Embodiment of evil

Encarnacao do demonio

On l'avait cru plongé à tout jamais dans les abysses d'un lac : Zé du cercueil connut en réalité une seconde chance et se retrouvera en prison. Sous les barreaux, sa réputation le précède et on dit qu'il a envoyé plus d'un homme ad patres : mais voilà qu'en ces temps de nouveau millénaire, l'infâme personnage est relâché, bien décidé à reprendre non seulement son ancien travail de croque-mort, mais surtout sa quête suprême ; celle de la recherche de la femme supérieure dont l'enfant fera perdurer son esprit sur Terre.

EMBODIMENT OF EVIL | ENCARNACAO DO DEMONIO | 2007

Il y a toujours beaucoup d'appréhension à retrouver une ancienne icône de l'horreur remonter sur le devant de la scène, qu'il soit acteur ou réalisateur. Les papys de l'horreur comme on les appellera réveillent à la fois un sentiment de satisfaction et d'inquiétude qui aboutit de manière concluante...ou pas ! Exemple avec un Argento littéralement en bout de course, un Carpenter en roue libre, un Stuart Gordon dont le retournement de veste en a (agréablement) surpris plus d'un, un Llyod Kaufman toujours aussi déchaîné, un Romero qui divise malgré lui...
Jose Mojica Marins a la particularité de marier à la fois le comeback d'un réalisateur à la fois génial et déglingué dont le goût pour le surréalisme horrifique et les déviances graphiques louchent aussi bien sur les terres de Bunuel que de Paul Naschy, et celui d'une icône horrifique de premier choix.

Si l'on met de côté le diptyque qui l'a rendu célèbre dans le cinéma underground, Mojica Marins a régulièrement habité (ou a été...) par le personnage de Zé, jouant les guests et les faire-valoir dans diverses productions du genre. Ce que l'on sait moins, c'est la véritable carrière de Marins, qui n'a pas uniquement été basé sur son personnage fétiche: en l'occurrence, son dernier film remonte à 1987, après que le Sir est passé à travers les mailles du porno crado et de l'exploitation degeu.

Voilà que 41 ans plus tard, Zé revient à la charge pour sa troisième aventure qui n'avait alors jamais vu le jour : on gardait en souvenir Hallucinations of a Deranged Mind, compilation grossière et médiocre des méfaits de Zé, faisant un peu plus redouter ce retour aux sources...
Zé revenant à 71 ans, frais comme un gardon, les ongles toujours aussi longs et crochus (ce n'est pas un maquillage, rappelons-le) qui débarque à un point où le monde de la musique et du cinéma n'a plus peur de verser dans le satanisme sauvage, les tortures explicites et les extrêmes de l'horreur : est-ce vraiment sérieux ?
Diablement non (et en même temps logique), mais les paris, c'est toujours un peu excitants en soit...
Quelque part, Marins joue déjà avec nos peurs, et il le sait.

Grosse trouille de se retrouver donc devant la bande d'un vieux fou, totalement dépassé par ses délires, ne sachant dans quoi il met les pieds sans se soucier de l'évolution du cinéma horrifique ; peur d'assister à une croûte, honorable mais mal branlée, au pire aussi convaincante qu'un Troma des familles.
Espérons qu'en lisant ce qui va suivre, vos peur s'envoleront à petit feu comme celles de votre serviteur.

En voulant trop donner aux fans, Marins aurait pu tomber dans le sillage d'un Argento (l'exemple du consternant "mother of tears", autre cas de trilogie inachevée et véritable crachat à la figure du spectateur) : sauf que son cinéma, bidouilleur et provocateur, n'a jamais été du cinéma de beaux-arts et a sû constamment jouer avec les excès, allant en prime jusqu'à annoncer les dérives déviantes du cinéma d'exploitation des 70's. Et il est incroyable de constater au final, comme Marins a réussi à rester le même, tout en s'acclimatant à ces temps troublés : imaginez, lui qui n'avait pas honte de montrer la mort en face déjà dans les sixties, vous savez pertinemment qu'il n'allait pas s'en priver de nos jours...

Zé est libre, encore flanqué de son âme damnée Bruno et toujours taraudé par sa quête de la femme supérieure. L'on se surprend à voir le croque-mort sadique a déambuler dans le Brésil moderne, constatant avec effarement la violence exercée par les autorités et le déclin morbide d'une jeunesse qu'il a toujours considéré comme précieuse. Un amour (absolument pas ambigu précisons) pour les enfants rendant le personnage parfois étonnement sympathique, malgré toutes les horreurs qu'il exerce : ses poursuivants ne sont alors pas mieux lotis, ici un duo de policiers n'hésitant pas à supprimer femmes et enfants sur leur chemin, ou un fou de Dieu adepte de l'auto mutilation à la dynamo.
Dérives religieuses, sociales ou judiciaires : bref, une vision sans concession de la réalité, rendant le spectacle encore plus sordide qu'il ne l'est déjà.

Confortablement aménagé dans une cave putride, Zé se retrouve cette fois accompagné d'un groupe d'adeptes (une excellente idée !) kamikazes composé de deux superbes créatures en cuir, d'un boucher adepte du piercing et d'un hidalgo inquiétant ressemblant vaguement au maître qu'il sert. Quatre fois plus de raison et de chances donc pour Zé de trouver la femme qui pourra faire perdurer son pouvoir sur terre, celle-ci ne devant craindre rien ni personne. Et les épreuves pour révéler la véritable nature de la captive y sont bien plus corsées qu'en 1967 !

Si on aurait pu penser (avec une touche de mauvaise foi quand même) que le temps est assagit le brave Marins, eh bien il s'agit plutôt de l'effet inverse !
Flagellations, crucifixions, peau déchiquetée au couteau, égorgement, interventions de tarentules émergeant des tripes d'un spectre décharné et de moults insectes répugnants peu gracieusement versés sur ces demoiselles, piercing sauvage à la Barker, jusqu'à des excès encore plus démentiels tel que de la nécrophilie, l'irruption d'un rongeur dans un certain endroit de l'anatomie ou une orgie cannibale. Non seulement les maquillages suivent parfaitement mais en plus, ça fait vraiment très mal ! A cela, Marins maîtrise à la perfection son budget (les rares CGI, comme ceux du superbe générique, ne font jamais tâche) et régale les yeux les plus pervers avec les très nombreuses nudités de ses actrices, toutes superbes. Qu'il est bon de voir du bis en si bonne forme : et dire que tout cela a été présenté hors-compétition au festival de Venise et que Fox le distribue !!

Et dans ce maelström infernal où on roule des pelles à la grande faucheuse et où l'on baise sans retenue sous une pluie de sang, Marins offre une parfaite continuité avec son oeuvre, tissant des liens inattendus avec les précédents opus en faisant apparaître les spectres de ses anciennes victimes, qui n'ont quant à elles pas quitté l'univers du noir et blanc. Une idée poétique pour un film qui l'est cependant bien moins, oeuvre testament dont le final tant attendu fera jubiler plus d'un.
Que le règne de Jose Mojica Marins soit grand !

EMBODIMENT OF EVIL | ENCARNACAO DO DEMONIO | 2007
EMBODIMENT OF EVIL | ENCARNACAO DO DEMONIO | 2007
EMBODIMENT OF EVIL | ENCARNACAO DO DEMONIO | 2007
Note
5
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Jérémie Marchetti