Herbert West: Re-animator
Herbert West: Re-animator
Après la perte de sa fille Eleanor, un scientifique célèbre, le Dr Herbert West, expérimentant un sérum spécial inventé par lui, tente désespérément de la ramener à la vie...
L'AVIS :
Prière de garder votre calme ! Ce film n'est aucunement un remake du "Re-Animator" de Stuart Gordon mais plutôt, à l'instar du classique gore que nous connaissons tous, une libre adaptation de la nouvelle originelle de Lovecraft réalisée par un (si ce n'est LE) fidèle amateur de l'horreur cosmique.
Avant toute chose, il est nécessaire de revenir sur ce poète du macabre qu'est Ivan Zuccon ; un cinéaste indépendant profondément enraciné dans les ténèbres, souvent incompris en raison de la maladresse continue de ses réalisations, modestes mais fervemment honnêtes dans leur façon de sculpter une atmosphère lugubre et envoûtante. La majorité de sa filmographie se nourrit de l'univers lovecraftien, adaptant par exemple "The Shunned House" ou The Colour out of space (sous le titre "Colour from the dark") en transcendant les contraintes budgétaires et techniques pour édifier des ambiances spectrales hantées par une beauté sinistre et fantomatique. Certes, les films de Zuccon souffrent bien trop souvent de leur narration étirée ou de leur mise en scène brute et mal accordée, mais il est impossible de nier le caractère authentique et sincère de sa passion pour la terreur primale baignée dans une esthétique sépulcrale et cafardeuse. Les forces surnaturelles nous plongent dans une désolation suffocante où la psyché des protagonistes ne deviennent plus que des ruines habitées par l'étrange.
Zuccon n'est pas un grand cinéaste, mais il est incontestablement un grand maître artisan de l'imparfait sublime où chaque limite technique, chaque faute scénaristique, chaque incohérence, chaque irrégularité rythmique contribuent à créer des tableaux morts-vivants dans lesquels le chaos devient un personnage à part entière. Comme si l'entité fantomatique n'était en réalité qu'une sensation omniprésente, un poids subtil dans l'air poussiéreux et vaporeux ; comme si ses films n'étaient finalement hantés que par eux-mêmes, et par la mémoire d'une peur ancestrale que Zuccon tente d'explorer à travers les contes morbides de Lovecraft. Ivan Zuccon est l'exemple même de ce pourquoi le cinéma Z doit être défendu, car il est l'incarnation de l'amour dévotionnel qui embrasse l'horreur sous un chant funèbre, là où la danse macabre devient une ode à la mort, à l'éphémère, au vide et à l'indicible.
Voilà ce qui faut attendre de ce "Herbert West - Re-Animator" qui, avant d'être un long-métrage, n'était qu'une web-série de sept épisodes (et un spin-off) sortie il y a 7 ans sur Youtube. Un désenchantement permanent d'une âme en perdition, une démonstration purulente d'un lointain ténébreux qui se manifeste sous forme de possession, une quête de l'étrange fantasmagorique où règnent les ombres les plus insondables. Une fois de plus, les incohérences font perdre à l'écriture toute sa capacité d'immersion et l'histoire devient difficile à suivre. Une triste habitude chez Zuccon que de négliger le désordre scénaristique ; les scènes se suivent, mais s'emboîtent assez mal, et nous fait perdre tout point de repère pour une parfaite compréhension de l'oeuvre.
Néanmoins, nous constatons une nette amélioration technique qui offre un rendu visuel très agréable et un rythme bien géré malgré l'hermétisme du film. Évidemment, l'amélioration n'exclue pas une flagrante limite du cinéma Z qui, sous ses airs de série B, se ridiculisera très vite auprès de l'exigence des pseudo-cinéphiles carburant à l'Elevated Horror surinterprétative où le perfectionnisme Kubrickien s'avère être une règle fondamentale.
L'univers de Zuccon est, avant d'être un cinéma pour petits écoliers spécialistes dans l'analyse de la scène de la douche de "Psychose", un modeste panégyrique à Lovecraft, un éloge sincère vibrant dans un monde saturé de chair putrescente, de brouillard chuchoteur, de ténèbres majestueuses et de folie incontrôlable. Ce film a l'air d'être réanimé par un nécromancien authentique et caverneux qui, pour modeler son oeuvre en fonction de son identité propre, dut faire abstraction du caractère humoristique et grand-guignolesque de la trilogie originelle, défier la surprotection des puristes n'ayant que mépris pour la nouveauté artistique, supporter le jugement de la masse cinéphilique vis-à-vis de la production de niche.
Ce "Herbert West: Re-Animator" se singularise par son traitement personnel de l'oeuvre lovecraftienne comme si Stuart Gordon n'était jamais passé par là (exceptée la frappante ressemblance entre Alessio Cherubini (dans le rôle d'Herbert West Jr) et Jeffrey Combs. À travers l'histoire tragique d'Herber West et sa fille Eleanor, Ivan Zuccon dépeint un univers désolé où l'émotion, le soufre et l'étrange prennent le dessus sur la raison.
Le visionnage se laisse apprécier malgré les défauts évidents, à condition, je pense, d'être déjà familier au cinéma de Zuccon qui se dresse avant tout comme une cathédrale délabrée, fragile, inachevée, mais porteuse d'un mystère et d'une beauté indéniable que l'on contemple jusqu'à ce que la terreur devienne une religion de l'effroi, un culte énigmatique où chaque décors suintant laisse perler une quantité de larmes déchues, où chaque bruit sourd, sinon crispant, devient une mélodie funèbre jouée sur la scène quasi-inhabitée, mais majestueuse, du cinéma d'horreur indépendant.
Ainsi donc je note ce film non pas en faveur de sa qualité, mais en l'honneur de sa sincérité, car à l'ère où s'impose l'horreur riche et aseptisée, la terreur pauvre et martyrisée tente tant bien que mal d'enseigner le sens de l'ambition dans une leçon d'humilité.