Eat
Eat
Novella McClure, la trentaine passée, a bien du mal à finir les fins de mois. En effet, cette belle blonde ne parvient plus à décrocher de contrat de comédienne depuis trois ans maintenant et commence sérieusement à angoisser pour son avenir, l’héritage qu’elle avait touché à la mort de son père et qui lui permettait de payer le loyer chaque mois est arrivé à épuisement.
Vie professionnelle au point mort, réfrigérateur vide, menace d’expulsion de sa propriétaire, échec dans la vie amoureuse... La jeune femme vit une période très délicate pour ne pas dire terrible et parvient à ne pas sombrer grâce notamment à sa meilleure amie, Candice, celle-là même qui l’avait sortie d’une relation incestueuse non désirée quand elle était plus jeune.
Mais ces sorties en boîte ou en ville avec son amie ne suffisent bien évidemment pas à Novella à lui faire oublier cette dure période qu’elle est en train de vivre. Anxieuse, la jeune femme se ronge les ongles et le stress la pousse à manger... Mais que grignoter d’autre que des ongles quand on n’a rien dans le réfrigérateur? La jeune femme a bien une petite idée…
L'AVIS:
Découvert pour ma part lors de la Nuit Décalée (anciennement La Nuit Fantastique) de la 22ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer en 2015 (dont je vous invite chaque année à parcourir le compte-rendu très complet, disponible dans la rubrique « dossiers » du site), le film de ce touche-à-tout de Jimmy Weber (réalisateur, scénariste, chef monteur, compositeur et producteur délégué, cet inconnu n’avait alors réalisé que des courts-métrages jusque là) avait fait sensation dans les Vosges malgré une première projection à 3h30 du matin...
En effet, proposé en toute fin de la Nuit Décalée, derrière le décevant "american burger" et le génial "zombeavers", "eat" n’avait été vu que par quelques dizaines de festivaliers encore présents dans la grande salle de l’Espace Lac, tenus en éveil grâce aux bons gros délires du film de Jordan Rubin précédemment projeté mais surtout grâce aux kilos de bonbons ingérés et aux quelques boissons sucrées et/ou énergisantes consommées...
Des « Warriors » une nouvelle fois récompensés car "eat" était de loin le film le plus saignant, le plus trash et le plus décalé de cette 22ème édition du festival de Gérardmer.
Sous forme de drame à tendance gore et grand-guignolesque, Jimmy Weber traite des difficultés que rencontrent parfois certaines actrices et comédiennes qui, une fois la trentaine passée, peinent à décrocher un contrat. Ces dernières, fortement concurrencées par des petites jeunes pleines d’ambition (à l’image ici de la belle Tracy, grande rivale de Novella) et souvent au talent précoce, vivent forcément mal ce virage souvent synonyme pour elles de fin de carrière prématuré. S’ensuivent alors pour une poignée d’entre elles dans les pires des cas des articles dégradant dans les tabloïdes où on les voit en dépression, bouffies avec des kilos en trop (dus à une anxiété poussant certains organisme à se nourrir, comme c’est le cas ici chez notre Novella)...
Une descente aux Enfers que va justement vivre Novella dans cette histoire inventée par Jimmy Weber qui nous montre en quelque sorte la face cachée d’Hollywood, celle où vivent les stars déchues voire même les personnes n’ayant jamais connu les paillettes mais qui continuent d’y croire.
"Eat" nous livre une critique cinglante de cette vie hollywoodienne d’une façon quelque peu exagérée certes (certaines scènes vont très loin dans l’absurde et dans le gore, s’éloignant du cadre réaliste de départ) mais en conservant toutefois une grand part de vérité sur la réalité du terrain dirons-nous.
Echec dans la vie sociale et amoureuse, échec dans la vie professionnelle, le personnage de Novella accumule les déceptions aussi bien lors de ses rendez-vous casting (quand celle-ci ne tombe pas sur des recruteurs la trouvant trop vieille, ce sont ceux qui désirent la voir dans des films pornographiques qui lui ouvrent la porte...) que dans ses sorties entre copines (elle tombe sur des pervers violeurs, subit un accident de voiture...). Et comme si tout cela ne suffisait pas, c’est sa propriétaire qui vient toquer à la porte pour la menacer d’expulsion car elle ne paye plus le loyer depuis quelques mois maintenant...
Une descente aux Enfers comme nous le disions plus haut qui semble ne pas être prête à se solutionner, à en croire par exemple les choix parfois douteux de Novella qui ne l’aident pas dans sa vie professionnelle et amoureuse. En effet, le genre qu’elle se donne ne colle pas forcément avec le type de jobs auxquels elle aspire (une blonde peroxydée au look très girly qui porte en plus un pseudo tout droit sorti de film X) et ses virées nocturnes où les verres s’enchaînent n’aident pas non plus à se concentrer sur une recherche active de travail et à avoir un repos suffisamment compensateur pour réussir le lendemain des auditions
Mais le réel problème, le vrai caillou dans la godasse, que Novella a, c’est probablement cette amitié (que dire ce lien quasi fusionnel) qu’elle entretient avec son amie Candice. Une personne qui, malgré son aide et son soutien dans les mauvaises périodes (elle l’a sortie d’une relation incestueuse avec son oncle notamment), s’avère finalement être une mauvaise compagnie. Candice est quelqu’un qui peut-être fait du bien mentalement à la fragile Novella (les sorties entre filles qui fond changer les idées, les soucis noyés dans l’alcool lors de leurs sorties discothèque) mais à l’inverse la tire vers le fond. Alors qu’il est déjà difficile d’être frais à un casting après une nuit passée à enfiler les verres de cocktails alcoolisés en boîte, Candice la met en plus sans le savoir en relation avec des violeurs et cherche sans arrêt à dédramatiser ces histoires de casting et d’expulsion (ce qui n’aide pas forcément Novella à se foutre un bon coup de pied au cul pour se bouger...).
L’impulsivité de Candice est également quelque chose de difficile à gérer qui peut causer bien des dégâts. Pour preuve, la jeune femme, qui porte sur elle un flingue, en fera voir de toutes les couleurs à la malheureuse Novella qui n’avait vraiment pas besoin de trainer derrière elle des grands blessés voire même des cadavres...
Une Candice qui, à l’instar des excès sanguinolents et grandguignolesques de Novella, apporte une touche humoristique indéniable dans le film de Jimmy Weber (oui, on rit de toutes ces merdes qui arrivent à notre pauvre Novella impuissante qui enchaîne les soucis à la vitesse grand V).
Justement, nous en parlions dans la phrase précédente, si "eat" a marqué certains esprits dans les festivals où il est passé c’est notamment pour ses excès sanguinolents placés dans un cadre totalement irréaliste. Car oui, cette histoire d’auto-mutilation générée par une anxiété destructrice va assez loin.
Qui ne s’est jamais rongé les ongles par anxiété ? Qui n’a jamais ressenti l’envie de grignoter dans le frigo quand il est stressé (chez certaines personnes, un remède contre le stress, voire une résultante au stress tout simplement, consiste à manger) ? C’est en partant de cet aspect purement comportemental que Jimmy Weber va donner naissance ici avec son équipe chargée des maquillages et effets spéciaux à des scènes très sanglantes et graphiques, souvent filmées en gros plans (de la chair déchiquetée par une mâchoire de Novella aux dents bien acérées) et surtout évitant le tout-numérique (l’apparition de latex, plastique et prothèses fera le bonheur des amateurs d’effets spéciaux à l’ancienne !)
Mutilation compulsive et auto-anthropophagie (qui a parler du film "dans ma peau" de Marina De Van ?), Novella ne semble malheureusement trouver du plaisir que dans le grignotage quand elle est confrontée à un stress difficilement surmontable (mais que grignoter quand le frigo crie famine ???). Une situation qui ne va pas en s’améliorant au vu de tous les déboires que va vivre notre chère actrice en mal de réussite, comme vu plus haut dans notre chronique.
Une histoire qui se finira (et je n’en dirai pas plus afin d’éviter tout spoiler dérangeant) dans un véritable bain de sang où gore et absurde ne feront qu’un.
Moi-même fort enthousiasmé à Gérardmer en 2015, je ne saurais que vous conseiller cette œuvre bien barrée oscillant entre drame et grandguignolesque avec une bonne dose d’hémoglobine. Une bien belle et graphique descente aux Enfers d’une jeune femme en quête de gloire et de paillettes qui vient, certes de manière exagérée, nous montrer que vie hollywoodienne ne rime pas uniquement avec feux des projecteurs et bonheur. Malgré moult tentatives pour percer dans ce milieu difficile, certaines restent dans l’ombre de cet Hollywood bling-bling... et c’est sûr elles s’en mordent les doigts !
Film disponible chez l’éditeur belge Zeno Pictures ou plus près encore chez notre partenaire Sin’Art ou sur le site d’Uncut Movies