Dario Argento - Soupirs dans un Corridor Lointain
Dario Argento - Soupirs dans un Corridor Lointain
Vingt ans séparent les deux parties de ce film portrait consacré à Dario Argento. Tourné à Turin puis à Rome entre 2000 et 2019, Soupirs dans un corridor lointain cale son pas sur l'un des cinéastes les plus marquants de ces quarante dernières années. Ses obsessions, son travail, ses souvenirs, ses hantises, son rapport à la ville éternelle, les blessures de l'Histoire italienne, et puis le temps qui passe...
L'AVIS :
Quiconque a vu les films de Dario Argento, notamment ceux réalisés dans la décennie 70 et 80, ne peut qu'être tombé amoureux de ce cinéaste qui va se révéler être un véritable auteur, un véritable conteur d'histoires, un véritable amoureux de l'esthétisme au cinéma. L'Oiseau au Plumage de Cristal, Le Chat à Neuf Queues, 4 Mouches de Velours Gris, Les Frissons de l'Angoisse, Suspiria, Inferno, Ténèbres, Phenomena ou Opéra ont su l'imposer dans la cour des grands et lui constituer une horde de fans fidèles et dévoués, qui lui pardonneront une relative baisse de régime durant les décennies 90, 2000 et 2010, avec des œuvres certes moins abouties, moins prestigieuses mais qui possèdent toutes la patte Argento, qui possèdent toutes des visions de fulgurance visuelle dont lui seul a le secret.
Avec Dario Argento - Soupirs dans un Corridor Lointain, Jean-Baptiste Thoret lui consacre un portrait fort émouvant, composé de deux parties : l'une tournée en février 2000, au format 4/3 et en couleur, à Turin ; l'autre réalisé en février 2019, en format 16/9 et en noir et blanc, à Rome. Ce documentaire nous donne l'occasion d'écouter Dario Argento nous parler de son cinéma, de sa façon de considérer le cinéma, des parties de lui-même qu'il a mis dans ses films (son obsession des couloirs, des escaliers, des animaux, des insectes), bref, de pénétrer dans la personnalité du réalisateur et de l'homme lui-même. C'est toujours avec un plaisir intact qu'on écoute Dario parler en français ou en italien et nous livrer des bribes de sa vie, de son oeuvre. La seconde partie, datant de 2019, est profondément touchante. Âgé de 79 ans, Dario se fait conduire par Jean-Baptiste Thoret à travers la ville de Rome, dans des musées (l'art tient une place prépondérante dans la vie d'Argento), des parcs ou devant des monuments et c'est avec nostalgie que le réalisateur transalpin se remémore sa vie passée. Les images en noir et blanc et la musique choisie pour les accompagner, l'apparente fragilité du réalisateur, tout confine à nous émouvoir, sans pathos aucun.
La séquence dans laquelle Dario retourne dans la villa, quasi futuriste à l'époque, dans laquelle il a tourné Ténèbres est très intense car cette superbe villa est désormais inhabitée et totalement laissée à l'abandon. On sent Argento réellement touché par le chaos qui règne dans ce lieu, comme s'il ressentait que lui aussi entame la fin de sa vie, à l'image de la villa délabrée qui a perdu de sa superbe. Il en va de même lorsqu'il se retrouve dans l'imposante bibliothèque où il a filmé une séquence d'Inferno. On découvre aussi un Argento passionné de lectures occultes. Ce qui est appréciable dans ce portrait, c'est que Jean-Baptiste Thoret ne s'impose jamais. Il s'efface, laissant seulement sa caméra suivre le maestro de la peur. En ce sens, Dario Argento - Soupirs dans un Corridor Lointain s'adresse avant tout à ceux qui connaissent bien l'oeuvre du réalisateur italien. Ce portrait n'est pas un documentaire analytique, du moins dans sa seconde partie. C'est bel et bien l'homme qui est mis ici en avant, comme en témoigne la fin du film, où Argento évoque la vie en Italie durant la période du terrorisme, ses penchants communistes ou son rejet total du fascisme.
Dario Argento - Soupirs dans un Corridor Lointain n'est donc pas une porte d'entrée pour découvrir l'univers de ce cinéaste important. Sa réception pourra déstabiliser les néophytes qui se sentiront peut-être un peu mis à l'écart. A moins que ça leur donne l'envie d'en apprendre plus sur Dario Argento et de ses plonger dans son oeuvre, ce qui promet de magistraux moments de cinéma. On ne saurait que conseiller de visionner le passionnant bonus de 50 minutes présent sur l'édition DVD et dans lequel Jean-Baptiste Thoret nous donne sa vision du cinéma d'Argento mais aussi le pourquoi du comment de ce film-documentaire.
* Disponible en DVD chez -> TAMASA <-