Tous les garcons aiment mandy lane
All the boys love mandy lane
Mandy Lane est le fantasme incarné de tous les garçons de son lycée, chose qu’elle a du mal à concevoir. Plutôt timide, elle accepte néanmoins l’invitation d’un petit groupe d’amis qui vont passer le week-end dans un ranch perdu au milieu de nulle part. Mandy se retrouve bientôt la cible des trois garçons participants à la fête, chacun espérant pouvoir conquérir la jolie blondinette. Mais quelqu’un d’autre a également dans l’idée d’obtenir les faveurs de Mandy et pour se faire, il n’hésite pas à assassiner un à un les membres du groupe…
Réalisé en 2006 et n’ayant toujours pas eu les honneurs d’une sortie française en salle en 2008, "Tous les garçons aiment Mandy Lane" est le premier film de Jonathan Levine, qui avait réalisé un court-métrage sur un Dj de hip-hop en 2004 ("Shards") ainsi qu’un documentaire en 2005 où il se mettait lui-même en scène ("Love Bytes"). Sortant d’une école de cinéma, c’est tout naturellement vers le cinéma horrifique qu’il se dirige pour son premier long-métrage, les productions de ce genre n’ayant "pas forcément besoin d’un gros budget et de stars. De plus, ils permettent au réalisateur de tenter des choses différentes, aussi bien en termes esthétiques que thématiques" dixit l’intéressé lui-même. Tenter des choses. C’est bel et bien le cas avec "Tous les garçons aiment Mandy Lane", qui, à partir d’une trame scénaristique basique, influencée par les slashers movies, dévoile en fait une toute autre ambition et élève le film vers des cimes rarement atteintes avec ce type de sujet. Car le long-métrage de Jonathan Levine n’est pas un simple slasher. D’ailleurs, les fans de ce sous-genre du cinéma horrifique ne doivent pas s’attendre à un film façon "Vendredi 13" et consort, au risque d’en sortir déçu. Non, "Tous les garçons aiment Mandy Lane" joue sur un autre tableau, tout en utilisant les ficelles et les codes du slasher. Et c’est en ça qu’il est diablement réussi.
Dans un slasher traditionnel, la majorité du casting se compose d’adolescents ou de jeunes adultes dont l’unique préoccupation est de faire la fête, boire de l’alcool, consommer des drogues et s’éclater au lit avec un maximum de demoiselles. De la simple chair à canon, dont le spectateur se fout royalement des états d’âme et n’attend qu’une chose : que le tueur vienne les massacrer de la façon la plus imaginative et horrible qui soit ! Les réalisateurs n’ont d’ailleurs pas en tête de développer l’aspect psychologique de leurs personnages, préférant jouer sur le suspense (qui est le tueur ?) et l’aspect visuel et graphique de leurs films. C’est déjà sur ces points que le film de Jonathan Levine prend un sens en coutre-courant.
Bien sûr, ses protagonistes répondent aux critères cibles des slashers : on a la blonde immature sosie de Paris Hilton, la petite brune incendiaire, le mec sympa qui passe son temps à fumer des joints, le noir sportif et le beau gosse macho. Tous s’adonnent au plaisir de l’alcool et de la drogue bon marché (de simples cachets écrasés en poudre), afin d’oublier les petits soucis de la vie adolescente. Mais pour une fois, la psychologie des personnages est nettement mise en avant. Par des scènes de dialogues, des mises en situations qui font vraies, le spectateur s’attache à ce groupe de garçons et de filles, symbole d’une jeunesse en mal de vivre, qui au final, recherchent tous la même chose : l’amour. Car l’adolescence, ce n’est pas tout rose. Timidité avec les filles, problèmes familiaux, scolaires, puberté, découverte de son corps, tout un microcosme qu’il n’est pas toujours évident de gérer et Jonathan Levine l’a parfaitement compris, donnant de l’épaisseur à chacun de ses protagonistes tout en jouant avec les stéréotypes. On sent réellement qu’il les aime ses personnages, et il parvient à nous transmettre cet amour, rendant leur mort beaucoup plus dure et cruelle que si c’était Jason qui venait s’occuper d’eux. On pourra rapprocher ce film de ceux de Larry Clark bien évidemment, cinéaste très préoccupé par la vie adolescente et ses difficultés, sur le mal de vivre de la jeunesse et dont bon nombre d’œuvres nous met face à notre propre existence.
Autre tentative de briser les codes d’un genre déjà bien balisé, l’identité du tueur. D’habitude, on ne découvre son visage que dans les dernières minutes du film, les réalisateurs entretenant le mystère jusqu’au bout avant de proposer leur "twist" final. Jonathan Levine non. Il a gardé l’idée du twist mais son tueur, il le dévoile assez rapidement, ce qui apporte une nouvelle dimension au film, lui donne un côté à la fois romantique, poétique même mais également tragique. L’amour, l’amour fou, l’attraction que peut exercer une personne sur quelqu’un, est un des thèmes du film et parachève de faire de "Tous les garçons aiment Mandy Lane" un slasher hors norme, une oeuvre qui joue sur la corde sensible mais sans mièvrerie. Il en est de même pour l’arme utilisée. Au couteau et à la machette a été subtilisé le fusil, même si ces deux autres instruments sont néanmoins présents. Le premier meurtre est d’ailleurs assez cru, on sert les dents devant notre écran, on ressent de la compassion pour la victime, chose rendue possible grâce au traitement des personnages et au travail qu’a fait le réalisateur et son scénariste sur la psychologie de leurs protagonistes. On pense beaucoup à "Wolf Creek" en regardant "Tous les garçons…", film où on ressentait également la douleur vécue par les victimes, auxquelles on s’était identifié grâce à la même approche réaliste instaurée par Greg McLean.
Visuellement parlant, c’est encore à "Wolf Creek" qu’on pense. Le film de Jonathan Levine jouant sur les couleurs jaunâtres, mettant en scène des décors épurés, des champs arides, le tournage s’étant déroulé au Texas. Certains clins d’œil, comme les plans sur la maison, nous renvoient également au "Massacre à la Tronçonneuse" de Tobe Hooper, et dont Jonathan Levine avoue que c’est probablement l’une des principales influences de "Tous les garçons aiment Mandy Lane". D’ailleurs, son film n’a absolument pas le look d’un film de 2006 et c’est aussi ça qui le rend si attachant. La musique utilisée joue également en sa faveur et principalement les chansons choisies pour illustrer certaines séquences. Des chansons rétros, mais qui retranscrivent à merveille les images et les émotions qu’elles sont censées illustrer, berçant le film dans une notion de nostalgie qui lui sied à merveille.
Et Mandy Lane me direz-vous ? On parle, on parle mais toujours rien sur le personnage principal du film ! Normal, on garde toujours le meilleur pour la fin ! Elle est interprétée avec un brio magistral par la sublime Amber Heard et franchement, on comprend très bien que tous les garçons soient amoureux d’elle parce que sa présence illumine chacune des scènes où elle apparaît, et l’attraction qu’exerce son personnage sur les protagonistes du film semble émaner de notre écran et nous frapper nous aussi. C’est bien simple, personnages et spectateurs n’ont d’yeux que pour Mandy ! Mais attention, Mandy n’est pas simplement une magnifique jeune fille, au corps parfait, au visage angélique et charmeur. L’un des personnages lui dit à un moment "tu sembles différente du reste du groupe", ce à quoi elle répond "je le suis". Et effectivement, elle l’est ! Alors qu’on pouvait s’attendre à un rôle de bimbo propre à ce genre de film, le personnage de Mandy Lane en est l’exacte opposition. Plutôt timide, voir même introvertie, Mandy a bien du mal à gérer tous les émois qu’elle génère chez les garçons, surtout qu’elle ne fait absolument rien pour les provoquer. Ayant perdu ses parents, vivant chez une tante, Mandy en arrive même à s’isoler, à n’avoir que très peu d’amis sincères, surtout de sexe masculin, ne sachant si ces derniers s’intéressent à elle pour ce qu’elle est ou uniquement pour s’attirer ses faveurs. Elle ne boit pas, ne se drogue pas, fait du sport. Bref, l’antithèse parfaite des personnages décris dans les slashers movies. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas elle aussi animée par des sentiments, qu’elle reste insensible aux charmes masculins et que cette "popularité" qu’elle n’a pas désirée ne lui pèse pas. Mandy Lane est un très beau personnage de cinéma et le final, brutal, passionné et original, ne manquera pas de vous étonner et de vous faire réfléchir.
Il est vraiment fort dommage que le distributeur français du film ait décidé d’annuler sa sortie en salle, "Tous les garçons aiment Mandy Lane" méritant réellement bien mieux que cette triste relégation au fin fond du catalogue de son distributeur. Il ne vous restera plus qu’à attendre la sortie du film en DVD et de vous ruer dessus. Encore une fois, ne vous attendez pas à voir un banal slasher lambda sous peine d’être déçu mais ayez plutôt en tête que le film de Jonathan Levine est un film intelligent, fort bien interprété, chronique adolescente dans laquelle l’horreur vient frapper de plein fouet. Un BEAU film, qui saura j’espère trouver son public. Certains resteront sûrement insensible face aux personnages et n'aimeront pas ce film. Mais donnez lui sa chance. Quant à Amber Heard, nul doute qu’on va suivre avec le plus grand intérêt la suite de sa carrière !