Looper

Looper

2044, Joe est un « looper », un tueur à gages tuant des cibles expédiées du futur par une organisation criminelle se débarrassant des individus gênants en les envoyant cagoulés et attachés dans le passé pour que ces derniers soient exécutés et qu'il ne reste aucune trace de leur corps, retrouvés aisément par la police du futur. C’est bon vous arrivez à suivre ? Ok donc voici la suite : un jour, Joe reconnaît en une des victimes envoyées, son propre double, mais en plus âgé. Perturbé par ce « miroir vieillissant », il laisse malencontreusement son duplicata de demain s’échapper dans le présent. Est-ce que cela restera sans conséquences dans le présent ? Ou bien est-ce que comme Doc l’aurait dit à Marty McFly dans "Retour vers le futur", cela ne va-t-il pas créer un paradoxe temporel irréversible ?

LOOPER | LOOPER | 2012

Looper est loupé. Certes, le jeu de mot est facile et a sûrement été fait un nombre de fois incalculable, mais c'est hélas la triste réalité. Pourquoi donc ? Le pitch que tenait Rian Johnson était cependant prometteur. Le début pourtant alléchant, nous fait ainsi découvrir les « looper », des tueurs sans scrupules exécutant des personnes envoyées du futur par une organisation mafieuse secrète et condamnés à se tuer eux-mêmes à la fin de leur carrière. Le présent (en fait le futur des années 2040) qui nous est montré est sombre, les voitures ont encore des roues mais les motos peuvent voler, certaines personnes développent des dons de télékinésie comme faire flotter dans l’air une pièce de monnaie. Là on rencontre Joe, un « looper » ayant laissé échapper son double du futur. Le portrait des deux hommes qui ne sont en fait que la même personne nous est alors brossé en quelques images mais c’est assez bien fait. Ainsi, on s’attache au jeune Joe, personnage solitaire au possible attendant on ne sait quoi et au vieux Joe, individu aux objectifs mystérieux de prime abord. Au-dessus d’eux, planent l'ombre du chef des mafieux local incarné par Jeff Daniels et à un cran supérieur, celle d'un caïd du futur tirant toutes les ficelles, le mystérieux Maître des pluies…
Malheureusement, il vient se produire on ne sait trop pourquoi une cassure dans la narration du film. Au beau milieu de celui-ci, le réalisateur change en effet de style (on passe de la science-fiction au drame intimiste) et opte pour une réalisation plus pépère. Notre jeune Joe évolue désormais dans une ferme où il a trouvé refuge car il est poursuivi par ses pairs puisqu’il n’a pas bouclé la boucle (« loop » en anglais), autrement dit il n’a pas tué sa version âgée. Là, il se retrouve perdu au fin fond de la campagne et ses abondants champs de maïs en compagnie d’une charmante fermière (la splendide Emily Blunt) et de son fils, un petit garçon étrange avec lesquels il cohabite. Vous l’aurez compris aisément, ce revirement scénaristique va ralentir complètement le rythme du métrage de façon insupportable, même si ça reprendra de plus belle à la fin. Ce qui va finir par nous désintéresser totalement du film. En effet, le personnage de Bruce Willis devient secondaire, tout comme les mafieux du présent et le fameux Maître des pluies dont on n’apprendra quasi rien au final, enfin du moins pas assez ou bien de manière trop allusive. Bref, un beau gâchis et je ne vous parle même pas du twist final qu’on avait vu venir !

Autre élément pouvant être gênant : les trous dans l’intrigue forcément inhérents aux films relatifs aux voyages spatio-temporels. Mais ici c’est à un point tel que le script lui-même semble concéder leur présence ! A un moment donné du métrage, lorsque Joe se retrouve en face-à-face avec lui-même dans une cafétéria, le vieux Joe dira même qu’ils pourraient tous deux discuter jusqu’à en perdre haleine des subtilités de sa présence ici mais que là n’est pas la question, autrement dit ce n’est pas pertinent pour la compréhension du long-métrage ! Ainsi, ça tire à tout va et dans tous les coins, c’est parfois violent et gore (effusions de sang nombreuses, concassage de main au marteau…) tout ça sous fortes influences de "Brazil", "Blade Runner", "Matrix", "Terminator", bref un creuset de références… pour dissimuler le manque de fond ? On peut fortement le penser, surtout si on a pu lire l’interview du réalisateur (un illustre inconnu qui a connu son heure de gloire en 2005 au festival de Sundance) qui, lorsqu’on lui demande des explications quant à certains points de son film, reste évasif ou bien encore très réducteur…
On pourrait également reprocher au film d’exposer un aspect visuel peu innovant pour un polar d'anticipation. Ainsi, de nombreux éléments vestimentaires (notamment les grands manteaux noirs style redingotes antiques) et d’armement (gros colts, fusils à canons sciés et autres gros tromblons) rappellent les bons vieux westerns de papy. Un choix du scénariste ? Assurément, mais en tout cas, un choix relevant plus de la nonchalance que de l'inventivité artistique. Sans compter que la machine à remonter le temps ressemble plus à une vieille machine à laver qu’à un portail temporel digne de ce nom !

Côté casting, tous les acteurs sont assez bons, du moins les têtes d’affiche, et remplissent bien leur rôle, dans la mesure où ils en ont un de conséquent. On rencontre ainsi pêle-mêle : une ravissante créature, Emily Blunt (vue dans "Wolfman", "L’agence"), une star montante, Paul Dano (présent dans "Cowboys et envahisseurs"), un has been sur le retour, Jeff Daniels (entraperçu dans "Arachnophobie", "Pleasantville"), une autre belle plante à qui l’on demande de ne pas trop parler, Piper Perabo (aperçue dans "La crypte", "Le prestige", "Infectés"). Les rôles principaux sont, quant à eux, dévolus au jeune acteur du moment et au vieux briscard, j’ai nommé Joseph Gordon-Levitt ("Halloween, 20 ans après","G.I. Joe : Le réveil du Cobra","Inception" et le récent "The dark knight rises") et Bruce Willis ("L’armée des 12 singes", "Le cinquième élément", "Sixième sens" ou encore "Clones"), qu’on ne présente plus. Seul bémol pour ma part : le maquillage de Joseph Gordon-Levitt. Pourquoi diable vouloir le faire ressembler à Bruce Willis à tout prix ? Il est pourtant évident qu’ils n'ont clairement pas les mêmes expressions faciales et encore moins le même visage au niveau des contours ! Le nez et la petite cicatrice sous la lèvre sont très bien reproduits certes, mais... pour le reste c’est la catastrophe ! Le pauvre Joseph se retrouve noyé sous une énorme couche de fond de teint et arbore des lentilles de contact d’un vert clair lui donnant, sur certains plans, des allures d’extraterrestre benêt !

Film très inégal alternant un début et une fin rythmés avec un gros passage à vide au milieu, Looper en recherchant l'efficacité d'une série B par les thèmes et genres qu’il brasse, est un petit film qui peut intriguer, certes, mais qui ressemble plus à un objet bricolé qu’à un long-métrage de science-fiction intelligent qu’il prétendait pourtant être. Rian Johnson, à la fois scénariste et réalisateur, hésite trop entre les chronologies parallèles et les boucles dans le temps et laisse le spectateur plutôt confus, au lieu de l'amener à réfléchir quant au message du film, encore faut-il qu’il y en ait un, ce dont l’on doute profondément !

LOOPER | LOOPER | 2012
LOOPER | LOOPER | 2012
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Note
2
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Vincent Duménil