Locataire - le
Tenant - the
Petit employé sans histoire, Trelkovsky décroche la location d'un petit appartement à Paris, qui aurait appartenue à une certaine Simone Schoul, venant fraîchement de se défenestrer. En lui rendant visite à l'hôpital, il rencontre Stella, l'une de ses amies, et assiste à son douloureux dernier souffle. Dans son nouvel immeuble, le jeune homme se sent très vite agressé par ses voisins, voyant son équilibre mental décliner de jour en jour.
Dès 1965, Polanski débute sa trilogie des appartements maudits avec "Répulsion" où une jeune femme laissée seule dans son appartement, s'enfonçait progressivement dans les méandres de la folie.
En 1968, dans "Rosemary's Baby", une jeune femme enceinte voit le monde s'écrouler autour d'elle en découvrant que des présences néfastes guettent son enfant. Avec "Le Locataire", Polanski se met lui-même en scène, avec une folie grimpante renvoyant au premier volet de cette trilogie, et une capacité prodigieuse à provoquer un grand malaise avec trois fois rien.
Devant et derrière la caméra, tout comme dans "Le bal des vampires", Roman Polanski incarne le gentil Trelkovsky, petit employé polonais timide et discret, victime d'un complot cauchemardesque se refermant petit à petit sur lui : dans un sens, "Le procés" de Kafka n'est certainement pas loin…
Souvent gauche, silencieux, fragile, Trelkovsky évolue dans un monde qui l'oppresse sans cesse, l'écrase, même en dehors de l'appartement : ses amis bruyants et vulgaires ne semble n'avoir guère de points communs avec lui et les rares belles femmes qu'il rencontre lui font du rentre-dedans plus que direct (sans doute une mise en abîme de Polanski lui-même, qui rappelons a fréquenté Sharon Tate et se trimballe Emmanuelle Seigneur à présent !), renvoyant la balle au bond de manière maladroite.
Et ce ne sera donc pas ce nouvel appartement qui lui apportera un quelconque réconfort : toujours dans le même ton que ceux des deux précédents films de la Trilogie, celui-ci est petit, laid, cher, décrépi et, comble de l'horreur, ne possède pas de toilettes ! Il faudra également compter sur le fait que la précédente locataire s'est jetée par la fenêtre, ce qui fait d'ailleurs encore bien rigoler la concierge du bâtiment (Shelley Winters savoureusement antipathique) !
Le pire est cependant à venir, avec les plaintes incessantes des voisins, vieux bourgeois méprisants enfonçant Trelkovsky plus bas que terre.
La seule manière de se raccrocher un tant soi peu à la réalité reste la belle Stella (Isabelle Adjani, déjà aussi bien talentueuse que "out"), ancienne amie de l'ancienne locataire. L'appartement de celle-ci voire du meilleur ami de Trelkovsky, Stone, ainsi que celui de l'ami de Stella, offrent des contrastes évident avec l'appartement du jeune homme : spacieux, propres, lumineux et les voisins ne sont plus un problème, étant soit inexistants ou carrément malléables (petit apparition de Michel Blanc en pauvre bougre).
Evénements bizarres et mystères non résolues ne succèdent : certains habitants de l'immeuble se rendent dans les toilettes de l'immeuble et restent figés pendant des heures, Trelkovsky trouve une dent cachée dans un mur et se fait cambrioler, un prêtre lance un sermon putride dans une église gothique…et surtout les derniers instants de la suicidée, hurlant à la mort à la vue de ses visiteurs.
Trelkovsky sombre dans la paranoïa, se travestit, enfilant robe et perruque pour ressembler à Simone Choule, se laissant aller des heures durant à la folie furieuse dans son horrible appartement. Les rares excursions à l'extérieur virent à la catastrophe, celui-ci sentant la présence des habitants de l'immeuble partout où il va, ainsi frappé de crises de plus en violentes.
Il y a quelque chose de terriblement malsain, mais aussi d'incroyablement drôle dans ces scènes là (la scène du premier travestissement), et un sens du grotesque typiquement Toporien (la vision surréaliste de cette tête ballon, ou le rapport à la merde, avec cette fenêtre donnant sur les toilettes ou cette pauvre voisine usant de sa colique à des fins revanchardes).
Parfaite utilisation de la Louma (l'intro, glaçante et somptueuse, ou la vision de cet "opéra sadique" acclamant Trelkovsky) , musique froide et mélancolique de Philippe Sade (simple et lancinante, mais terriblement efficace, et en totale harmonie avec l'atmosphère mortifère de l'immeuble) et une conclusion terrifiante suffisent à achever son statut de classique.
* Paramount a sortit le film en DVD zone 1 depuis quelque temps avec la v.f bien sûr mais aucun bonus.