Halloween, la nuit des masques
Halloween
Au soir du 31 octobre 1963, le jeune Michael Myers (huit ans), poignarde à mort sa sœur, Judith. Il se retrouve enfermé durant quinze ans dans l'asile psychiatrique de Smith's Grove. Il n'en sortira que quinze ans plus tard, la veille du 31 octobre 1978, retournant à Haddonfield, d'où tout est parti. Son médecin, le Dr Loomis, qui pressent un grand drame, part à sa recherche. La petite ville se prépare tranquillement à fêter Halloween sans se douter qu'un vrai croquemitaine rôde dans ses rues quasi désertes.
Lorsque John Carpenter crée une nouvelle figure de l'épouvante avec Michael Myers (qui va vite devenir une icône du genre), il est loin de se douter de la réussite commerciale et certainement même artistique de son film "Halloween". Doté d'un budget minimaliste de 325 000 dollars, le jeune réalisateur, réussit malgré tout à acquérir comme vedette du film, l'un des acteurs britanniques les plus renommés œuvrant dans le genre : Donald Pleasence ("Le métro de la mort", "Alone in the dark"). Pas mal pour un simple film d'exploitation. Reste à trouver la figure féminine principale, qui combattra le Mal (incarné par un tueur impavide et monolithique). John Carpenter réussit un coup de maître en choisissant Jamie Lee Curtis (la fille de Janet "Psychose", "Leigh") qui se fera une réputation de scream-queen ("Le monstre du train", "Halloween 2", "Le bal de l'horreur") au début des années 80. Ainsi, Carpenter réussit un petit coup de pub en s'assurant une filiation avec le chef d'œuvre d'Hitchcock.
Tout comme le maître du suspense, il utilisera l'ellipse plutôt que de montrer la violence graphique. Comme un autre fleuron des années 70, "Massacre à la tronçonneuse", ce slasher (qui reste à ce jour un des meilleurs du genre), préfère jouer sur la suggestion plutôt que les effets gores et chocs. Dès la séquence d'introduction, on est plongé dans l'horreur en découvrant l'identité du meurtrier, qui n'est autre qu'un gamin, qu'on nous montre le couteau à la main, avec une caméra qui prend du recul, après nous avoir mis à travers les yeux de ce jeune tueur (faisant du spectateur le complice de ce meurtre). L'acte en lui-même dépasse l'entendement. Michael Myers vient en effet de tuer sauvagement sa propre sœur, sans qu'aucunes raisons ne soient données à son geste. Le danger vient alors de la cellule familiale, qui est au cœur du mode de vie de la société bien pensante américaine. Contrairement à d'autres slashers qui suivront, "Halloween", fait ainsi intervenir le danger de l'intérieur même de la famille. Myers apparaît comme la figure d'un archange vengeur, défenseur des valeurs traditionnelles.
Ce que l'on retient avant tout dans "Halloween", c'est ce masque du tueur couplé à une musique faite de quelques notes. Une musique simple mais qui concourt pour une grande part au sentiment d'effroi, procuré par l'attente des meurtres. Car, avant que Michael Myers, ne commence à frapper véritablement, la caméra nous ballade au travers des rues d'une ville bourgeoise, en apparence tranquille, mais qui s'apprête à passer une nuit d'horreur ! On ressent bien la présence de ce monstre de Michael Myers qui guette ses futures proies. Par rapport aux attentes des spectateurs contemporains pour qui tout doit aller très vite, "Halloween", pourra d'ailleurs paraître ennuyeux, alors que son approche lente en apparence, est là pour mieux renforcer l'impact (silhouette aperçue derrière les buissons, coup de téléphone…). Autant de fausses alertes, servant à jouer avec les nerfs des spectateurs.
Les meurtres sont peu variés mais surgissent souvent de manière soudaine : au couteau ou par strangulation (une utilisation comme une autre du téléphone). On est bien loin de la variété des armes par laquelle se distinguera la grande saga rivale, "Vendredi 13". Peu importe car l'angoisse est au rendez-vous de ce slasher-movie, qui bien que n'étant pas le premier du genre ("La baie sanglante", "Black Christmas" sont déjà passés par là) sera l'élément fondateur de ce sous-genre de l'horreur grâce à son bon accueil public. Comme tout être maléfique (ex : Dracula poursuivi par Van Helsing), Michael Myers est pourchassé par le Dr Loomis, qui en fait sa Némésis, une véritable obsession. Interprété par un Donald Pleasence des grands jours, leur dualité confère à ce slasher un aspect plus adulte qu'à l'accoutumée, là où les autres films du même genre ne se contentent le plus souvent que d'un casting de jeunes adultes. Quant à Jamie Lee Curtis qui y fait ses débuts, elle inscrit son nom au panthéon de l'un des rôles féminins les plus importants du cinéma d'horreur.
Plus de 25 ans après sa sortie, Halloween n'a pas pris une ride, malgré des suites (souvent inutiles), ayant d'ailleurs moins bien vieilli que l'œuvre originelle. Ses suites verseront dans la surenchère sanglante, mode oblige. Entre les mains d'un autre réalisateur, cet "Halloween", aurait pu vite tomber dans une quelconque série B policière. Parfaitement maîtrisé, le film sortira en France sous le titre de "La nuit des masques", comme pour mieux s'inscrire dans le sillage de "La nuit des morts-vivants" de Romero. Une dénomination bien inutile et qui sera laissée tomber pour les suites.
* C'est John Carpenter qui a écrit la musique, maintenant devenu elle aussi, une référence dans les B.O.F. d'horreur.
* Le film sera suivi de sept autres séquelles (bientôt huit). Seul "Halloween 3" ne mettra pas en scène Michael Myers.
* le tournage dura 22 jours seulement.
* Halloween recut le prix de la critique a Avoriaz en 79, le Grand Prix du public au festival du Rex a Paris et Jamie Lee y recut le prix d'interprètation féminine.