Projet Atticus - le
Atticus Institute - the
Parapsychologie, voyance, psychokinésie… Telles étaient les capacités paranormales étudiées au sein de l’Institut Atticus fondé en 1966 par le Docteur Henry West. Plusieurs dizaines de patients développant ce type de facultés se succédaient dans cet établissement dans lequel des chercheurs spécialisés effectuaient des batteries de tests afin d’étudier et de comprendre ces capacités mentales. Alors que les articles dévoilant leurs résultats ne cessaient de paraitre dans la presse spécialisée, ces scientifiques firent un beau jour la connaissance de Judith Winstead, un cas pas comme les autres…
Connu notamment pour avoir écrit le scénario du film "buried" (dans lequel Ryan Reynolds était enfermé dans une caisse en bois sous terre), scénario pour lequel il a entre autres remporté un Goya, Chris Sparling nous présente en 2014 son tout premier long-métrage en tant que scénariste et réalisateur.
Film très médiatisé durant la 22ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, au même titre que "Jupiter ascending" des Wachowski (deux longs-métrages pourtant présentés en hors-compétition cette année-là à la Perle des Vosges), "le projet Atticus" (ou "the Atticus Institute" pour les anglophones) est un film de possession démoniaque lancé par les producteurs de "conjuring : les dossiers Warren" et… "Annabelle" notamment.
« Encore un film de possession démoniaque et d’exorcisme » diront certain(e)s; oui, effectivement, encore un film de possession démoniaque mais un film qui parvient à renouveler un peu ce genre surexploité ces dernières années (je vous fais grâce des nombreuses références qui ne feraient qu’allonger cette chronique) comme vous le verrez dans les paragraphes qui suivent.
Filmé de façon à nous laisser croire que nous visualisons des vidéos archivées (un aspect found-footage où interviews, extraits de caméras de surveillance, anciennes photos, tests paranormaux et autres expériences se succèdent) pour donner cette impression de réalisme clairement recherchée ici, "le projet Atticus" se distingue des autres productions mettant en scène des cas de possession grâce notamment à cette approche très scientifique.
Avec une première partie alternant entre interviews et vidéos/photos des tests scientifiques effectués au sein de l’Institut Atticus, le film de Chris Sparling cherche d’emblée à interpeller son public et à le captiver, tout en évitant de sombrer dans le tape-à-l’œil trop facile, dans une exagération sans limite qui aurait fait perdre cette notion de réalisme manifestement très recherchée. En effet, nous suivons des tests que certain(e)s jugeront « classiques » mettant en scène des facultés de voyance sur des lancés de dés ou sur des cartes, tandis que les expériences les plus impressionnantes, celles de télékinésie/psychokinésie (autrement dit celles où des objets vont bouger), seront rapidement démenties car ces dernières s’avéraient erronées, faussées par des petits malins qui trichaient pour tromper les scientifiques. En évitant trop rapidement de nous plonger dans des scènes vues et revues où les chaises volent, les tiroirs de meubles s’ouvrent à tout-va ou encore les miroirs se brisent soudainement, "le projet Atticus" joue la carte du « petit spectacle » pour commencer dirons-nous et parvient plutôt bien à nous faire adhérer à toutes ces batteries de tests qui semblent crédibles (deviner des cartes, deviner le résultats d’un coup de dés…).
Une approche très scientifique donc, où nous apprenons comment fonctionne cet institut et comment se déroulent les divers tests effectués sur les patients pour déceler leurs degrés de facultés cérébrales et mentales, mais également une approche politico-économique. En effet, dès lors que les scientifiques se rendent compte que la patiente Judith Winstead semble possédée et qu’elle devient difficilement contrôlable, le Gouvernement et l’Armée sont appelés à la rescousse et très vite on nous énonce des enjeux et des stratégies qui viseraient à « posséder la possession » (une phrase qui revient très souvent dans les trailers ou les bandes-annonces du film) pour l’utiliser ensuite contre les ennemis de l’Etat (n’oublions pas que nous sommes en pleine période de Guerre Froide durant laquelle la peur de l’ennemi se fait ressentir) : ses facultés mentales de télékinésie/psychokinésie et de précognition font de Judith Winstead une véritable arme de guerre! En effet, une fois canalisé, l’Armée pourrait utiliser le Diable pour abattre ses ennemis à distance ou pour connaître les plans des futures attaques ennemies. Des idées quelque peu farfelues qui vont alors nous plonger dans des scènes allant à l’encontre de l’éthique : transférer le Diable du corps de Judith Winstead à celui d’un homme sain appartenant au Corps de l’Armée ou encore tester les capacités de Judith Winstead à modifier à distance le rythme cardiaque d’un soldat sans véritablement se soucier au départ des risques encourus pour la santé de notre cobaye (on sait pourtant que Judith est imprévisible voire même machiavélique…).
Un aspect de la possession auquel nous n’avions peut-être pas encore trop songé jusqu’à aujourd’hui et qui apporte encore ici au film de Chris Sparling un grain de nouveauté, un vent de fraîcheur pour cette catégorie de films que l’on pensait s’éteindre lentement, ne parvenant plus beaucoup à se renouveler ces dernières années.
Doté d’un rythme soutenu du début à la fin, avec une action et un suspense allant crescendo au fil de l’histoire (partant de simples tests de cartes et de dés, on plonge progressivement dans l’horreur et les phénomènes plus intenses), "le projet Atticus" bénéficie également d’un casting honorable dans lequel notamment Rya Kihlstedt joue une Judith Winstead inquiétante (regard ténébreux, comportements changeants) sombrant progressivement dans la folie et développant une haine dévastatrice (mais qui fait réellement le plus de mal ici : notre chère Judith Winstead ou les hommes du Gouvernement…?) qui sera à l’origine de quelques jumpscares pas trop mal menés.
Alors certes, le film de Chris Sparling n’est pas exempt de défauts, à commencer par le fait que nous n’échapperons pas ici aux « fameux clichés du genre qui veut ça » (c’est bien dit nan?) : l’arrivée du prêtre (ici avec un masque à gaz!), les humeurs et la voix changeantes de Judith (vulgarité, provocations…), gerbes de substances liquides (qui semble être ici du sang)…
Nous noterons également quelques incohérences comme par exemple la divulgation de choses au départ classées « top secret », certaines interviews plus ou moins crédibles (ton et comportement des interviewés) ou encore la très bonne résolution des caméras de surveillance pour l’époque…
Cependant, ne boudons pas notre plaisir car outre ses approches scientifiques et politico-économiques, le film de Chris Sparling nous apporte également quelques autres petites idées bien sympathiques, comme par exemple cette volonté de ne pas nous faire croire que nous sommes en sécurité en dehors de l’institut Atticus. Même si l’idée de transmettre cette entité démoniaque par contact proche est bien présente, ce semblant de huis-clos est vite oublié lorsque nous apprenons que Judith est parvenue à tuer indirectement des proches aux scientifiques de l’institut ne travaillant pas du tout dans cet établissement. Cette personne habitée par le Diable peut donc nous atteindre à distance et pas uniquement au sein de l’institut!
Au final, bien qu’il possède quelques petits défauts par-ci par-là (mais quel film n’en a pas?...), "le projet Atticus" est un honnête premier long-métrage avec des acteurs plutôt convaincants qui donne un réel souffle nouveau aux films de possessions démoniaques de part quelques bonnes idées peu vues jusqu’à présent et surtout des approches scientifiques et politico-économiques fort intéressantes.