ROMERO  George

Interview George Romero

*[H.com] J’ai noté certaines références dans le film. Ou plutôt, pouvez vous me confirmer qu’il s’agit bien là de références ? Tout d’abord le personnage de Big Daddy le chef des Zombies. Celui-ci porte exactement le même nom que le personnage de "GHOSTS OF MARS" de John Carpenter. J’imagine qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence, ou peut-être que si?

D’une certaine façon, si ! En effet je m’en suis souvenu après avoir écrit le premier jet du script, mais la référence provient plus de "La Chatte sur un toit brûlant" [Rires]… et, euh… j’aimais tout simplement ce nom pour le personnage vous savez. Plus tard, une fois que je m’en suis souvenu, j’ai réalisé, "Ooooops ! Je dois parler à John" ; mais John l’a vu et il n’y a pas fait référence. Ainsi j’ai travaillé avec John pendant un bout de temps, il voulait produire ce film et il voulait en faire la musique, mais le studio l’a refusé… Cela aurait été bien pourtant…
Ce n’était donc pas intentionnel au départ, non. Ce que j’ai fait, fut d’inverser les allégeances que j’avais mises en place dans les trois premiers films : des afro-américain dirigeaient les humains, j’ai donc retourné la situation. En outre, je pense que les zombies deviennent plus humains alors que les humains deviennent moins humains [rire timide].

*[CAC] Big Daddy dirige les morts-vivants comme Ben dirige les survivants dans "La nuit des morts vivants". Sont-ils alter egos?

Sont-ils ?!... Pardon ?
[L’interviewer de Commeaucinéma me lance un regard plein de détresse... J’essaie d’expliquer et de traduire tant bien que mal "alter ego" en anglais…]

*[H.com] Il veut dire: est-il son côté mauvais?

Big Daddy?

Oui

Hmm... Non, pas le côté sombre... J’essaie d’indiquer que… [nous hochons de la tête]. L’autre face ! [il rit]. Comme je l’ai dit, j’essaie d’inverser les rôles. Le topo est le suivant : "Attendez une minute, ces mecs sont en train de devenir plus héroïques que les humains!"

*Pourquoi la même fin ne leur est-elle pas réservée ?

J’ai décidé de... Durant ‘’Dawn of the Dead’’, l’idée me vint que je pourrais changer le ton de ces films. Au départ, lorsque j’ai débuté la création de ‘’Zombie’’, j’envisageais le film plus comme une séquelle et je désirais conserver le même ton… Cependant j’ai réalisé, "une seconde, ça ne va pas!". C’est quand j’ai commencé ‘’Dawn of the dead’’ que je me suis dit "Bon, j’ai là un support et je devrais changer légèrement le style"; le style du film et le ton, afin de mieux refléter l’époque à laquelle le film fut fait.

Ce que je ne voulais pas faire était de restaurer l’ordre, mais j’ai décidé que pour ce faire, je n’avais pas besoin de tuer tous les protagonistes. […] Je peux garder deux ou trois survivants, et l’ordre n’a pas à être restauré. C’est ce que j’ai découvert, et de fait dans les trois derniers films, il y a des survivants… C’est ainsi. J’ai fait en sorte que les principaux personnages ne meurent pas dans les trois derniers.
Le premier était seulement sombre, et j’ai pensé que c’était ainsi que cela devait être fait, avec cette fin ironique. Je pense que le film a eu un impact très fort du fait que le héro était noir… ce qui était parfaitement accidentel, Duane était tout simplement le meilleur acteur d’entre nous.
Bien sûr à l’époque il y avait de très fortes tensions raciales, quand nous avons fini le film, c'était à Pittsburg car des villes de la taille de Pittsburg avaient alors des laboratoires de développement puisque les informations étaient sur bobines. C’était avant la vidéo. Et… euh… nous avons fini le métrage et l’avons jeté dans une voiture pour conduire en direction de New York. Cette nuit là, Martin Luther King fut abattu. C’était donc une sorte de reflet du temps d’alors. Ce que je veux dire par là c'est que nous n’avions pas prévu cet évènement, quand Duane joua ce rôle, nous avons juste décidé que nous ne changerions pas le script.
Ainsi, d’une certaine manière ce fut accidentel, rien d’intentionnel, nous n’avions pas désigné un Noir délibérément, je n’ai pas écrit le script avec comme acteur principal un afro-américain… Seulement, nous avions décidé de ne pas changer le script quand Duane prit le premier rôle.

*[Allo] J'ai remarqué que les effets spéciaux diffèrent vraiment des précédents, je pense plus particulièrement au sang qui nous avait été desservi par Tom Savini et qui avait contribué au succès du film. Pourquoi donc avoir changer cela pour un sang plus réaliste ?

Encore une fois, nous pensions que... qu’il fallait d’attribuer au film un style plus contemporain. J’ai juste pensé qu’il était plus approprié de le faire un peu plus gris, d’essayer de le faire un peu plus réaliste.
Greg est un mec plutôt talentueux, cependant il n’est pas autant pour les effets spéciaux que pour les maquillages des principaux zombies. En effet, ils sont les personnages principaux, ce sont de vrais acteurs dans ce film, en outre il y a un tas de gros plans. Lorsqu’ils devaient préparer ces mecs, c’était 5 heures par jour pour qu’ils soient prêts à passer devant la caméra. Je pense donc que le job que Greg fit le mieux fut les maquillages. Il n’y a pas grand-chose à faire avec les effets spéciaux, vous devez passer par les mêmes intestins. […] Ouais, on a décidé d’opter pour une esthétique plus avide, plus sombre, pour un rendu plus réaliste.

*[DVDR] Chaque fois que vous filmez quelqu’un se faire mordre par un zombie, vous choisissez un nouvel angle de vue, une nouvelle façon de tuer la victime…

J’essaie seulement de ne pas me répéter encore et encore... Cependant certains de ces plans étaient dus au MPAA [ndr : comité responsable de l’évaluation de l’âge limite pour les films] : je devais rendre un métrage évalué R [ndlr : interdit aux moins de 17 ans]. J’ai donc essayé quelques trucs que le MPAA laisserait tranquille, j’ai utilisé de la fumée, de l’ombrage, [la scène du piercing au nombril] et des trucs dans le genre pour lesquels le MPAA ne s’offusquerait pas. Ensuite, j’ai filmé des zombies déambulant, sur fond vert afin de pouvoir les incruster par-dessus d’autres plans. Ainsi quand une scène est gore, un zombie passe au premier plan, cela adoucit un peu. Vous savez, le truc c’est que le MPAA est si politique qu’ils ne vous diront jamais de couper quelque chose car ils deviendraient alors des censeurs. Il disent "Bien, raccourcissez le de 17 images environ", de façon arbitraire.
Ainsi, au lieu de le raccourcir, j’ai fait passer ces silhouettes devant. C’est le truc que Kubrick a utilisé pour ‘’Eyes Wide Shut’’, mais c’était surtout une façon de contourner le MPAA.

*[DVDR] Vous avez fait un volet de cette saga des morts-vivants tous les dix ans. Pourtant, il n’y en a pas eu dans les années 90…

Non, j’ai raté le coche… Je voulais le faire, en fait entre ‘’Le jour des morts-vivants’’ et ce film, j’ai tourné trois métrages : ‘’Incidents de parcours’’, ‘’La part des ténèbres’’ pour Orion et puis j’ai rencontré mon partenaire et nous avons fondé une compagnie, mon nouveau partenaire Peter – enfin plus si nouveau que ça – et nous avons eu pieds et poings liés pour des années, 2 ans à New Line, 1 an et demi à MGM, puis à Fox avec un projet qui était de la tuerie… Ensuite j’ai travaillé sur ‘’La momie’’, sur ‘’Resident Evil’’, sur ‘’Gosse Bumps’’… tous ces projets qui ne devinrent jamais des films… Cela a eu pour seul effet de me frustrer, j’ai donc fui Hollywood, et j’ai atterri ici, à Canal + pour financer un petit métrage que personne n’a vu, appelé ‘’Bruiser’’. J’aime ce film, mais c’était surtout mon "échappée de Los Angeles" pour citer John [Carpenter – traduction littérale du titre original d’ ‘’Invasion Los Angeles’’ ; ndlr]. J’ai donc raté les années 90 car dès que j’avais fini "Bruiser", après toute la promotion, c’était déjà l’an 2000.
J’ai commencé l’écriture... En fait j’avais alors écrit une version du script. Elle était différente, elle traitait plus de la disparition de la classe moyenne, de comment certains problèmes sont ignorés ; les thèmes centraux s’intéressaient majoritairement à la séparation des classes, l’indifférence au SIDA, à la faim, a la paupérisation… C’est ce qu’il arrivait alors, tout au moins, c’est ce qu’il me semblait.

J’ai envoyé mon script littéralement juste avant le 11 septembre, tout le monde voulait des métrages sympathiques, personne ne voulait y toucher, je l’ai donc mis de côté pour quelques années de plus. Je l’ai ressorti, puis je l’ai modifié afin de refléter cette nouvelle normalité américaine, ce 11 septembre, l’idée d’être protégé par l’eau… Une partie de l’imagerie du premier script est demeurée, mais elle a acquis une signification différente maintenant. Vous savez, l’idée d’un véhicule armé qui arpente un petit village en déchiquetant tous ses habitant a une signification différente maintenant que nous avons vu les vidéos de CNN : tous ces tanks en Iraq… une partie de cette imagerie s’est tout simplement mise en place d’elle-même. Cependant on a effectivement retravaillé certaines des références pour qu’elle aillent droit au but de façon plus directe.
La réplique de Dennis [Hopper] "Nous ne négocions pas…" – qui est peut-être un petit peu trop directe - nous avons fait des tours plus grandes, nous en avons rajouté pour rappeler plus encore le 11 septembre… Ce n’est pas tant à propos des problèmes internes, il y a peut-être un peu de cette révolution interne, juste ces scènes avec Mulligan. J’ai légèrement déplacé le centre d’intérêt.

*[H.com] Vous parlez de révolution... Tous vos films sont de très fortes critiques sociales. Est-ce un appel au soulèvement, à un réveil?

Je ne crois pas appeler à… Vous savez, ma façon de penser… Ces films de zombies sont une sorte de support qui m’appartient, une façon pour moi de montrer mes opinions, de quel côté je me situe. Je ne suis pas Michael Moore vous savez, j’envisage mes films plus comme des chroniques, une sorte de journal intime.
C’est une impression étrange car dans cette histoire, c’est la première fois que j’utilise des repères temporels puisque John fait état de 3 années. Tout le truc se déroule en trois ans, mais les métrages remontent jusqu’à 68. C’est la même histoire mais à des époques différentes, avec des castings différents. Il n’y a pas d’arrêt sur une période particulière, ce ne sont pas les mêmes voitures, tout ne se déroule pas au cours des années 60… C’est donc une curiosité pour moi.
Je suis vraiment intéressé par l’idée que cela devienne une fresque. Peut-être chaque film reflète-t-il un peu de l’époque où il a été tourné, et esthétiquement ils représentent ce à quoi les films ressemblaient alors. J’ai l’impression de pouvoir faire cela. C’est plutôt sympathique, je peux revenir encore et encore à la même mythologie et l’utiliser pour formuler mes observations… Il y a en fait plus de réflexions que de critiques bien qu’il me soit possible de montrer mes sympathies politiques… mais je n’appelle pas à la révolution. J’essaie juste de dire "la situation me semble être ainsi maintenant".

*[CAC] Pouvons-nous dire que LOTD est le chaînon manquant entre la trilogie originelle et cette nouvelle génération de films comme… ‘’L’Armée des morts’’(Dawn remake), ‘’Shaun of the dead’’...

Oui, car les zombies deviennent conscients de leur état. Dans les films de la nouvelle génération, les zombies sont de bons coureurs. Les miens ne courront jamais, je crois que leurs chevilles pèteraient ! Ma blague est que mes zombies prendraient possession d’un biblio bus avant d’aller en boîte. Je préfère vraiment qu’ils se développent intellectuellement ou socialement. Je pense qu’ils s’humanisent, alors que les humains empruntent le chemin inverse, ils deviennent moins humains, plus cruels…
Donc, comme lien, non… Je ne sais pas. Tout le monde parle de la trilogie comme d’une oeuvre distincte de ‘’Le territoire des morts’’, mais je ne vois pas les choses de cette façon. Je crois que le fait que j’ai raté une décennie les a amené a penser que "c’est bon, maintenant il passe à quelque chose d’autre". Je n’envisage vraiment pas les choses comme ça, je ne fais que continuer en quelque sorte. Big Daddy reprend les choses où Bub les avaient laissées dans ‘’Le jour des morts-vivants’’. Bub avait la même haine, la même rage, la même émotion quand le scientifique était tué, et, au début du métrage c’est là où Big Daddy commence. Ainsi je pense plus à une continuation qu’à un lien. Je ne cherche aucunement à créer des émules. Je savais qu’ils existaient, je savais qu’ils rencontraient un succès massif… Le remake de "Dawn of the dead" a eu plus de succès au Etats-Unis, que ce film n’en a eu. En fait le film est entré en salle juste au mauvais moment, la guerre nous a rendu tout simplement invisibles.
Tout ce que j’essaie de faire, c’est de coller à mes projets, qui sont de continuer l’histoire en essayant de changer légèrement le style, de lui donner un aspect plus contemporain… Mais de toutes les façons, je continue avec la même mythologie.

*[Allo] J’ai remarqué un grand changement, pour la première fois, le casting comprend des acteurs connus...

Je pense que lorsque les acteurs sont inconnus du public, leur destin est moins prévisible et cela, je l’ai toujours apprécié.
Toutefois, ‘’Le territoire des morts’’ a requis plus de fonds ; dès lors que vous dépassez une production de 8 ou 10 millions, vous vous devez d’avoir une tête d’affiche connue. J’ai été chanceux, personne ne m’a imposé une tête d'affiche, tous ceux qui participaient au film souhaitaient être là, nous avons eu un grand débat à ce propos. Dennis est un ami du producteur Mark Canton. Je ne l’avais jamais rencontré avant, mais quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, il a beaucoup aimé le script, bien que ses idées penchent largement vers la droite.
Nos idées sont très différentes mais nous savions exactement ce dont il retournait. Il m’a dit dès notre première rencontre :
"Quand les gens m’engagent pour jouer un vilain, il veulent que je sois fou. Je ne peux pas jouer ce gars là comme cela, je vais le faire comme Rumsfeld ou Cheney.".
"C’est exactement ainsi qu’il doit être joué" ai-je répondu ; il a donc eu le rôle et le voulait.
Quant à John, je disais dès le début "Si nous pouvions avoir quelqu’un comme John Leguizamo." Mark Canton a donc appelé l’agent de John et il s’est avéré que John était un fan, il avait vu les autres films et voulait jouer dans celui-là. J’ai donc été chanceux avec ceux-là !
Simon, lui, avait tourné dans une série télé qui se déroulait à Pittsburg (The Guardian), nous nous connaissions donc depuis.
Je connais Asia depuis qu’elle est toute petite grâce à Dario et j’avais travaillé avec Robert Joy sur "La part des ténèbres".
C’était donc une ambiance très amicale, je ne me sentais pas oppressé par un casting hollywoodien. C’était génial, et tout le monde a été très coopératif. L’équipe était incroyable! Je voulais tourner à Pittsburg mais cela aurait été impossible financièrement… C’était un film très dur à tourner, car c’était l’hiver; en plein octobre à Toronto, on gelait littéralement. Pourtant tout le monde était là, toujours très coopératif, sans jamais poser de problème.

*[DVDR] Pour la première fois, il semble que la fin soit positive. Les humains s’en vont d’un côté et les zombies de l’autre… Est-ce la fin de la saga ?

J’espère bien que non, cela dépend de combien de temps je vivrai.
Je pense que le problème, dans la vie, et dans mon histoire, est que pour finir avec une lueur d’espoir il faut arriver à une sorte d’équilibre, une entente mutuelle : "Vous arrêtez de nous manger et nous arrêterons de vous massacrer."
Il est peu probable que cela arrive un jour, il y a toujours ce problème de compréhension tribale. La majorité des Américains, particulièrement dans le sud, ont voté Bush et pour eux, les Musulmans sont les ennemis. Les Musulmans sont les zombies pour ces gens, et il n’y a pas d’initiative, pas de tentative de comprendre le noyau du problème et c’est ce dont traitent mes films.
Cependant, je sais que si jamais je voulais mettre un point final à cette saga, un équilibre devrait être atteint. Je ne veux pas faire cela car je n’aime pas l’idée d’avoir à restaurer l’ordre. A mon sens, c’est le plus gros problème des films d’horreur : vous chamboulez le monde entier pour finalement le remettre en ordre, ça n’a pas de sens! J’espère que je n’aurai pas à faire cela, mais à cause de mon age, peut-être est-ce le dernier. C’est pour cela que, à la fin, j’ai souhaité montrer que le chaos demeure, que l’ordre n’est pas restauré. Mais ce mec [John] est suffisamment sensible pour laisser les zombies tranquilles.

*Peut-être que dans le prochain film, quelques zombies seront enfermés dans une maison assiégée par des humains…

J’ai volé l’idée originale à Richard Matheson, l'auteur de ‘’Je suis une légende’’. Le livre traitait d’une révolution, pourtant il débutait avec un homme seul sur terre, et le monde entier était devenu zombie… Vampire je veux dire.
Peut-être devrais-je revenir aux écrits de Richard. Toutefois, je ne pense pas pouvoir aller aussi loin. J’ai une idée pour un autre film, mais j’aimerais ne pas avoir à le faire avant qu’il n’y ait autre chose à dire. J’aime l’idée que [les volets de ma saga] soient si éloignés dans le temps, mais je ne sais pas si dans dix ans je serais capable de le faire. Peut-être cela ne prendra pas dix ans, peut-être qu’une nouvelle équipe reprendra le flambeau et délivrera un script la semaine prochaine [rires].

*[H.com] S’il nous faut attendre encore dix ans avant le prochain volet, allez-vous finir ‘’Diamond Dead’’ entre temps?

J’adorerai pouvoir faire ce film mais je crois que c’est peine perdue. Je ne sais pas pourquoi, il n’a tout simplement jamais été soutenu. Ridley Scott voulait le produire, et nous avons travaillé avec lui, mais personne n’a saisi, les studios n’ont rien pigé, ils répétaient : "Qu’est ce que c’est que cette merde ?!". Il y a eu quelques titres au fil des ans qu’ils continuent de montrer du doigt car ce furent des échecs. "Regardez comme "Phantom of the Paradise" s’est rétamé au box office, votre film n’est donc pas sérieux…
- Mais, merde, c’était il y a 20, 25 voire 30 ans !"

*[H.com] Trey Parker a bien réussi à faire une comédie musicale avec des cannibales [‘’Cannibal the musical’’] pourquoi ne réussiriez-vous pas avec des zombies ?

Peut-être... J’adorerais le faire, j’ai beaucoup aimé le script, personne ne l’a compris, mais il est toujours là, peut-être qu’il y a un moyen de le remettre sur les rails. En fait je commençais à en parler avec Asia, elle allait avoir le rôle titre. Lorsque Scott s’est engagé dans l’affaire, il a semblé que le film allait être financé. Tout était déjà prêt, les costumes avaient été dessinés, la musique enregistrée par Richard Harvey… Mais personne n’a saisi le truc, pour eux c’était ‘’Qu’est-ce que c’est que cette merde ?!’’ Pourtant, j’aimerais vraiment le faire, c’est une sacrée rigolade, c’est un projet génial.

*[CAC]Greg Nicotero est le réalisateur de la seconde équipe, quelles séquences a-t-il filmé?

Majoritairement le gore, les bouches arrachées, les gens attaqués... La seconde équipe des séquences d’actions était dirigée par le chorégraphe des cascades Matt Furman. En fait, nous n’avions pas vraiment d’équipe secondaire, nous avions 42 jours pour tourner et pas beaucoup d’argent. Le film a coûté au final quelques 18 millions de dollars alors que ‘’L’armée des morts’’ en a coûté 33 ou 34! De plus ils ont disposé de 35 jours de tournage réservés à la seconde équipe; nous, nous devions prendre notre deuxième caméra pour pouvoir tourner en même temps, avec le même éclairage, le même matériel, et tout… Ce n’était donc pas une riche production, c’était plutôt du tournage à la barbare.
Donc, Greg et Matt se sont partagés ces responsabilités. Nous ne pouvions tout simplement pas tourner certaines scène avec l’équipe principale, moi je tournais les scènes avec les acteurs, et pendant ce temps Greg tournait ces scènes où Riley s’en va avec Manolete et ils voient des zombies sous les caisses, les mains et les bouches… Plus les séquences d’action, les explosions, les zombies qui envahissent les allées du ghetto, car je n’avais pas de temps pour les tourner.
Nous avons fait des story-boards, et tout le monde se trouvait sur la même page !

*[Allo] Etait-ce une façon de lui autoriser le tournage d’un remake de ‘’Le jour des morts-vivants’’ comme avec Tom Savini dans les années 90 ?

Pas du tout, c’est un cas complètement différent! Quand Tom s’est occupé du remake de ‘’La nuit des morts-vivants’’, ce que nous essayions de faire, était d’établir un copyright sur le film, nous avions perdu le copyright sur Night of the Flesh Eaters, le métrage était tombé dans le domaine public.
Notre titre était Night of the Flesh Eaters, et nous avions mis le sceau du copyright sur la carte du titre, donc quand le distributeur a changé le titre… A la trappe ! Et c’était de notre faute ! C’était nous, les mecs qui avaient tourné le film à Pittsburg, qui l’avaient fini, mastérisé et tout… Et nous avions mis le sceau du copyright sur le titre au lieu de le placer à la fin du film ! Personne ne l’a remarqué, ainsi après quelques années, des gens ont réalisé qu’il n’y avait pas de copyright dessus. Ce fut donc un sacré coup de pot !
[...]

*[Allo] Pensez vous que votre style a évolué au fil de votre carrière?

Mon style, non! Je pense que j’apprends toujours plus, que j’acquiers une meilleure compréhension du métier. Cependant, je ne connais toujours pas tous les trucs, j’en apprends encore. John Ford a fait combien de film? 250? Je crois qu’une fois que vous avez toutes les astuces en poche, vous avez tout vu...

*[DVDR] Y a-t-il des choses que vous n’osiez pas tenter quelques années auparavant, et que maintenant vous pouvez réaliser?

Non, je pense que c’était principalement une question de budget. Autrefois, j’avais un style différent car je travaillais sans argent, j’ai donc eu l’idée de tourner un paquet de plans fixes pour me couvrir. En fait si je ne bougeais pas la caméra c’est que j’avais trop peur de ne pas pouvoir aller au bout de mes idées ; j’ai donc développé un style statique avec un découpage très rapide. Ainsi dans les 4 ou 5 derniers films j’ai appris à chorégraphier correctement, à faire déplacer l’œil et créer une même vague, tout en utilisant plus des outils que j’avais à disposition.
Je pense que je vole toujours beaucoup aux autres ; je vole des plans, des mouvements de caméras… aux gens que je connais. En même temps j’ai un style plus traditionnel; je ne suis pas John Woo, Michael Bay ou Michael Mann [il rit].

*[DVDR] Si vous deviez faire un film de zombie avec des morts-vivants français, à quoi ressembleraient-ils?

Je n’en sais pas assez, je ne vis pas ici, je ne connais pas les tenants et les aboutissants, ce que pensent les Français de leur société. Je ne tenterais donc jamais un tel film, les miens sont purement américains et traitent de la condition américaine. Je ne sais pas quelle est la situation ici...

*[DVDR] Alors, peut-être un court métrage du style ‘’Carnet de Voyage de George A. Romero: ce que sont les zombies français’’?

Ils mangent de la meilleur nourriture [il explose de rire], ils laisseraient tomber la chair humaine très rapidement et s’attaqueraient au cassoulet!
Je ne sais pas, c’est très difficile car en France il est question d’élégance et de beauté, il y a plus de tradition, plus d’histoire… Je ne connaît pas le ressenti des français je ne saurais donc pas comment faire un tel métrage.

*[H.com] Mon confrère qui a écrit la critique de "Land of the dead" pour notre site termine celle-ci par ces mots simples, je le cite : "Car à défaut de pouvoir dire "je vous aime" à chacun d’entre-nous, George Andrew Romero nous offre une formidable déclaration d’amour à l’essence même de la mort." Que pensez-vous de son ressenti ? Est-il dans le vrai ?

De l’amour, je ne sais pas…
En fait quoi que j’ai fait… vous pouvez me faire confiance en quelque sorte, je ne vais pas faire de l’alimentaire, je ne vais pas faire ‘’Scream’’. Je ne pense pas en ces termes… De fait, de ce point de vue, il a raison. J’essaie juste d’être honnête, particulièrement avec cette série de films car ils sont très importants à mes yeux. C’est très gratifiant que des gens regardent toujours ces trucs et les apprécient. J’essaie tout simplement de m’accrocher! [il rit]

*Et qu’est-il advenu de ‘’Masters of Horror’’ ?

Je ne sais pas si je vais être capable de le faire, je suis toujours lié par contrat à cette chose, je travaille toujours dessus, sur le director’s cut. J’ai aussi quelques projets sous le coude que j’espère pouvoir commencer…

Propos recueillis et traduits par Colin VETTIER
(Questions préparées par Christophe JAKUBOWICZ et Gérald GIACOMINI)

Lionel Colnard