Abyss

The abyss

Au large de Cuba, un sous-marin américain coule après avoir été frôlé par un objet non identifié. En surface, une mission de repérage se met aussitôt en place pour récupérer les éventuels survivants, mais surtout les ogives nucléaires… Une équipe de gros bras débarque donc dans le Benthik Explorer, plate-forme pétrolière submersible installée dans les fonds marins. Et au grand dam de Bud Brigman, chef d'équipe de la plate-forme, sa future ex-femme Lindsey, qui est aussi la propriétaire du bâtiment, accompagne les militaires. Sur ordre du gouvernement, l'équipe des foreurs pétroliers doit en effet collaborer avec ces derniers afin d'explorer l'épave du "Montana". Les conflits d'intérêt et d'autorité font rapidement monter la tension, tandis qu'à la surface approche l'ouragan "Frédéric" et que la présence américaine près de Cuba déclenche une crise internationale. L'exploration du sous-marin commence… Et au-delà des frictions et des dangers, les plongeurs ne vont pas tarder à être confrontés à une présence pour le moins inattendue…

ABYSS | THE ABYSS | 1989

Amoureux des fonds marins et fan de science-fiction, James Cameron rêvait de réaliser un équivalent aquatique de ce qu'avaient fait Stanley Kubrick dans l'espace ou Spielberg avec son diptyque extra-terrestre. Ce fut chose presque faite avec "The Abyss", doté d'un budget très confortable de 50 millions de dollars, et qu'on pourrait un peu considérer comme un "Rencontres du 3ème type" sous-marin.

Le message moral du film, plein de bonnes intentions, est en effet très proche de celui du film de Spielberg. Et bien que ponctué lui aussi de séquences spectaculaires et d'effets qui vont annoncer l'importance du numérique dans le cinéma des années suivantes, il s'agit avec "Titanic" du film d'"Iron Jim" le plus axé sur l'atmosphère et les personnages. L'un des plus longs également, si on prend la version longue comme définitive.

"Abyss" est un peu comme une toile d'Yves Klein : un bleu unique, qui ne pourra plus jamais vous sortir de la rétine. Même le bleu "Cousteau" (qu'admire Cameron), et à plus forte raison le bleu "Besson", n'atteignent pas une telle profondeur d'envoûtement. Si une science du bleu marin existait, il faudrait l'appeler "caméronisme" ou "abyssisme". Ce n'est pas un "grand bleu" sentimental et idéaliste, puisqu'il semble au contraire d'une inquiétante neutralité, et qu'il est le produit très concret des éclairages technologiques humains (projecteurs, spots et diverses lampes).

En fait, aussi paradoxal que cela puisse paraître, on ne peut même pas dire que ce bleu est celui de l'océan. D'abord parce qu'on le retrouve dans pratiquement toute la filmographie de Cameron, comme une signature, sans qu'il soit forcément lié avec les grands fonds. Mais aussi parce qu'il n'y a pas de volonté naturaliste chez le réalisateur. Le choix des profondeurs ne coïncide avec le réel que de façon désincarnée. Il permet au tournage de se dérouler dans un grand bassin artificiel, sans que l'on puisse s'étonner de la singulière absence de vie des lieux. Pas une algue, pas un crustacé ou cétacé… A se demander s'il s'agit vraiment d'eau…

L'élément liquide, lorsqu'il intervient en tant que tel, est plutôt grisâtre (la surface tempétueuse), blanc ou translucide. L'eau, dans "Abyss", est une épouvante en mouvement : elle bouscule, envahit, monte ou se retire, donnant la mort ou accordant la vie. C'est elle qui engendre les séquences du film les plus effrayantes ou les plus émouvantes. Sans elle, le film serait d'ailleurs d'un rare ennui. Après une scène d'introduction coup de poing comme sait bien les faire Cameron, le quotidien du Benthik Explorer n'a en lui-même rien de très excitant.

Malgré toute la technologie présente, c'est bien à des ouvriers au travail que nous avons affaire, et contrairement à ce qu'on pourrait penser, la station sous-marine ne dégage à l'origine aucune claustrophobie : c'est une bulle à l'ambiance familière et familiale, où une certaine routine s'est installée. L'isolement a provoqué le rapprochement entre chaque membre de l'équipe, jusqu'à l'arrivée des militaires, de Lindsey et des événements qui vont s'ensuivre. Alors, et alors seulement, l'irruption de l'eau (jusqu'à la sueur du psychotique et fiévreux Coffey, génialement interprété) révélera tout ce que les longs couloirs, les habitacles et les équipements high-tech peuvent avoir d'angoissant. C'est également sa présence menaçante, destructrice ou au contraire amicale (comme le "ver" anamorphique simulant leurs visages et leurs expressions) qui sera le vecteur de la réconciliation entre Bud et Lindsey…

Mais le bleu, lui, est immobile et serein. L'épave du Montana y repose comme un gigantesque enfant qui dort. On s'y déplace avec lenteur et avec mille précautions, comme dans un rêve ou dans une cérémonie.

Et finalement, si on voulait vraiment définir le "bleu Abyss", peut-être faudrait-il dire qu'il s'agit d'un bleu initiatique, mystique, sacré (funèbre, diront même les mauvaises langues, qui n'auront pas tout à fait tort…).

Le "bleu Abyss" a un point commun avec le "bleu Hellraiser" : c'est un signe vers l'inconnu, vers les ténèbres d'un monde qui va bientôt se révéler. Une sorte de "sas" chromatique que va devoir franchir Virgil Bud Brigman dans une scène à juste titre anthologique. Cependant là où le "bleu Hellraiser" amène l'immoralité, la souffrance et le sang, le "bleu Abyss", lui, après les ténèbres, mène… à l'amour et à la joie d'une créature rose stupéfiante, qui, du jour au lendemain, on ne sait pas pourquoi, a décidé d'adresser à l'humanité toute entière un sermon tout bonnement édifiant de bon sens. "Vous, humains, vilains-vilains, pas bien, mais pas bien du tout. Moi donner dernière chance, mais attention." En gros, c'est ça…

Et après plus de deux heures et demie de film, nous voilà abasourdis devant le plus gros jouet en plastique rose bonbon que la Terre ait jamais porté... Une "sacrée" déception pour maints spectateurs, qui explique sans doute qu'en dépit de son statut de film culte, "Abyss" n'ait pas été un franc succès. Trop lourdement asséné, le discours plombe le film et rend les nouveaux visionnages pénibles malgré une esthétique somptueuse et une réalisation impeccable : on sait qu'on a eu peur pour pas grand-chose. Cameron prendra une colossale revanche avec "Titanic". Mais… quel est le nom de l'héroïne, déjà, dans "Titanic"? Rose.

Retrouvez la BO du film : http://www.horreur.com/critique-musique-43-abyss.html

ABYSS | THE ABYSS | 1989
ABYSS | THE ABYSS | 1989
ABYSS | THE ABYSS | 1989
Note
3
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Stéphane Jolivet