critique,du public, du meilleur scénario et prix très spécial au Festival Fantastique du Grand Rex en 1988.