Paperhouse

Paperhouse

Agée de onze ans, la petite Anna verra le jour de son anniversaire tourner à l'hécatombe suite à une punition qu'elle se verra infliger par sa maîtresse. Ne supportant pas son sort, elle fait semblant de s'évanouir et plonge dans ses rêves ou elle se retrouve face à une curieuse maisonnette, qu'elle venait de dessiner sur son cahier. Chaque modification sur le dessin a des répercutions sur les rêves de Anna, des rêves très réels par ailleurs, peut-être trop…

PAPERHOUSE | PAPERHOUSE | 1988

Grâce au coup de fouet donné par Clive Barker avec "Hellraiser", le fantastique anglais tente de se réveiller quelque peu dans les années 80. Et bien malheureusement, on est loin de la période Hammer. Et pourtant, parmi les perles oubliées on peut trouver "Paperhouse", qui traite du thème du rêve. Un thème répandu dans les années 80 puisque des films comme "Dream lover", "Les griffes de la nuit", "La compagnie des loups" ou "Dreamscape" en fera usage. Par ailleurs, le réalisateur de "Paperhouse", Bernard Rose, reviendra encore une fois au fantastique avec le fabuleux "Candyman". Après cela l'homme ne touchera plus au genre fantastique. Dommage.

"Paperhouse" est un film unique et qui ne ressemble à aucun autre, et il s'y forme une étonnante alchimie entre une comédie dramatique juste et touchante, et un film fantastique inquiétant virant là où on ne l'attend pas dans le cauchemardesque. Tout débute par un simple dessin esquissé par Anna, dont c'est le jour de son onzième anniversaire. Ce qui surprend surtout au premier abord est son caractère atypique, plus réaliste qu'à l'habitude. On est loin de la petite fille guillerette et héroïque, prête à affronter tout et n'importe quoi, oh non, on en est bien loin. Anna est plutôt impulsive, capricieuse, et entretient une relation parfois houleuse avec sa propre mère. Le problème chez elle ? L'absence de son père tout simplement, trop occupé par son travail, ce qui provoque chez elle de mauvaises réactions.

C'est donc une simple maison dessinée au crayon noir par Anna qui va chambouler sa vie. Pas de quelconque crayon magique ou bonhomme sortant du dessin pour partir à l'aventure, mais une plongée directe dans le dessin à chaque fois que la petite se met à rêver. Et c'est après un envoi direct dans le couloir, après avoir jouée un mauvais tour à sa rivale, elle simule un évanouissement et s'endort par la suite, se retrouvant dans une immense plaine sinistre, ou se situe la fameuse "maison de papier". Toutefois, Anna modifie son dessin entre-temps, provoquant des changements dans la maison. En voulant mettre un garçon triste à la fenêtre, elle se retrouve dans son rêve avec le jeune Mark, paralysé des jambes et qui semble craindre une menace proche, qui pourrait arriver tôt ou tard. Les séquences oniriques font évidemment la force du film, en particulier cette curieuse maison qui va être le lieu privilégié du film. Mais une ombre néfaste plane constamment dans ces scènes oniriques, peut-être provoquée par la curieuse architecture de cette maison, rappelant parfois certains décors des films de l'expressionnisme Allemand. Même le jeune Mark ne se trouve jamais à l'aise, ni encore moins rassuré. Le fait que le dessin se retrouve entre les mains d'une jeune fille aussi imprévisible que Anna ne fait qu'augmenter la curiosité du spectateur. Que va-t-il se passer ? Le simple film fantastique va-t-il dégringoler dans l'horreur ? D'une certaine manière, oui, et surtout pour notre plus grand plaisir.

Car lorsque Anne ne maîtrise plus ses gestes et décide de se rabattre violemment sur son dessin, les conséquences vont être catastrophiques. Et l'horreur peut donc intervenir, pas dans une débauche d'effets spéciaux ou de morts sanguinolentes mais donnant cours à des scènes terrifiantes, renvoyant aux peurs enfantines du croquemitaine et de certains cauchemars dérangeants qu'on aimerait faire moins souvent.
Bernard Rose rend son atmosphère encore plus sombre, distille des effets simples mais tétanisants (la longue, lente et stressante descente des escaliers ou la radio très louche), des plans souvent mémorables (la vallée plongée dans l'obscurité avec cette ombre surgissant de la colline) et une tension permanente, ce qui n'est pas rien. La dernière partie du film, plus calme, évite de verser dans le larmoyant et l'émotion préfabriquée, et réussit à rendre de manière très attachante et émouvante la relation entre Marc et Anna, deux enfants que tous sépare. Sans un budget énorme, sans acteurs connus et sans effets spéciaux pétaradants, mais avec un immense talent, Bernard Rose signe un conte d'une grande sensibilité, parfois effrayant ou triste, qui prend aux tripes et au cœur. Avoriaz ne résistera pas et lui remettra le grand prix de l'étrange en 1989. Et c'est largement mérité pour un film aussi magique et aussi vibrant.

PAPERHOUSE | PAPERHOUSE | 1988
PAPERHOUSE | PAPERHOUSE | 1988
PAPERHOUSE | PAPERHOUSE | 1988
Note
5
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Jérémie Marchetti