Solitaire (eaux troubles)

Rogue

Pete McKell, journaliste américain, embarque pour une petite croisière sur les eaux sauvages du Nord australien. Après plusieurs heures de promenade sur ces eaux infestées de crocodiles, le groupe de touristes s’apprêtent à rentrer, les appareils photos et camescopes blindés de souvenirs.

Mais après avoir aperçu une fusée de détresse à l’horizon, la guide décide d’aller voir ce qui s’est passé, cette dernière ne parvenant pas à contacter sa base en raison d’interférences radios. L’embarcation se rend alors sur les lieux de l’accident mais seule une barque est retrouvée, coulée par les eaux, sans occupant.

A peine ont-ils posé le regard sur les restes de cette barque que leur bateau est soudainement percuté par quelque chose sous l’eau, quelque chose manifestement très gros et suffisamment puissant pour perforer la coque de l’embarcation, obligeant nos malheureux touristes à accoster sur une petite île au beau milieu de ces eaux peu accueillantes. Très vite, la menace qu’ils redoutaient pointe le bout de son museau : un énorme crocodile rôde dans les parages et compte bien remplir son estomac…

SOLITAIRE (EAUX TROUBLES) | ROGUE | 2007

Fort du succès de son précédent long-métrage, le survival "wolf creek", l’australien Greg McLean revient sur un scénario qu’il avait écrit des années auparavant mais qu’il pouvait difficilement réaliser sans un certain budget, le film nécessitant de nombreux effets spéciaux et matériels en tous genres. Ce projet qui lui tenait tant à cœur et qui peut à présent voir le jour est à nouveau un survival mais animalier cette fois-ci (cette catégorie filmique que nous appelons chez horreur.com « animaux dangereux » et que d’autres présentent bien souvent sous le nom « agressions animales »).

La menace animalière ici? Le crocodile, vous l’aurez aisément compris en lisant le résumé ci-dessus. Quoi de plus effrayant qu’une mâchoire qui surgit de l’eau et s’ouvre soudainement, laissant apparaître un trou semblant sans fond dont l’entrée est couronnée de grandes dents blanches aiguisées telles des lames de couteau? Très vite, de nombreux réalisateurs vont se jeter sur une brèche ouverte par un certain Steven Spielberg qui nous livra en 1975 le cultissime "les dents de la mer" et les films mettant en scène des menaces animalières en zone aquatique vont pointer le bout de leur nez (on aime toujours citer entre autres le film de 1978 de Joe Dante, "piranhas", comme l’un des premiers gros films de menace aquatique s’étant nettement inspiré du long-métrage de Steven Spielberg).

Alors que les requins ont le vent en poupe dans ce sous-genre, les crocodiles ne sont pas en reste non plus. Plus discrètes d’un point de vue médiatique, ces véritables machines à découper la chair vont pourtant progressivement se faire une bien belle place dans le paysage cinématographique. En 1977, l’angoissant "le crocodile de la mort" de Tobe Hooper fait office de pionnier et rapidement d’autres œuvres, plus ou moins réussies, arrivent sur le marché : les italiens "le dieu alligator" (baptisé également "le grand alligator" ou "alligators") en 1980 et les deux "killer crocodile" en 1989 et 1990, l’australien "les dents de la mort" en 1987 ou encore l’américain "l’incroyable alligator" en 1980 (qui donnera naissance à une suite en 1991 : "alligator 2, la mutation").
Après le très bon "lake placid" de Steve Miner en 1999, le début des années 2000 s’avèrera cependant décevant, voire même quelque peu inquiétant, avec de très moyens "crocodile" (Tobe Hooper) et "crocodile 2" en 2000 et 2001 et un nanaresque "blood surf" en 2000 notamment… Mais le bout du tunnel n’est pas loin et l’année 2007 sera une année inattendue, surprenante et ô combien importante pour tout amateur de films de crocodiles dont votre rédacteur fait partie. En effet, trois films verront le jour cette année-là : un certes moyen mais non inintéressant "primeval" (le film américain nous offrant un crocodile quelque peu timide, perdu dans une narration trop importante pour ce sous-genre, mais quelques scènes enthousiasmantes cependant) et surtout deux films provenant d’Australie et s’avérant quant à eux de très bonne facture : "black water" et "rogue". Sans aucun doute deux des meilleurs films de crocodiles qu’il existe à ce jour, rien que cela!

Notre cher australien Greg McLean est justement le réalisateur de "rogue". Après une distribution en salles sous le nom étrange "solitaire", le film sera rebaptisé dans certains pays francophones "eaux troubles", un titre quelque peu culotté car très très proche de "black water" quand on y pense…

Bien moins médiatisé cependant que son cousin australien, le film de Greg McLean représente pourtant tout ce qu’un amateur de films de crocodiles pouvait espérer.
Alors, certes, le scénario n’est pas très étoffé et s’avère quelque peu classique (on part faire un tour sur l’eau, on se fait attaquer par un crocodile et on tente de survivre) mais que demander de plus à un film appartenant à ce sous-genre? Outre du suspense, un casting de bonne facture, un environnement soigné, un crocodile bien modélisé et des attaques saisissantes, pas grand chose en fait… Et le film de Greg McLean possède l’ensemble de ces critères assurément!
Alors certains ont certes intégré des éléments narratifs moins classiques dans ce genre de production ("le crocodile de la mort" par exemple) mais parfois en mettant quelque peu de côté notre saurien malheureusement ("primeval" ou encore "le dieu alligator"). Ne pas trop sortir des sentiers battus peut donc s’avérer une bonne chose parfois pour un film d’agressions animales.

Et pourtant, bien que "rogue" commence de manière on ne peut plus classique, c’est dans sa dernière partie d’un peu moins d’une demi-heure que le film va sortir de l’ordinaire en proposant une sorte de huis-clos dans l’antre de la bête. Pris au piège sous terre, dans un milieu glauque, humide et silencieux, notre héros va être confronté à l’immense reptile que l’on pourra enfin admirer sous tous les plans. Un très bon travail (rappelons que le budget du film était de 25 millions de dollars australiens) de la part de l’équipe des effets spéciaux qui n’a pas hésité à utiliser tantôt des effets numérisés tantôt des animatroniques pour donner vie à cet impressionnant saurien. Bien que sa taille parait quelque peu exagérée, la bête est plutôt réaliste (on appréciera notamment sa façon de mouvoir, bouger la queue et attraper ses victimes) et certaines de ses apparitions vous feront sursauter (on pense entre autres à cette arrivée surprise au bord de l’eau rappelant une scène de "lake placid").

Le film de Greg McLean possède d’ailleurs un rythme fort soutenu et réussit à captiver son public sans grande difficulté, et non pas uniquement en nous confrontant à cet immense prédateur. En effet, cette petite virée australienne en compagnie de ce groupe de touristes vous dépaysera à coup sûr et ce dès les premières minutes du film : passée une introduction nous montrant d’emblée une attaque de crocodile, nous sommes ensuite en compagnie d’une charmante guide (interprétée par Radha Mitchell, vue notamment dans "silent hill" et "the crazies") qui va nous donner de nombreuses informations sur ces reptiles peuplant la région, histoire de nous expliquer la dangerosité de ces derniers et de faire monter la tension crescendo.

D’ailleurs, en parlant de région, nous apprécierons une fois de plus, après "wolf creek", cette volonté de Greg McLean de nous faire voyager dans son Australie natale. Des belles étendues aquatiques aux gorges remarquables en passant par des forêts denses, l’environnement se montre également sous des aspects moins sympathiques mais toujours dans ce but de nous faire vivre une expérience des plus réalistes : des mouches ne cessent de venir enquiquiner nos touristes, la chaleur est étouffante dans ces régions, les crocodiles (de vrais spécimens ont été utilisés pour le film) peuplent les eaux, une menace quasi invisible quand ces derniers sont sous l’eau ou prennent l’apparence d’un tronc d’arbre flottant sur l’eau…
Une ambiance fort bien retranscrite, avec une bande sonore (bruits de l’eau ou bruits émanant des divers prédateurs…) réussie et des musiques tantôt relaxantes (violons) pour découvrir le pays et tantôt frémissantes (cuivres) pour accompagner les scènes d’action ou les divers moments à suspense (le rythme s’accélère par moments, comme par exemple lorsque nos touristes échoués sur l’île sont pressés par le temps : la nuit va tomber et les eaux montent…).

Au final, "rogue" (alias "solitaire" ou "eaux troubles") est une excellente surprise. Doté d’un rythme haletant, d’un casting de bonne qualité (on retiendra notamment la prestation convaincante de Michael Vartan de la série "Alias", héros du film), de paysages magnifiques, d’une petite pointe d’originalité dans sa dernière partie notamment et bien-entendu d’un crocodile fort bien modélisé et sacrément tenace, le film de Greg McLean est une réussite. Peut-être le meilleur film d’attaques de crocodiles à ce jour…

Petit Plus : On retrouve John Jarrat, notre méchant tueur de "wolf creek", dans ce nouveau film de Greg McLean. Sans oublier que ce dernier avait également déjà joué dans un film de crocodiles australien, "les dents de la mort", en 1987.

SOLITAIRE (EAUX TROUBLES) | ROGUE | 2007
SOLITAIRE (EAUX TROUBLES) | ROGUE | 2007
SOLITAIRE (EAUX TROUBLES) | ROGUE | 2007

... si l'on oublie une dernière partie complètement ratée et ridicule, qui transforme un survival intense et prenant en vulgaire série B de bas étage...

Note
5
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David Maurice