Lovely bones - the
Lovely bones - the
Susie Salmon, 14 ans, vient d’être assassinée. Mais son âme est pour le moment coincée entre les "deux mondes". Chaque jour, elle observe sa famille anéantie par sa disparition, et son tueur, qui n’en est pas à sa première victime, et dont les pulsions meurtrières vont bientôt le pousser à recommencer…
Peter Jackson. Un réalisateur devenu culte dès son premier film, "Bad Taste". Une œuvre gore décomplexée qui fut suivi par un film encore plus déjanté, "Les Feebles", qui revisitait le monde du Muppet Show version trash. En 1992, c’est l’apothéose avec "Braindead", qui pulvérise le record du nombre de litres de sang répandus dans un film. On attendait Peter Jackson au tournant et on se demandait quelles nouvelles horreurs visuelles allait-il bien pouvoir présenter aux spectateurs. Malin, le réalisateur Néozélandais prend tout le monde à contre-pied et nous assène en 94 une œuvre splendide avec "Créatures Célestes", drame sordide où le fantastique n’est pas absent. Jackson prouve au monde entier qu’il est à l’aise dans tous les domaines et pas seulement dans le cinéma gore ou trash. Il revient plus en forme que jamais en 96 avec le délirant "Fantômes contre Fantômes" avant d’entreprendre une aventure titanesque, l’adaptation en trois films du roman Le Seigneur des Anneaux de Tolkien. Trois films, trois succès mondiaux. Deux ans plus tard, il rend hommage au plus grand singe de l’histoire du cinéma en proposant sa propre version de "King Kong (2005)". Nouveau succès pour un homme qui n’a jamais changé de ligne de conduite, qui ne s’est jamais rien laissé imposer par les studios hollywoodiens. On pouvait s’attendre à un autre film d’une ampleur gigantesque ensuite. Nouveau contre-pied. The Lovely Bones, adaptation du roman d’Alice Sebold La Nostalgie de l’Ange, n’a rien d’une superproduction tonitruante. C’est même tout le contraire. Une adaptation dont l’idée trotte dans l’esprit de Peter Jackson depuis "Le seigneur des anneaux : les deux tours". C’est à cette époque que sa femme Fran Walsh lui conseille de lire le roman d’Alice Shebold. Un souci de planning avec la romancière avait mis ce projet dans un tiroir. Mais après son "King Kong (2005)", le projet est réapparu. Et cette fois-ci, il s’est concrétisé. Tant mieux pour nous, le résultat est tout bonnement magnifique. Amateur d’émotions, de poésie, de lyrisme, de suspense aussi, bienvenue dans le monde de Susie Salmon, 14 ans, assassinée le 6 décembre 1973.
De l’aveu même de Peter Jackson, aucune adaptation cinématographique d’un livre ne doit être sa copie carbone. Le film doit bien sûr ressembler au livre mais il doit aussi avoir sa propre existence, sa propre version. (cf Mad Movies 226). The Lovely Bones est donc la version de La nostalgie de l’ange par Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens. Exit certains personnages, certaines situations, certains détails sordides concernant la mort de Susie. Mais que les fans du livre d’Alice Sebold se rassurent, la substantifique moelle est bien présente et ce qui faisait la force du roman aussi. A commencer par la voix off de Susie, nous racontant son histoire, ses pensées, ses regrets.
Notre jeune Susie est incarnée avec un brio magistral par Saoirse Ronan, découverte dans "Reviens-moi" de Joe Wright. Saoirse nous livre tour à tour un maelstrom d’émotions, passant de la joie à la peur, de la tristesse au doute, du désespoir à la colère. Impossible de résister à son charme et à son jeu d’actrice. La séquence où Ray, le garçon pour qui elle craque, vient lui parler et l’inviter à sortir avec lui renvoie aux oubliettes la bluette pseudo gothique de "Twilight". Là, on ressent de vraies émotions, on vit avec le personnage ses premiers émois amoureux. Idem avec cette terrible séquence où le tueur invite Susie à venir voir ce qu’il a construit dans un champ de maïs. Sans artifice, sans mise en scène grand guignolesque, sans rien montrer d’ailleurs, Peter Jackson réalise sûrement la plus tétanisante séquence mettant en relation une adolescente et un tueur pédophile à l’écran. Une scène que toutes les mères et les pères auront du mal à oublier, alors qu’aucune violence n’apparaît à l’écran. On ne saura d’ailleurs jamais ce qui est réellement arrivé à Susie. Pourquoi montrer des images, on se doute tous du sort tragique qu’elle a dû subir, sort largement détaillé dans le roman d’Alice Sebold. Cette absence d’images violentes rend plus dur encore le calvaire de Susie et lorsque vers la fin du film, une séquence nous montre le tueur pousser un lourd coffre-fort vers une décharge pour s’en débarrasser, coffre cercueil dont on sait qu’il contient le cadavre de la pauvre jeune fille, toutes sortes d’images nous envahissent, notre imagination fait le travail en s’imaginant les pires sévices et chaque rebond du coffre sur le sol nous remplit de haine envers le tueur et d’amour et de compassion envers Susie.
Haine et Amour. Deux sentiments auxquels seront confrontés les personnages de The Lovely Bones. A commencer par les parents de Susie, et plus particulièrement son père. Son désespoir est si profond, son amour envers Susie si grand, que sa soif de vérité pour savoir ce qui est arrivé à sa fille ne lui laissera aucun répit, là où sa femme tente péniblement de faire son deuil, là où la police a arrêté l’enquête. On dit qu’un ange ne continue à vivre que si on pense à lui. Le père de Susie, contrairement aux autres membres de sa famille, qui tentent d’oublier ce drame et cette disparition et de se reconstruire, ne veut pas oublier. Tout comme Lindsay, la sœur cadette de Susie, qui, plus d’un an après la disparition de sa sœur, se mettra à avoir des doutes sur le monsieur qui vit tout seul dans la grande maison verte. L’âme de Susie, qui observe jour après jour sa famille, son amoureux qu’elle n’aura jamais embrassée, et son tueur qui continue à vivre paisiblement, préparant en toute impunité son prochain méfait, joue-t-elle vraiment un rôle dans le fait que son père continue d’enquêter sur sa mort ou que sa sœur se mette à avoir des soupçons sur son tueur ? Ce n’est pas clairement indiqué dans le film. Car The Lovely Bones n’est absolument pas un film avec un fantôme qui vient donner des indices à sa famille afin de retrouver son meurtrier. Seul l’amour et les émotions se "transmettent" entre le petit ange bloqué dans l’entre deux-mondes et les autres personnages vivant sur Terre, mais tout est fait avec une telle subtilité que ces séquences n’ont rien de réellement fantastiques et paraissent crédibles.
Le fantastique est néanmoins présent dans le film. Principalement lorsqu’on suit Susie dans "son monde parfait". Ce monde, ce n’est pas encore le Paradis, comme lui explique une jeune fille rencontrée dans ces décors ultra colorés, quasiment surréalistes, que Dali n’aurait pas reniés. C’est juste le monde des souvenirs de Susie, où des objets tels un phare, un kiosque à musique et une bien étrange demeure avec une porte qui s’ouvre telle une bouche menaçante sont autant d’éléments métaphoriques qui prennent une vraie dimension quand on comprend ce qu’ils représentent pour Susie.
Outre une splendide histoire mêlant romantisme, lyrisme et amour, The Lovely Bones se révèle aussi être un thriller le temps de quelques séquences. L’acteur jouant le rôle du meurtrier de Susie est tout bonnement prodigieux et son apparente "normalité" est glaciale. Peter Jackson sait également jouer avec nos nerfs lors d’une séquence oppressante où Lindsay se rend dans la maison de ce dernier en entrant par effraction. Bien sûr, le tueur va revenir chez lui alors que l’adolescente est encore présente. Une séquence d’une haute teneur en stress, où l’absence de bruit, de musique, de sonorité, en fait toute la saveur.
Au final, The Lovely Bones atteint parfaitement son but et emmène le spectateur dans un univers où l’ombre et la lumière cohabitent de manière parfaite. Peter Jackson fait de cette belle et tragique histoire un quasi chef-d’œuvre cinématographique (j’ai eu un peu de mal avec les scènes mettant en avant Susan Sarandon, qui casse trop l’ambiance savamment distillée), où un flot d’émotions diverses vous envahira. Un film poétique et macabre, raconté de manière fort simple mais très efficace (la rencontre du Susie et du tueur, qui se passe en même temps que le diner familial, contraste parfait entre un moment de calme et un moment d'horreur) qui touche directement au cœur. Une nouvelle réussite totale pour Peter Jackson.
Ce n'est pas un film à regarder pour se détendre. J'ai été assez choqué par cette histoire de pédophile meurtrier qui m'a bien plombé le moral...
- Se connecter pour poster des commentaires
Permalien