Affiche française
1984 | 1984 | 1984
Affiche originale
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1984

1984

Année 1984, Londres, capitale d'Océania, un des trois grands Etats du globe. La vie des habitants est constamment épiée par Big Brother, personnage omnipotent observant les moindres détails de leur intimité par l'entremise d'écrans de contrôle vidéo qui ne peuvent être éteints. Dans cette société totalitaire en guerre constante avec soit Eurasia, soit Eastasia, les deux autres grandes nations mondiales, toute forme d'individualisme est prohibée, les libertés restreintes au minimum et sous la haute-surveillance des fidèles de Big Brother, entièrement dévoués à sa cause et conduits entre autres par un certain O'Brien. Winston Smith, un bureaucrate travaillant au Ministère de la Vérité où il est chargé de réécrire l'histoire, tombe un jour amoureux de Julia, ouvrière spécialisée. En sa compagnie, il va tenter de s'échapper de ce monde cauchemardesque où être amoureux est considéré comme un crime. Mais comment faire pour s'aimer dans cet Etat où tout sentiment est réprimé et toute révolte brisée ?

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Adaptation cinématographique du roman éponyme d'Orwell, 1984 n'a toutefois pas été la seule sur les écrans. Les précédentes : un film en noir et blanc de Michaël Anderson avec Edmond O'Brien, Donald Pleasence et Michaël Redgrave, tourné en 1956 où l'intrigue conformément aux canons hollywoodiens avait été adoucie avec un "happy end". D'ailleurs, à ce sujet, la veuve d'Orwell, totalement outrée par tant d'irrespect de l'œuvre originelle, fit retirer toutes les copies quelques années plus tard ; ainsi qu'une version télévisée de 1954, de Rudolph Cartier avec Peter cushing, également sujette à discussions à l'époque.

Cela étant, la version de Michaël Radford semble être la plus fidèle au matériau d'origine. Sorti dans l'indifférence quasi générale, son long métrage aura au moins eu le mérite d'être le plus attaché au climat régnant dans le livre. On retrouve ainsi la même ambiance glauque, dérangeante, suffocante à l'extrême, ainsi que des ruines et des décors d'apparence glaciale à l'identique. La restitution à l'écran est tout bonnement saisissante. De plus, les mêmes thèmes importants sont évoqués : violation de l'esprit humain par le lavage de cerveau pour les récalcitrants devenus trop individualistes, désinformation et réduction du langage afin de rendre les gens plus serviles en les empêchant de trop réfléchir, loyauté envers l'Etat construite sur des bases paranoïaques puisque la délation est encouragée, surveillance trop inquisitrice car tout est filmé. Vous l'aurez compris, l'univers de "1984" est donc loin d'être rose. Pourtant, Winston Smith, gratte-papier bien sous tous rapports, va essayer de sortir de l'ordinaire au contact de Julia dans cette société sombre et inexpressive où les relations homme/femme sont interdites, tout comme le fait d'avoir une opinion. Ces agissements sont considérés aux yeux de Big Brother chef du parti socialiste anglais (Ingsoc) et "grand manitou" d'Océania, comme du gaspillage d'énergie car tout le monde se doit de travailler pour lui, détenteur du pouvoir absolu et de la bonne parole qu'il dispense en permanence sur les écrans de télévision. Tout est alors fait pour déshumaniser progressivement les hommes en les empêchant de penser et d'avoir une quelconque propriété privée. Cette ultime adaptation de "1984" est donc hyper respectueuse, retranscrivant l'atmosphère du livre sans compromission. Toutefois, ceux qui ne connaissent pas le roman risquent de rester perplexes à la vision de cette société effroyable dépeinte par Radford. Le roman d'Orwell étant tellement dense et riche en détails qu'il a fallu faire des choix, prendre des raccourcis, user d'ellipses de la part du réalisateur, ce qui a forcément eu des conséquences directes sur le métrage et pourrait braquer certains spectateurs non initiés à l'univers orwellien lors du visionnage. Avoir résumé le pavé d'Orwell en collant le plus possible au synopsis de base est donc le point fort de 1984 mais cela semble être aussi l'unique défaut du film qui possède pourtant, énormément de qualités.

A ce titre, le remarquable casting de 1984 nous permet de voir l'immense Richard Burton dans son tout dernier rôle au cinéma, le film lui est d'ailleurs dédié. Tout en finesse, il parvient à instiller à son personnage la subtilité nécessaire faisant douter le spectateur quant à ses réelles intentions : ami de Winston ou bien bureaucrate zélé avide de pouvoir ? Dans le rôle de Winston, on retrouve John Hurt également reconnu pour ses performances d'acteur hors normes (notamment dans "Elephant man" et "Midnight Express") et au physique inoubliable réaffirmant encore une fois son jeu tout en sobriété ainsi que son aptitude à s'impliquer dans des projets amenés à compter. Enfin Suzanna Hamilton, qui incarne Julia, joue de façon honnête et sans fioriture. Il faut savoir pour l'anecdote, que Jamie Lee Curtis avait été proposée à Michaël Radford pour le rôle de Julia, mais qu'elle avait de trop beaux seins selon le réalisateur ce qui collait peu avec son personnage ! Force est de reconnaître également que tous les acteurs convergent dans la même direction et traduisent magnifiquement ce sentiment de réserve propre à toute personne sous le joug d'une tyrannie et ayant accepté son sort. Toute la puissance émotionnelle émanant des personnages se manifeste dans la retenue. On sent bien qu'à force d'être asservis et aliénés mentalement, les hommes et femmes n'éprouvent même plus l'envie de se révolter et qu'ils sont tenus dans un état végétatif dont ils n'ont même plus conscience. Tant de nihilisme fait d'ailleurs froid dans le dos et l'on espère seulement que cela soit de l'anticipation et non de la prophétie. Quoique…

1984 est aussi captivant pour sa bande-son sur laquelle on retrouve surtout The Eurythmics (Annie Lennox et Dave Stewart). Le score arrive ainsi à créer des ambiances assez surprenantes par leur côté complètement décalé (notamment le titre "The love of Big Brother") pouvant parfois laisser le spectateur pantois par tant de singularité musicale.

Centrée sur le conflit opposant l'individu à la société dans une ambiance claustrophobe presque étouffante, l'œuvre d'Orwell a semble-t-il influencé de nombreux réalisateurs. Comment en effet ne pas penser à "Brazil" de Terry Gilliam ? Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film de l'ex-membre des Monty Python avait pour titre provisoire : 1984 and ½ (1984 et demi en français). Cette filiation est de fait revendiquée par Gilliam lui-même, confiant que le roman d'Orwell constituait la source d'inspiration principale pour son film qui pourrait être considéré comme l'alter ego comique de 1984. Certes, "Brazil" est une comédie dramatique mais reste autrement plus gaie que la version dure et sans concession de Michael Radford.

D'autres films dépeignent également un univers despotique où toutes les libertés sont brimées. On pense principalement à : "Farenheit 451" (1966) de François Truffaut et à "Equilibrium" (2002) de Kurt Wimmer, pour ne citer que ceux-ci. Ces films décrivent tout le côté absurde et froid des sociétés tyranniques qui cherchent à contrôler leurs sujets par une aliénation graduelle passant par une mainmise physique et mentale de l'Etat sur ses sujets.

1984 ne va pas sans rappeler non plus "Le meilleur des mondes", roman d'Aldous Huxley (qui, détail amusant, fut l'un des professeurs de français d'Orwell) avec sa société futuriste où tout est uniformisé et où les êtres sont contrôlés par l'usage de drogues. Mais il diffère néanmoins car moins sombre selon Michaël Radford et moins ancré dans la réalité. "1984" ayant été écrit à une époque où le monde sortait tout juste du fascisme, s'apparente alors plus à un pamphlet politique. Dans son roman, Orwell, même s'il ne l'avoue pas mais l'aborde sous forme de métaphores subtiles, critique le communisme exacerbé accouchant d'un Etat dictatorial. Il fait également ce constat en pleine période de guerre froide entre les Américains et les Russes, événement loin d'être anodin. Petite leçon d'histoire, la guerre froide est caractérisée comme étant l'affrontement, sans conflit militaire direct, entre les Etats-Unis et l'URSS s'appuyant tous deux sur de vastes zones d'influence, essentiellement entre 1947 et 1989. C'est à la fois un affrontement idéologique (capitalisme contre communisme), culturel et stratégique. Le monde est alors bipolaire, c'est-à-dire partagé entre deux pôles ennemis : bloc américain à l'Ouest, bloc soviétique à l'Est. Une fois digéré cet intermède culturel, une question nous vient alors à l'esprit : pourquoi avoir choisi cette année fatidique comme titre de son roman ? Faute d'informations pertinentes, on se contentera d'une réponse toute simple : 1948 est la date de sa rédaction. A-t-il donc inversé les deux derniers chiffres en prévision d'un chaos imminent ?

Ainsi, ce film, brûlot implicite sur les méfaits de la manipulation psychologique exercée par les médias et les dérives du communisme, force le respect tant il est rempli d'enseignements quant à la nature profonde des êtres humains. D'apparence banale, 1984 n'a rien perdu de sa puissance au fil des âges. Alors ruez-vous sur le DVD et n'oubliez pas que Big Brother vous regarde !

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Adapter 1984 est une tâche colossale. C'est un de mes romans préférés et un de ceux qui m'a le plus marqué. Pourtant, ce film est vraiment bon. L'adaptation est assez fidèle, la photographie est parfaite, les acteurs sont biens et le film a réussi a me traumatiser avec la fameuse chambre 101. Certains critiqueront le côté technique du film qui a vieilli. Par contre, ces gens sont dans le champs. L'important en voyant 1984 c'est le message qui tente de concrétiser, de nous faire passer par cette société utopique. À une époque où la technologie est de plus en plus dans nos vies, plus que jamais la signification de cette histoire de science-fiction a sa raison d'être. Un grand film que je recommande (plus le roman). Et quand j'y pense, Big Brother n'est pas loin maintenant...

Note
5
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Vincent Duménil