Affiche française
MOTHER ! | MOTHER !  | 2017
Affiche originale
MOTHER ! | MOTHER !  | 2017
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Mother !

Mother !

Mother vit une relation passionnelle avec Lui, un poète qui ne trouve plus l'inspiration. Dans leur belle maison, que Mother a entièrement refaite, la vie se déroule paisiblement. Jusqu'à ce qu'un inconnu frappe un soir à leur porte. Recueilli par Lui, l'inconnu ne tarde pas à profiter de l'hospitalité de ce dernier et invite sa femme à venir le rejoindre, sans se soucier de l'incompréhension de Mother, qui ne comprend pas le comportement de Lui...

MOTHER ! | MOTHER !  | 2017

De ses posters surréalisant jusqu’à son teaser énigmatique (et il faut l’avouer, bien rodé), en passant par une sortie qu’on pourrait qualifier quasiment de précipitée, Mother a prouvé avant même sa vision qu’un projet mystère était encore imaginable à Hollywood. Un projet monté pourtant après un échec à tout niveau, à savoir le très fameux Noé. On imaginait alors Aronofsky revenir sur des projets plus attendus, plus maîtrisables, continuant à explorer descentes aux enfers et montée divine, comme il a toujours su le faire et le défaire. En bref, concilier l’enfant agitateur et la soif d’expérimentations, en bon pote de boursouflure pseudo-subversive comme son camarade Innaritu. Si Mother serait une réponse à tout cela, il s’agit bien d’un hurlement à vous déchirer les tympans.

Une chose est sûre, c’est qu’Aronofsky est le même homme depuis Requiem for a dream, mais la rage a grandi. Mother a quelque chose de monstrueux et d’improbable, aussi bien dans la production actuelle que pour un film de studio. À la vue de la chose, on revient même à se demander si le réalisateur ne détient pas des dossiers compromettant sur ces messieurs de la Paramount. Car en l’état, on ne voit vraiment pas comment le bonhomme a pu réussir à monter un projet aussi autre, avec en prime l’actrice la plus bankable du moment – et aussi compagne – Jennifer Lawrence. Le découvrir séance tenante dans un multiplexe au sol jonché de pop-corn, peuplé de spectateurs formatés et peu aguerris, revient littéralement à vivre une expérience hors-normes. Au sein d’une industrie compartimentée, le geste paraît aussi jouissif qu’insensé.

Comment vendre la chose alors ? Paramount joue sur l’aspect thriller, oublie les premières affiches sans doute trop arty, et évite de dévoiler grand-chose. On ne sait après coup s’il s’agit d’une peur ou d’une malice de leur part. Résultat, l’on déguste pendant près d’une heure un thriller ultra polanskien, où un couple habitant au milieu de nulle part voit des inconnus fouler le sol de leur demeure. Le vrai témoin, la victime dans tout cela, c’est bien sûr le personnage de Jennifer Lawrence, qu’Aronofsky traque comme un stalker amoureux, engluant littéralement le spectateur dans tous les recoins de sa peau. Les plans très serrés, le 16 mm abrasif ou les mouvements de caméra à l’épaule donnent déjà les clefs du désordre, nous cimentant dans une situation où personne ne voudrait être. Sous ses airs de bon mari, Javier Bardem compose un personnage encore plus détestable que celui du tueur de No Country Old Men, artiste total et faux amant, passionné mais détaché comme…Aronofsky ?

Crispant et mystérieux, Mother glisse petit à petit vers un théâtre kafkaïen, ou peut-être même Sartrien tant le terme « l’enfer c’est les autres » semble être l’hymne de ce home invasion apocalyptique. D’un thriller bigarré, Mother bouscule alors le spectateur en bas de l’escalier dans son deuxième tiers, le noyant dans un malaise carabiné (et on ne vous dira évidemment pas pourquoi), canalise le pire de notre époque entre quatre murs. L’espace d’un (long, très long) instant, on ne sait pas où l’on est, ou ce que l’on regarde : juste l’impression de vivre l’enfer en direct, jusqu’au fond de ces tripes. Une expérience dont l’impact réellement physique le rapproche de Irréversible ou de Requiem pour un massacre, jusqu’à se vautrer parfois dans l’intolérable (la scène déjà mythique du…bref chut) ou le grand-guignol.

Derrière l’horreur et les violences misogynes, Aronofsky nous parle du patriarcat écrasant, de l’exploitation de mère nature, du rapport du créateur à sa muse, ou même du créateur tout court, revenant encore à la Bible. Comme Possession, référence totalement revendiquée de l’auteur, Mother part d’une crise conjugale pour s’aventurer au delà de tout. Un signe de radicalité le rapprochant beaucoup d’Antichrist, dont il constitue le parent éloigné : mais encore plus que chez Lars Von Trier, il est peu aisé d’y séparer ce qui est odieux ou génial, brillant ou prétentieux, scandaleux ou lamentable. Une chose est sûr, c’est qu’on oubliera pas Mother pas de sitôt.

MOTHER ! | MOTHER !  | 2017
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Note
4
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Jérémie Marchetti