Get out

Get out

Chris Washington, un jeune photographe afro-américain qui commence à se faire un nom, forme un charmant couple mixte avec Rose Armitage. Celle-ci pense que c’est alors le bon moment pour elle de lui présenter ses parents, Missy et Dean lors d’un week-end dans leur belle demeure au nord du pays. Chris fait là-bas connaissance avec la famille de sa dulcinée, des WASP très ouverts d'esprit (le père aurait « voté Obama une troisième fois si ça avait été possible ! ») mais aussi avec la gouvernante et le jardinier, blacks également. Bientôt, une réception est organisée chez les Armitage mais très vite Chris s’y sent mal à l'aise d’autant que des choses bizarres commencent à s’y produire…

GET OUT | GET OUT | 2017

Get out est depuis quelques mois un véritable phénomène cinématographique aux États-Unis et commence à en être un en dehors de son continent d’origine. En effet, en plus d’être auréolé de nombreux prix dans pas mal de festivals à travers le monde, il aurait déjà rapporté plus de 175 millions de dollars pour un budget modeste de 4,5 millions ! Mais ce n’est pas très étonnant car il a été produit par Jason Blum, le fondateur et directeur de « Blumhouse Productions », société prolifique sise à Los Angeles et ayant déjà financé les deux "Ouija", les cinq "Paranormal Activity", les quatre "Insidious", les deux "Sinister" ou encore la franchise "American Nightmare", rien que ça !

Réalisé par Jordan Peele, un jeune cinéaste plutôt habitué aux comédies, le film raconte l'histoire entre un afro-américain et une blanche, cette dernière désirant le présenter à sa famille. Jusque-là rien de bien transcendant. Puis sur la route, un accident a lieu, heureusement pas de blessé, seulement un chevreuil, mais avec en sus un contrôle des papiers de Chris par le policier local écourté par Rose, qui conduisait ! En arrivant tout se passe de façon courtoise, sans plus, avec les présentations d’usage entre Chris et les parents de Rose : Missy, psy et spécialiste en hypnose et Dean, chirurgien, pour terminer par la rencontre avec les domestiques…noirs. Peu de temps après, le frère entre en scène, il est passablement déroutant car fan de MMA et formule des propos étranges, mais prononcés sous l’effet de l’alcool. Le lendemain, une réunion avec des amis (tous blancs évidemment !) est organisée. Des gestes curieux par ci, par là, des paroles de convives maladroites à l’égard des gens de couleur, un jeune black (le seul hormis Chris et les domestiques) qui subit comme une crise de panique. Bref, tout ça n’est pas très rassurant pour notre invité d’honneur qui commence à tourner sévèrement parano et se met à penser que sa couleur de peau est une vraie problématique car au centre de toutes les conversations !

Vous l’aurez donc compris à la lecture de ce petit résumé, le film prend bien son temps et place chaque pièce du puzzle en essayant de faire monter la tension de manière progressive. Seulement voilà, c’est tout de même très lent car ça dure 1h10 tout ça et on a bien vu et bien compris qu’il se passait un truc pas très net dans cette demeure avec cette assemblée composée à 97% de blancs groupés façon « secte pacifique » mais qui en fait cache un méga gros secret et sûrement à l’égard des gens à la peau colorée ! Donc sur le plan de la forme, l'histoire est un peu cousue de fil blanc et met beaucoup trop de temps à démarrer. Et même si le métrage mélange ironie, humour noir (sans jeu de mots aucun !) et critique de la société américaine avec ses racistes, ses élites et ses bourgeois, le canevas est plutôt commun, voire prévisible. Heureusement qu’on aura une bonne montée en puissance dans les 30 dernières minutes avec un déferlement de violence attendu et salvateur, mais est-ce que ça sauvera le long-métrage d’une certaine banalité ?

Même si la bande originale est sympathique (avec en tête le morceau « Redbone » en début de film), que la photographie est sublime, que quelques scènes sont géniales (cf. celle du bingo), que certaines idées sont terribles (ah, celle de la «Sunken place »…), le long-métrage de Peele accumule quand même pas mal les références : celles à Hitchcock et De Palma pour l’apparition à la fenêtre, celles à « Transfer » (celui de 2012) et à "La porte des secrets" pour le scénario ou encore celles à "The Stepford wives" (celui de 1975) pour l’ambiance paranoïaque dans un milieu tout rose en apparence (référence revendiquée d’ailleurs par le réalisateur). Mais il empile également les clichés même si on peut y voir une satire politique concernant le racisme anti-blacks aux Etats-Unis, pays qui n'arrive pas à exorciser ses démons ségrégationnistes ancestraux. Effectivement, sont égrenés ici quelques stéréotypes un peu lourdingues certes déclinés sur le ton de l'humour, mais dits quand même avec : le black qui est cool, endurant, musculeux et bien membré alors que le blanc est plutôt cérébral et physiquement plus faible. Un peu réducteur tout ça quand même ! Tout comme l’arrivée inopinée du sidekick de service, l’ami Rod, un peu grossier et lourdaud servant tout de même plus de faire-valoir et de ressort comique au film qu’autre chose ! Et puis on a comme dans "Sœurs de sang" de De Palma un petit problème de cohérence ou peut-être d’arnaque, c’est selon. Sans vouloir faire de révélation, on se demande ainsi comment en effet, Chris, dans sa position, a-t-il pu mettre le rembourrage du fauteuil là où il l’a mis ?

Force est de reconnaître toutefois que Get out est doté d’un casting plus que correct avec Daniel Kaluuya (vu dans "Kick Ass 2" ou encore la série "Black Mirror") incarnant le personnage principal tantôt candide, tantôt réactif avec un certain brio, mais également Catherine Keener ("8 millimètres") avec sa tasse diabolique, l’inquiétant Caleb Landry Jones ("X-Men : le commencement", "Byzantium" ou encore "Antiviral") et le trop rare Bradley Whitford ("La cabane dans les bois"), machiavélique à souhait. Allison Williams qui interprète Rose joue aussi parfaitement sa partition toutefois amoindrie par le fait que très vite les spécialistes de films de genre auront tôt fait de capter ses intentions premières…

Alors oui, ce film dénonce le racisme caché des étasuniens vis-à-vis de la communauté afro-américaine et la bande-annonce donnait sacrément envie mais tout cela est bien long à se dessiner et le film n’invente finalement rien de bien neuf pour les amateurs de cinéma de genre puisqu’il fera seulement frissonner tous ceux qui n’ont pas déjà vu une bonne poignée de thrillers dans leur vie, l'unique originalité résidant dans le twist ou disons l'explication finale. Car pour le reste, c'est un thriller à tendance horrifique à petit budget comme il en existe des tas même si ce n'est pas désagréable pour autant. Heureusement tout de même que la dernière demi-heure ressemble un peu plus à ce qu’on recherchait à la base : un fait divers ayant lieu dans un cadre familial banal mais qui va avoir un déroulement singulier avec une fin en apothéose. Mais on sent bien que Jordan Peele a voulu faire trop de références à ses illustres aînés sans forcément les maîtriser tout en s’empêtrant dans certains poncifs un peu trop faciles à vouloir faire un plaidoyer contre la différence. Le sentiment final au sortir du visionnage est alors très mitigé.

GET OUT | GET OUT | 2017
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Note
3
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Vincent Duménil