Voodoun blues
Voodoun blues
Après s'être déshabillée dans un nombre incalculable de métrages estampillés IE Independent Cinema (la compagnie qui abrite Seduction Cinema et Shock-O-Rama), la belle Misty Mundae passe à la réalisation pour ce court des plus prometteur.
Une adepte de la magie noire pratique un rituel vaudou pour punir son ex-petite amie. Des visions hallucinées hantent la victime, la poursuivent jusqu'à ce que flétrisse sa vie.
Sublime court métrage, tourné en 16mm noir et blanc, Voodoun Blues prouve que l'avenir du septième art n'appartient pas (seulement) à des apothicaires. La jeune étudiante en cinéma a choisi le format 16mm pour cette œuvre qu'elle devait soumettre à un festival. Ses camarades tentaient de la décourager, "mais pourquoi t'utilises ce truc c'est complètement obsolète? Utilise de la vidéo digitale!". Solution de facilité que la réalisatrice en devenir a rejeté, affirmant son amour pour le Cinéma qui ressemble à du cinéma, pas à un produit bon marché rafistolé tant bien que mal avec des CGI.
En outre, Misty a filmé avec un procédé très peu fiable puisque la bobine sert directement au montage et à la projection. Il n'y a pas de développement, et donc une seule et unique copie du film. Dégueulasse de surcroît! Qu'importe la flasque pourvu qu'on ait l'ivresse…
Comme le titre laisse entendre, le métrage sera rythmé par du blues; musique souvent associée au vaudou puisque les deux activités se réunissent en Louisiane dans l'imagerie populaire.
Avant même que le métrage soit achevé, la réalisatrice avait en tête un titre de Screaming G. Hawkins, "I Put A Spell On You". Une fois le court finalisé, Misty y appose la musique… et le tout est en parfaite harmonie. Cependant se pose la question des copyrights, "pourquoi diable une major irait-elle accorder une licence à une œuvre comme la mienne?" soupire la réalisatrice. "Finalement ce fut une bonne chose car le titre fut utilisé dans une publicité pour Levi's […] Il n'aurait pas été très opportun que mon œuvre soit associée à un Jean…" Elle sourit.
De ce fait, Tim McBride, un habitué de la maison, a composé une œuvre originale, sous la direction de Misty. Ce n'est plus tout à fait un Blues, mais l'essentiel est là, le duo image/son est efficace. L'aspect à la fois lourd et langoureux du titre se marie à merveille avec le noir et blanc granuleux de l'image. Cette composition revêt ici d'autant plus d'importance que Voodoun Blues est un court-métrage muet.
Noir et Blanc, muet, filmé avec un procédé abandonné quelques 40 ans plus tôt… Il paraît difficile pour la réalisatrice d'aller plus dans sa rétrospective du cinéma. Et pourtant…
Décidée à jouer le jeu jusqu'au bout, Misty rejette en bloc tous les procédés assistés par informatique, et n'a recours qu'à des effets physiques. Ainsi, pour nombre de scènes, la cinéaste recourt à l'animation image par image. Avouant son admiration pour le cinéma d'épouvante, Misty va ainsi créer une atmosphère inquiétante. Le mouvement des sujets est saccadé, poussif, presque malsain. Ce seuil est dépassé lorsque le procédé d'animation est utilisé pour mettre en scène la prêtresse elle-même. La transe en est remarquablement imagée, les mouvements de l'actrice perdent tout naturel et semblent commandés par des réflexes nerveux.
Le spectateur est donc plongé dans un hommage au Cinéma dans sa totalité, tant dans son aspect technique qu'artistique. Loin des immondices montés à l'aide d'un stroboscope, le montage est ici fluide, et sert le sujet du film, non une mode quelconque. Tous les composants de Voodoun Blues semblent être en parfaite symbiose.
N'en demeure pas moins qu'il ne s'agit que d'un court-métrage. Nombreux sont les réalisateurs qui brillèrent par leur court-métrage mais se brûlèrent les ailes une fois confrontés à l'exercice périlleux du long.
La balle est donc dans le camp de cette jeune étudiante en cinéma, qui espérons le, contribuera à parer d'or et d'argent les lettres du Cinéma indépendant. D'ici là… Continuons à apprécier ses dons d'actrice dans des métrages qui s'annoncent particulièrement intéressants (à ce titre "Chantal" promet d'être un constat amer sur l'industrie hollywoodienne).
* Pour plus d'information sur la belle : http://www.mistymundae.com/