Mexico Barbaro

Mexico Barbaro

Mexico Barbaro est à la base le titre d'un essai écrit en 1908 et consacré à sensibiliser les États-Unis sur les événements qui ont eu lieu au Mexique à l'époque, décrivant l'esclavage humain pratiqué pendant le gouvernement de Porfirio Diaz. En ce qui nous concerne, il s’agit d’un film qui présente les œuvres de huit cinéastes mexicains différents, chacun se concentrant sur un aspect distinct de l'histoire et de la culture du Mexique. Mythes, légendes urbaines, horreurs modernes, traditions et superstitions sont alors traités dans des segments ayant chacun quelque chose de singulier à offrir, tout en continuant à explorer et célébrer le côté sombre du Mexique. Ainsi, des croquemitaines, des trolls, des fantômes, des monstres, des sacrifices aztèques et bien sûr le Jour des Morts et plein d’autres curiosités culturelles sont abordées pour créer un long-métrage à sketches horrifiques que d’aucuns jugeront pour le moins original.

MEXICO BARBARO | MEXICO BARBARO | 2014

Avec la prolifération récente des found footage movies, les films d'anthologie ont également fait une percée en force au cours de ces dernières années. Que vous préfériez la franchise des "V/H/S", celle des "ABC of Death" ou même celle des "All Hallows Eve", il y a eu un grand nombre de ces métrages dans le monde de l'horreur, des indépendants à petit budget aux grosses productions Hollywoodiennes grand public, allant de l'excellent au carrément pitoyable en termes de qualité cinématographique. A la différence de ses prédécesseurs, celui-ci met en images des récits tous en provenance d’un pays situé dans la partie méridionale de l’Amérique du Nord, autrement dit le Mexique. Mais comme la plupart de ses devanciers, Mexico Barbaro comporte des courts-métrages divergents n’étant liés les uns aux autres que par leur thème principal, et que nous présenterons un par un.

« Tzompantli » écrit et réalisé par Laurette Flores Bornn ouvre ce film omnibus avec l’histoire d’un journaliste à la retraite se rappelant de quand il était jeune au tout début de sa carrière. Il eut ainsi la chance de sa vie matérialisée par la possibilité d'un entretien avec un membre des cartels mexicains devant lui révéler bien des choses sur l’intérieur de ce réseau. Bien sûr, les choses ne vont pas se dérouler comme initialement prévues et l’interview va mener notre apprenti détective jusqu’à un garage où une horrible révélation l’attendra...

Ce segment relativement court est un petit apéritif qui loin d’être effrayant, ménage quand même son lot de suspense. On pourra cependant penser qu’il ne constitue pas la meilleure histoire avec laquelle commencer ce type de métrage. Non pas qu’il soit ridicule, ce n’est pas ça, mais juste que certains spectateurs pourraient vouloir une ouverture plus percutante qui attirerait davantage l'attention, notamment les personnes qui ne sont pas très sûres que ce soit le film qu'elles veulent regarder ! Assurez-vous également de chercher la définition de « Tzompantli » sur Internet une fois que vous aurez terminé ce court-métrage car faire autrement pourrait gâcher votre visionnage...

Suit le deuxième segment , « Jaral de Berrios » (une hacienda mexicaine connue, autrement dit une exploitation agricole de grande dimension, présentant fréquemment un grand intérêt architectural, originaire d'Espagne et importée par les espagnols en Amérique latine, durant leur colonisation), réalisé par Edgar Nito et écrit par ce dernier avec Alfredo Mendoza. Ici, un duo de voleurs, dont l’un est grièvement blessé, trouve refuge dans un bâtiment abandonné (celui du titre). L’homme éclopé prétend que l'endroit est maudit, mais l'autre brigand élude la question et part en éclaireur s’assurer que le lieu est sécurisé. Très vite, on découvre à quel point il est pourtant dangereux pour eux d'être là…

Voilà donc une histoire surnaturelle avec fantômes et hallucinations en compagnie d’une jeune fille sexy en diable ! Est-ce le cas de le dire ? Ce segment pourra rappeler à certains les caractéristiques des métrages d'horreur britanniques et gothiques qui ont eu pour cadre des demeures similaires. Il faut avouer que la photographie est absolument à couper le souffle et que le manoir a une atmosphère sinistre indéniable. Toutefois, il est fortement fâcheux que le scénario soit aussi ténu et qu’il ne propose qu’une histoire de spectre prévisible et nettement linéaire. Notons pour information que ce script ressemble de loin à la légende aztèque du chocolat qui voit une princesse gardant le trésor de son époux parti à la guerre et qui fut attaquée par des voleurs. Refusant de leur dévoiler l’endroit où était caché le trésor, les voleurs la tuèrent. Son sang se répandit sur le sol d’où poussa une plante, le cacaoyer. Mais bon, il faut vraiment aimer les extrapolations pour y voir un quelconque rapprochement !

Alors que les deux premières histoires étaient assez sombres et graves, « Drena » (traduisible par « draine » en français, du verbe drainer, donc évacuer des liquides) écrit et réalisé par Aaron Soto, apporte une touche de singularité quant au pitch. Jugez plutôt : Une jeune fille trouve un cadavre dans un fossé, avec encore entre ses doigts une cigarette, que, bien sûr, elle rapporte avec elle à la maison où elle vit avec sa sœur ! Arrive la nuit, notre demoiselle s’ennuie ferme et décide forcément de fumer la clope récupérée sur le macchabée ! Surgit alors des murs une petite créature diabolique qui exigera du sang menstruel de sa sœur, qui s’il n’est pas livré dans les douze heures, provoquera la colère du monstre qui se verra obligé de sucer son âme hors de son rectum !

Quel résumé, n’est-il pas ? Ce court a au moins le mérite d’être unique en son genre et de susciter des interrogations. Pourquoi la jeune femme récupère-t-elle le mégot sur la dépouille d’un homme ? Peut-être ne sait-elle pas qu'il est mort ? Quoi qu'il en soit, comme elle le fait et qu’elle le fume ( !), l'éclairage du film déplace son attention sur un petit démon tout pâle et tout malingre assez flippant il faut dire et rappelant les créatures « faites maison » que l’on peut voir dans des productions Necrostorm telles que "Adam Chaplin" ou "Judy". Celui-ci lui dit qu'elle doit récupérer le sang du vagin de sa sœur qui n’a pourtant plus l’air d’être vierge depuis un paquet d’années ! Non, pas du sang en provenance du bras ou de la cuisse, hein ... juste de son vagin ! Mais ce n’est pas fini car l’entité démoniaque ajoute que si elle ne le fait pas, il sucera son âme directement à partir de son anus ! Les gars, je ne me suis jamais senti aussi interloqué devant un film d’horreur que lorsque j'ai entendu le démon dire cela avec un langage pas châtié pour deux cents ! On tenait là un grand concept et j’en voulais plus ! Je sentais pourtant que je ne comprenais pas pleinement la trame. Pourquoi une cigarette? Pourquoi le sang de l’entrecuisse féminin ? Et surtout pourquoi le caméraman a-t-il pensé que ce serait une bonne idée que de garder son doigt sur la touche zoom avant et zoom arrière lors de la scène finale !? Cela pouvait donner un mal de tête certain mais aussi curieusement rappeler dans une moindre mesure le dernier plan de "Massacre au camp d été". Bref, inquiétant et pour le moins atypique !

Puis suit une autre bizarrerie, « Preciada mas la cosa » (qu’on traduirait par « La chose la plus précieuse »), écrite et réalisée par Isaac Ezban. On a affaire là à un jeune couple qui a loué en pleine semaine un bungalow isolé où ils ont l'intention d'avoir des relations sexuelles. Ce sera la première fois pour la jeune fille dont le petit ami pressant espère obtenir la virginité par ce geste romantique ! Bien sûr, les choses ne vont pas se dérouler comme espérées !

Comme dans la plupart des films d'horreur de cet acabit, il y a un mystérieux vieillard travaillant sur place qui sait tout et tente d'avertir le couple par deux fois. Tout comme on pouvait s'y attendre, ils n’y prêtent pas attention et continuent de flirter ! Pourtant, ils auraient dû l’écouter quand il les mit en garde en leur préconisant fortement de rester cloîtrés à la nuit tombée et de ne pas laisser quoi que ce soit à l'extérieur, car « ils » pourraient le voler ! « Ils » ce sont les « Aluxes », une sorte de trolls vivant dans les bois et ayant l'habitude de prendre des choses qui ne leur appartiennent pas. Les jeunes gens auraient dû méditer les conseils avisés du vieil homme car les créatures sylvestres dont la peau est couverte d’une substance purulente peu appétissante il faut dire vont faire vivre un véritable calvaire à la jeune pucelle. Et vous verrez que c’est assez osé même si l’on regrettera une toute fin relativement prévisible !

Dans le cinquième court « Lo que importa lo de adentro » (« Ce qui importe, c’est ce qui est à l'intérieur »), nous nous concentrons sur une mère et ses deux enfants qui s’activent vivement pour se préparer le matin. Alors que le petit garçon est le chouchou à sa maman, la petite fille qui est handicapée aux jambes, n’arrête pas de crier « coco » (« croquemitaine » voire « ogre » en espagnol) tout en pointant par la fenêtre quelqu’un à l'extérieur, ce qui attise encore plus la colère de sa mère. Plus tard, ils passent en famille devant un sans-abri local, qui se montre agréable envers la maman et son fils, mais fait des grimaces à la petite fille. Peu de temps après dans l'après-midi, le petit garçon va dans la rue jouer au football mais il ne reviendra jamais…

Pour éviter tout spoiler, n’allons pas plus loin que cela dans le résumé mais sachez que ce qu’il se passe ensuite est très troublant voire assez inattendu et pourrait rappeler à certains des scènes vues dans "Camp 731" et "Headless", rien que ça ! Pour moi, c’est assurément le meilleur segment de Mexico Barbaro et je serais absolument ravi de le voir développé en long-métrage où l’on en apprendrait un peu plus sur ce monstrueux « croquemitaine »…

Vient ensuite le tour du scénariste /réalisateur Jorge Michel Grau (cinéaste le plus notable du lot, connu pour son très bon "Ne nous jugez pas") qui nous propose « Munecas » (traduisible par « poignets » ou « poupées », c’est selon le contexte). Nous suivons ici une femme qui semble fuir quelque chose d'horrible et qui se meut tant bien que mal à travers la mangrove. Abattue, fatiguée, ensanglantée, les poignets lacérés, mais voulant survivre coûte que coûte, elle sera à nouveau capturée et menée sur l’île aux poupées…

Ce segment mélange deux légendes mexicaines à savoir « La llorona » (en espagnol « la pleureuse ») contant le mythe d’une femme pleurant au bord des rivières mais surtout celui de « l’île des poupées » narrant la vie d’un homme qui commença à rassembler des poupées pour éloigner l'esprit d’une fille morte noyée qui effrayait le monsieur, ainsi il lui donna des poupées pour qu’elle joue avec. Ce sixième récit proche de l’ambiance glauque régnant dans la saison 1 de la série « True Detective » est un véritable survival qui mettra aux prises une jeune femme contre un gars de deux fois sa taille. Cette partie est assez brutale, mais c’est ce qui se passe sur l’île qui pourra en terrifier plus d’un. Certes, ici rien de nouveau sous le ciel du film de genre, si ce n’est un climax oppressant et un décorum terrorisant, ce qui n’est déjà pas si mal, avouons-le !

« Siete veces siete » (« Sept fois sept ») commence par la progression d’un homme au visage brûlé déambulant dans une morgue et prenant un corps qu’il emporte dans son camion, puis qu’il conduit en direction d’un étang sis au milieu de nulle part. A partir de là, les choses prennent une tournure pour le moins surréalistes dignes des films les plus barrés de Luis Buñuel. On apercevra un homme brûlant sur un cheval, une femme nue sur laquelle pousseront des jambes d'araignée, et un cadavre réanimé, entre autres choses réjouissantes. La façon dont les événements sont mis en place, grâce à une combinaison de flashbacks et l'action actuelle, nous donne une histoire qui, à son apogée, révèlera l'une des histoires de vengeance les plus intenses du cinéma de genre. Ici, comme le spectateur, nous ne savons pas ce qui se passe. Quelques nuits se déroulent et à travers un rituel, l’homme défiguré ramène le cadavre à la vie. La relation entre notre protagoniste principal et le macchabée sera totalement inattendue ! Impressionnant, ce segment a pour moi un seul défaut : ses effets spéciaux. En plus d’être de qualité médiocre pour certains, ils sont trop distrayants et enlèvent une partie de mystère à l'histoire. Encore une fois, « moins, c’est plus » !

Enfin, nous terminons avec « Dia de los Muertos » (« le jour des morts »), festivités célébrant le retour transitoire sur terre des parents et des êtres chers décédés. Le plus grand soin est apporté à tous les aspects des préparatifs car dans l’imaginaire populaire, un mort peut attirer la prospérité (par exemple, une bonne récolte de maïs) ou le malheur (maladie, accident, difficultés financière,s etc.) sur sa famille selon le sérieux avec lequel les rituels sont accomplis. Cela débute par une femme assez âgée qui raconte comment elle a appris tout de sa mère pour être forte, dans une salle remplie de jeunes filles légèrement vêtues. Ces femmes, sont toutes employées dans un club en tant que danseuses s’effeuillant facilement en contrepartie d’une belle somme et plus si affinités. Certaines semblent apeurées et portent des stigmates sur le corps. Cependant, tout comme les principaux personnages, personne ne viendra remettre quoi que ce soit en question et encore moins l’autorité de la mère maquerelle en chef. Cette nuit sera néanmoins différente des autres car on célèbrera « le jour des morts » et c’est pourquoi toutes les femmes auront le visage peint et donneront aux hommes un spectacle qu'ils ne pourront jamais oublier…

Ce court, on s’en doute, marquera la vengeance de ces filles de joie trop souvent maltraitées, insultées et rabaissées par leur clientèle exclusivement masculine. Un déversement de violence s’abattra donc dans ce bordel à l’instar du final granguignolesque de "Une nuit en enfer" de Quentin Tarantino avec ses prostituées déchaînées. C’est sympa, assez bien fait, mais pas du tout original à part pour le décor. Personnellement, je n’aurais jamais terminé mon anthologie par ce segment somme toute assez moyen…

Alors oui, on pourra reprocher au film que la seule chose de vraiment mexicaine c’est la nationalité des réalisateurs, acteurs et autres scénaristes et qu’il n'y a pas véritablement de légendes réelles ici exploitées jusqu’au bout, et que subséquemment ces segments mériteraient peut-être la mention « inspirés de ». Et que dire également de l’absence de traitement du mythe de Chupacabra !? Mais bon, tout cela n’est en définitive pas très gênant. Ce qui peut l’être en revanche, c’est l’annonce des titres. Tout comme pour les "ABC of Death", Mexico Barbaro met le nom de chaque segment après le court, ce qui frustre tout de même un peu ! On ne lit pas une histoire courte, pour savoir comment elle s’intitule ensuite, non !? Les fameux titres sont de même combinés avec des effets spéciaux gore, de moyenne qualité. Dans l'ensemble, ces inconvénients mineurs mis à part, ce métrage est relativement appréciable. Toutes les histoires fonctionnent correctement et certaines semblent même facilement adaptables pour un format de pleine longueur. Evidemment, certaines sont plus marquantes que d’autres, mais globalement, ce qu’on peut dire, c’est que ça n’hésite pas à taper dans le trash et le gore (du sexe, de la nécrophilie, du prélèvement d’organes sont, entre autres joyeusetés, au menu) et que cela nous permet de voyager un peu et de découvrir quelques aspects folkloriques plutôt méconnus du Mexique !

MEXICO BARBARO | MEXICO BARBARO | 2014
MEXICO BARBARO | MEXICO BARBARO | 2014
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Connu également sous le titre « Barbarous Mexico » chez nos amis américains.

Note
4
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Vincent Duménil