Jericho mansions
Jericho mansions
Léonard Gray, concierge d'un immeuble vétuste depuis une trentaine d'années, nous raconte son histoire, ainsi que celle des gens vivant dans les appartements faisant partie du vieil édifice, le Jericho Mansions. Menant une petite vie tranquille consacrée à l'entretien de l'immeuble, au bien-être de ses occupants et à la construction d'une réplique du pont de Brooklyn en trombones, Léonard ne sort jamais et pour cause : il est agoraphobe. Il n'a de même aucun souvenir de son passé, ce qui ne l'empêche pas de mener son petit bonhomme de chemin. Un jour cependant, son univers est menacé par des événements pour le moins étranges : Lily Melnik, la propriétaire hystérique de l'immeuble qui vient de perdre son époux avec qui elle était mariée depuis plus de trente ans, l'accuse de vols, les résidents commencent à se plaindre de ses services et pour couronner le tout, on retrouve le cadavre de Bill Cherry, un locataire, dans le vide-ordures. Alors que les policiers sont convaincus qu'il s'agit là d'un crime passionnel, Léonard découvre des indices l'incriminant…
L'intérêt principal du film réside dans le secret qui a fait perdre la mémoire au personnage principal, élément qui est évidemment lié, par ailleurs, à la haine éprouvée par la propriétaire de l'immeuble à l'égard de son concierge. Toutefois, une fois le dénouement révélé, on est vraiment tenté de se dire : "tout ça pour ça !". En effet, si on découvre à la fin du film que le secret qui est caché par Lily est également enfoui au plus profond du subconscient de Léonard, et que l'on commence à comprendre pourquoi elle n'a cessé pendant tout le film de vouloir le faire renvoyer, on se demande aussi pourquoi elle a attendu trente ans pour tenter de le faire et ce, malgré un élément perturbateur tombant comme un cheveu sur la soupe ? C'est vraiment trop tiré par les cheveux pour continuer dans le champ lexical capillaire ! Lily Melnik a toujours détesté Léonard Gray pour une raison que l'on apprendra à la fin, cependant elle patiente trente années et profite d'un épiphénomène pour tenter d'évincer le gardien d'immeuble ? Assez étrange … mais bon, faut bien qu'il y ait un film !
Pourtant, le début avec l'usage de la steadycam, paraissait prometteur et le réalisateur arrivait à nous mener en bateau avec son jeu de fausses pistes, mais disons qu'au bout de quarante-cinq minutes, nos espoirs retombent vite : l'histoire n'est qu'une succession de scènes sans intérêt, si bien que l'on commence à décrocher en se demandant où le cinéaste veut en venir, et la fin, pour ceux qui ont tenu jusque-là, nous fait définitivement sombrer dans un ennui et un sommeil profonds. Et c'est tant mieux ! Au moins ce film a une vertu non négligeable : il fait aussi office de somnifère !
Certes, le coup du complot venant de l'intérieur pour évincer Léonard et l'accumulation d'indices accusant celui-ci du meurtre de Bill Cherry, sont bien vus, mais c'est à peu près tout, le reste de l'intrigue est loin d'être révolutionnaire. Jericho Mansions ne vaut vraiment pas "Mes chers voisins", chef-d'œuvre d'humour noir d'Alex de la Iglesia, et encore moins "Le locataire" de Roman Polanski, pur bijou de film parano, tous deux axés sur un univers en huis clos tenant lieu et place principalement dans un immeuble.
En outre, Alberto Sciamma, déjà coupable de "Killer tongue", un piètre petit film d'horreur des années quatre-vingt-dix réalisé avec peu de moyens, cherche à se démarquer et à se mettre en avant par d'incessants flashbacks et d'effets optiques en tous genres, ce qui créé une surenchère visuelle complètement inutile car non maîtrisée et trop brouillonne. N'est pas Jean-Pierre Jeunet ou David Fincher qui veut !
Malgré cela, certains acteurs font ce qu'ils peuvent pour sauver du naufrage un film dont on ne sait où il veut en venir. Ainsi, le casting est de choix, avec James Caan ("Rollerball", "Misery") donnant à son personnage une fragilité émouvante, tout en restant mystérieux car on ignore tout de son passé. Effectivement, est-il vraiment dangereux ? Est-ce qu'un instinct de psychopathe schizophrène sommeille en lui ? Geneviève Bujold ("Obsession", "Faux semblants"), ajoute également un plus à la distribution, car elle est vraiment irréprochable en vieille acariâtre fielleuse, on croirait que le rôle a été taillé sur mesure pour elle, tellement elle est parfaite ! Enfin, Jennifer Tilly ("Bound", "La fiancée de Chucky") est idéale dans le rôle d'une masseuse professionnelle amenant un peu de tendresse et suscitant de l'émotion chez le concierge solitaire. Réconfort également apporté par une petite fille de l'immeuble, (avec qui Léonard peut jouer les papas, voire les papys gâteau), qui toutefois donne l'impression de lire ses dialogues sur un prompteur. Quant au reste des acteurs, n'en parlons pas. On a le sentiment qu'ils ne savent pas ce qu'ils font là, tellement ils sont transparents. Ils attendaient certainement leur chèque de fin de mois, est-on en droit de se demander !
Je ne vous parlerai même pas du score, tellement lancinant qu'il m'a plusieurs fois été très difficile de ne pas sombrer dans les bras de Morphée !
Je crois que vous l'aurez compris, je n'ai pas aimé ce film. Et pourtant je suis relativement bon public et mets rarement en-dessous de la moyenne. Même si j'ai essayé d'y trouver des qualités, trop de défauts, que ce soit au niveau du parti pris visuel choisi par le réalisateur ou bien au niveau du script, subsistent et font de ce métrage un échec. A part l'interprétation de certains acteurs et le début du film qui semblait parti sur de bonnes bases, il n'y a rien à sauver. Au final, on se retrouve devant un métrage bancal qui devrait peut-être trouver son public (on ne sait jamais !), mais qui semble bien trop inégal pour pouvoir séduire une large audience.