Freeze me
Freezer
Le viol est un sujet très délicat à traiter au cinéma. De nombreux films s'y sont intéressés et les vraies réussites se comptent sur les doigts de la main, tout de même. Bien souvent et en étant un sous-genre du cinéma d'horreur, le "rape et revenge" prend toujours la même tournure. Viol d'une femme suivit de sa vengeance sur ses agresseurs. "Freeze me" du japonais Takashi Ishii subit donc le même traitement. Même si la vengeance à proprement parler n'est pas voulue directement à la base par la jeune femme.
Mais voyons tout d'abord l'histoire du film.
Chihiro est une jeune femme séduisante qui a réussi son parcours professionnel. Elle est employée de bureau et vit une aventure avec un de ses collègues. Un jour, en partant de chez elle, un homme à l'entrée de l'immeuble semble la connaître. Chihiro en voyant son visage se remémore le passé. En effet, il y a cinq ans de cela, elle avait été victime d'un viol collectif, et l'un de ses agresseurs est là à l'attendre...
Sujet grave et malheureusement rarement autant d'actualité, le viol collectif quoiqu'on en dise, reste un sujet plutôt tabou. Mettre cela en bobine est donc déjà une forme de courage, le problème maintenant est de savoir de quelle manière il faut le traiter.
Ainsi Ishii choisit une tournure à la "rape et revenge". Petite différence, Chihiro ne recherche pas ses agresseurs, et semble avoir voulu faire une croix de cet évènement tragique. Mais ses agresseurs reviennent hanter sa vie qui était devenu paisible et heureuse.
Ce qui frappe dans le traitement de Ishii, c'est la violence sèche et brutale. Vous l'avez compris, Chihiro va finir par se venger et péter les plombs. Tout débute par son premier agresseur, qui monopolise l'appartement de la femme. Il la commande, la traite comme une chienne et reste toute la journée chez Chihiro alors que celle-ci doit partir travailler.
Vous me direz, et ben pourquoi n'appelle-t-elle pas la police ou en informe son petit ami ? La réponse étant qu'elle a honte, en effet et comme nombres de victimes réelles de viols, la honte revient sans cesse. Peur d'en parler, de se souvenir de ce dur calvaire, la honte est inhérente au viol, malheureusement. La victime parfois s'en croit même responsable et culpabilise. En cela, quand son premier agresseur déboule au travail de la jeune femme et lui ordonne de venir avec lui, est bien significatif. La jeune femme pourrait très bien dire la vérité à cet instant, étant donné qu'elle est entourée de tous ses collègues et de la sécurité, mais non la honte est trop forte, et elle part avec son agresseur.
Après toute cette partie quasi-documentaire dirons-nous étant donné qu'elle s'approche de la réalité, le film bascule dans l'horreur avec la folie de Chihiro. Petit problème, le film perd de son efficacité et de son sujet de base pour se perdre dans une facilité horrifique. La jeune femme va tuer son agresseur et le garder dans son frigo, tel un trophée, une revanche. Ce qui parait pour le moins étrange, en vu de la personnalité de la jeune femme dans la première moitié du film. Son penchant dans la folie est trop brusque et un peu trop exagéré.
Malgré tout, on ne peut que partager l'efficacité des scènes de meurtres, qui sont d'un réalisme rare. Pas de surenchère, ni de choses trop burlesques, la violence est ici brute et sans concession.
Ensuite, deux de ses autres agresseurs vont débarquer et connaître le même sort que le premier. Et là, une sorte de monotonie s'installe, ce qui est franchement dommage. Même si l'efficacité des meurtres n'est pas à redire, on peine à vraiment accrocher étant donné que l'on sait déjà ce qu'il va se passer.
La jeune femme va donc se mettre à commander des frigos pour garder ses victimes, d'ailleurs lors d'une scène, elle se mettra à parler avec eux. Une scène plutôt dérangeante mais beaucoup trop fictive pour paraître vraie.
Au niveau de la réalisation, il n'y a rien à reprocher à Ishii. Les mouvements de caméra sont fluides et expriment quelque chose. Son parti pris de filmer le viol au caméscope est un très bon choix, puisque cela accentue la violence, la brutalité et le malsain de la scène. Du coté de ses acteurs, là aussi c'est très bon, on saluera surtout la performance de Harumi Inoue qui est parfaite dans son rôle et y apporte beaucoup de réalisme. La musique, bien que très souvent en arrière-plan, se veut efficace et parfaitement dans le ton du métrage.
Même si la deuxième moitié du film se perd un peu trop dans une facilité commerciale, le film de Ishii marque et est très bien représentatif de ce grave phénomène. La fin du film est d'une grande beauté et gomme tous les défauts que l'on avait soupçonné auparavant, et montre ainsi que "Freeze me" est vraiment un film intelligent à contexte social.