Ed gein
In the light of the moon
Fin des années 50, à Plainfield, petite ville tranquille du Wisconsin aux Etats-Unis, Ed Gein vit de manière ordinaire comme un citoyen lambda dans la ferme familiale. Considéré par les autres habitants comme sympathique et généreux, à tel point que certains n'hésitent pas à lui confier la garde de leurs enfants (les pauvres, s'ils savaient !), il mène une petite vie bien rangée dans son village, du moins en apparence. En effet, depuis que sa mère a rendu l'âme, Ed se sent comme perdu, il s'ennuie énormément, entend sa génitrice lui parler et commence à s'intéresser à de bien curieux loisirs : la réincarnation, la réduction de têtes, la taxidermie, l'exploitation de l'anatomie féminine et surtout le cannibalisme. Ces comportements étranges coïncident avec la disparition de corps de femmes fraîchement enterrées au cimetière de Plainfield. Mais les découvertes funèbres et cauchemardesques ne font que commencer…
Vous l'aurez compris, ce film est la biographie d'Edward Theodore Gein, surnommé "le boucher de Plainfield" ou encore "le boucher fou", un des plus célèbres tueurs en série des Etats-Unis qui a sévi dans le milieu des années 50. Pourtant, sa liste de victimes est très réduite (deux meurtres seulement lui ont été attribués, mais il pourrait en avoir commis trois autres, dont celui de son frère). Cependant, s'il est aussi connu, c'est en partie dû au fait que lors de son arrestation en 1957, les policiers découvrirent chez lui un véritable musée des horreurs : des organes génitaux à profusion et certains vêtements en peau humaine. Tiens, ça ne vous rappelle rien ? Les plus malins auront tout de suite fait le rapprochement. La vie de ce serial killer a, en effet, inspiré de nombreux réalisateurs et scénaristes. Comment en effet ne pas penser à : "Massacre à la tronçonneuse" (pour Leatherface, souvent grimé en femme et conservant chez lui, un véritable petit musée des horreurs), "Deranged" (film le plus proche avec celui-ci de la vie d'Ed Gein) ou encore "Le silence des agneaux" (pour le tueur Buffalo Bill, s'habillant avec des peaux humaines) ? C'est donc la psychologie dérangée et hyper macabre du personnage qui a marqué les esprits et influencé les scénaristes pour écrire et inventer des protagonistes lugubres au possible. Ce qui est amusant (enfin dans une certaine mesure) c'est de savoir que les actes de cannibalisme et de nécrophilie attribués à Ed Gein n'ont jamais été prouvés alors que presque tous les métrages précités en ont largement fait l'étalage, peut-être par souci de grand spectacle, qui sait ? Autres sujets d'inspiration chez les cinéastes : l'obsession du tueur à la psychologie trouble pour sa mère décédée et très autoritaire le conduisant à n'assassiner quasi majoritairement que des femmes et le côté transformiste du personnage limite attardé. Comment alors ne pas faire le lien avec "Psychose" (pour Norman Bates très influencé par sa mère et finissant par endosser sa personnalité en enfilant ses vêtements) ?
Contrairement aux chefs-d'œuvre cinématographiques cités précédemment, ce film est le premier à vraiment traiter de l'éducation tourmentée de Gein dont l'histoire est celle d'un homme vivant dans une petite communauté du Wisconsin et qui prend soin de sa mère alitée, une femme agressive et dominatrice l'ayant élevé lui et son frère à coups de baguette et de sermons tirés de la Bible. Elle lui apprit notamment que toutes les femmes étaient mauvaises. A sa mort, Ed s'ennuie tellement de sa maman adorée qu'il va déterrer son cadavre pour le ramener chez lui. Il voulait en fait la ressusciter, devenir elle. C'est pour cela qu'il va exhumer son corps dans un premier temps, se déguiser en femme avec les vêtements de sa mère ensuite, puis avec de la peau humaine dans un dernier temps. Il décide plus tard de jeter son dévolu sur des proies féminines vivantes et la suite, on la connaît.
C'est Chuck Parello (qui n'est pas le premher venu puisqu'il a réalisé la suite de "Henry, portrait d'un serial killer") qui se colle à la réalisation et mène son entreprise de façon sobre et professionnelle. Il essaie, tout en respectant le plus fidèlement possible la vie du "boucher fou", d'expliquer le déroulement des évènements qui ont conduit le célèbre serial killer à tous ces meurtres en se concentrant sur son quotidien et ce, sans exagération et autres déploiements visuels. Dans ce film, pas d'effets de manche (d'ailleurs heureusement, quand on pense à une scène où l'image de la maman d'Ed apparaît dans un feu, on se dit que le gars des FX devait être bien éméché !), il est plutôt question ici, de raconter de façon simpliste la vie d'Ed Gein. Sa routine consiste ainsi à prendre certains produits dans le magasin du coin dont il essaie de draguer la gérante, femme d'un certain âge, comme sa mère, et de s'asseoir quelques heures dans un bar avec les habitués du coin. Mais sa vie ne sera plus la même à partir du moment où sa mère viendra à trépasser : il s'ennuiera profondément et sera encore sous l'influence de celle-ci mentalement alors qu'elle est morte, en clair il aura des visions de sa daronne, le bougre ! Ce sera donc à partir de la mort de sa génitrice qu'il commencera à déterrer des cadavres pour en garder quelques parties. Cette habitude, avec le temps, deviendra de pire en pire...
Le rythme de l'histoire (concentrée ici sur quelques mois, alors qu'en réalité, les meurtres de Gein s'étalent sur plusieurs années) est assez lent et parsemé de flashbacks vers l'enfance du "boucher fou". Ces derniers ne sont toutefois pas tous réussis mais servent globalement à mieux cerner la psychologie du personnage, même si pour une meilleure compréhension, on aurait préféré des approfondissements supplémentaires afin d'avoir plus de liens évidents entre sa vie d'adulte et son enfance et pour éviter certaines ellipses scénaristiques et visuelles un peu trop convenues.
Le score de Robert McNaughton (déjà à l'ouvrage sur celui d' "Henry portrait d'un serial killer") est simple mais efficace : petite musique de fond parsemée de sons du quotidien très propices au climat de tension ambiant, le tout sans emphase puisque certaines scènes sont filmées sans musique, pouvant, par moments, conférer au film un aspect quasi documentaire.
Enfin côté casting, mention spéciale à Steve Railsback (vu dans "Lifeforce"), l'acteur qui joue Ed Gein, est complètement habité par son rôle à un point tel qu'on a du mal à imaginer un autre visage pour ce célèbre tueur, même en ayant vu les photos du véritable serial killer ! Son jeu est proprement hallucinant puisqu'il n'exagère jamais et est toujours dans le bon ton : tantôt naïf, tantôt inquiétant, mais également touchant, il est véritablement Ed Gein. Ce n'est toutefois pas la première fois qu'il incarnait un illuminé puisqu'il a joué également dans "Helter skelter" où il personnifiait Charles Manson. Petit bémol néanmoins : on ne voit pas assez la différence d'âge entre Ed et sa maman (par ailleurs, superbement interprétée par Carrie Snodgress, très bonne en maman tyrannique), Ed faisant, en apparence, quasiment le même âge que celle-ci, c'est peut-être un détail, mais cela peut être gênant.
Ce film, contrairement à "Gacy" brossant trop superficiellement le portrait du tueur et dénué de véritables scènes chocs, est de facture plus qu'honnête. Ici, même si le métrage aurait gagné plus en développant davantage certains aspects de la vie du serial killer et en adoptant un rythme plus soutenu, on en apprend pas mal quant aux motivations du psychopathe et sur ce qui l'a poussé à agir ainsi. De plus, certaines scènes très réalistes, font parfois froid dans le dos. Mais bon, ce n'est pas "Henry portrait d'un serial killer", mètre-étalon en la matière. Il mérite toutefois une note au-dessus de la moyenne et d'être découvert à la location.