Shock treatment
Shock treatment
Havre de paix baignant quotidiennement dans la consommation excessive et le bonheur artificiel, Denton fonctionne surtout grâce à un studio télé constamment animé par un public déchaîné et des présentateurs survoltés. Lors d'une émission consacrée au mariage, ce sont Brad & Janet qui sont sélectionnés, un couple en pleine crise. Brad se fait ainsi "interner" pour les besoins de l'émission, et Janet devient une star…
Sans aucun doute le film le plus culte de la planète, "The rocky horror picture show" a engendré à la manière de "Star Wars" une masse de fans hystériques et très nombreux, rejouant toutes les semaines leur film préféré à Paris ou aux USA. Un tel phénomène reste jusque-là unique dans le monde cinématographique, grâce à cette comédie musicale débridée, foldingue et inventive, brisant certains tabous de l'époque comme l'homosexualité ou la bisexualité avec folie et idées à la ramasse. Richard O'Brien et son compère Jim Sharman récidive dans l'ombre en 1981, avec une suite complètement inconnue du grand public, bénéficiant elle aussi d'un tout petit statut culte. Inédite en France, seul la VHS originale peut être trouvable et aucun DVD n'est prévu pour le moment. Heureusement, une certaine chaîne câblée française à la bonne idée de le diffuser. On peut être réfractaire à cette suite en se disant qu'on ne retrouvera pas la saveur du premier film (ce qui est vrai) Mais si on est assez curieux, on peut trouver un certain charme à cette séquelle.
Adieu Frank N.Furter et sa créature au corps d'Apollon, adieu les Transylvaniens et le château, bref adieu à tout ce qui faisait essentiellement TRHPS. Brad & Janet reviennent donc, ainsi que le couple Hapschatt, qui se mariait au début du premier film, devenus depuis des présentateurs télés d'une niaiserie incomparable. On pourrait affirmer que l'aventure commence là où le premier film se termine, puisque Brad semble complètement "out", et n'est plus le mari faussement héroïque et naïf qu'il était. Il devient un pauvre garçon timide, au physique ingrat, incarné par Cliff de Young, qui trouve un autre rôle important dans le film, celui du rival de Brad. Peut être la plus grosse erreur du film, puisqu'il semble complètement absent (au sens propre comme au figuré) et son cabotinage en directeur de chaîne le rend rapidement énervant. Petite anecdote d'ailleurs : l'acteur en question sera le partenaire de Susan Sarandon dans "Les prédateurs". Susan Sarandon qui n'est d'ailleurs plus disponible pour cet opus, et c'est donc la très belle Jessica Harper (qui fut l'héroïne de "Suspiria" et de "Phantom of the paradise") qui la remplace. Là encore son interprétation fait peine à voir par rapport au jeu délicieusement cruche de Sarandon mais à la surprise générale, c'est peut-être son personnage qui sauve en parti le film : son timbre de voix si particulier occupe les meilleurs chansons, et d'ailleurs elle reste parfaitement expressive et toujours aussi mignonne tout le long du film. La scène où elle se laisse carrément aller en s'excitant sur le plateau prouve une fois de plus qu'elle est capable de tout, et charme parfaitement le spectateur.
Pour le reste on retrouve Patricia Quinn (qui fut la servante Magenta) en doctoresse incestueuse s'offrant à son maboul de frère, incarné par Richard O'Brien (ex Riff Raff) dont la démarche et la silhouette squelettique inquiète toujours autant, ainsi que Little Nell (ancienne Columbia) en infirmière affriolante qu'on croirait sortie d'un dessin animé de Tex Avery. Charles Gray (le criminologue du premier film) trouve un rôle plus ou moins similaire, celui d'un juge qui, avec l'aide d'une journaliste brutalement viré du show qu'elle présentait, tente de découvrir le mystère lié à l'émission plus que douteuse qui a subitement séparée Brad & Janet. Si vous vous souvenez bien du premier film, on pouvait voir afficher au début quelques cartons de pub affichant "Denton Home of happiness". Et pour les besoins de cette suite, les héros se retrouvent justement dans cette ville imaginaire, ville du bonheur préfabriqué, vivant au rythme d'un studio télé gigantesque, constamment animé par des émissions de real Tv et des pubs invitant à la consommation massive. Reflet plus ou moins exagéré du monde télévisuel d'aujourd'hui? Peut-être bien oui…
Brad & Janet décident donc de se rendre dans ce fameux studio, pour faire bouger un peu leur déplorable vie de couple . Ils sont choisis pour l'émission la plus redoutée, où Brad se retrouve en traitement de choc, filmé 24h sur 24, alors que sa fiancée attend sa sortie. Poussée par ses parents à présent "contaminés" par la consommation, elle rejoint l'équipe de l'émission et le service hospitalier des plus particuliers, composé d'un étrange docteur entretenant une relation incestueuse avec sa propre sœur, qui d'ailleurs le seconde, et d'une infirmière surexcitée travaillant dans des tenues légères. On rajoutera à ce groupe de personnages farfelus, un groupe de "fans" collant aux basques de Janet, et un animateur faussement aveugle. Mais le succès monte vite à la tête de Janet qui en oublie Brad, et commence à se focaliser obsessionnellement sur son public. Pendant ce temps, le mystérieux directeur de la chaîne tente de la séduire, sans véritable succès, restant caché dans son bureau secret.
Inutile de vous dire que tout le charme unique du premier film a disparu, laissant place à un univers moins attachant, se réduisant à un grand studio télé kitchos ; le premier opus, malgré son budget restreint, offrait bien mieux. Quelques bonnes idées trainent parfois (les portes capitonnées qui font un bruit d'enfer quand elles s'ouvrent et se ferment, la scène musicale survolant les fenêtres tel un film de De Palma ou le sigle d'un fast food qui fait étrangement penser à une croix gammée!!) mais le plaisir jouissif que nous procurait TRHPS est quasi-absent. La bande-son est d'une qualité en demi-teinte, on nage entre deceptions et petites perles, "Denton USA" par exemple, rappel beaucoup "Time Warp" dans son esprit. Des longueurs parfois, un manque de "laisser aller" qui caractérisait le premier film, bref on est loin des mésaventures décoiffantes de Brad & Janet dans le monde obscène de Frank N.Furter. Peu de clins d'œil au premier film, si ce n'est cette première phrase d'un Brad apeuré et la réponse que lui donne Janet "It's all right Brad, everything is gonna be all right", phrase récurrente de Brad dans TRHPS. A découvrir d'un oeil distrait, une comédie musicale bien loin du "cauchemar érotique" qu'est "the rocky horror picture show".