Au coeur de la nuit
Dead of night
Walter Craig, un architecte, se rend chez Eliot Foley pour discuter des nouveaux aménagements du cottage de ce dernier. Arrivé sur place, il découvre avec stupeur et une sensation de déjà-vu que le cottage comme ses occupants du week-end sont ceux-là même qui hantent ses nuits de façon récurrente. Parmi les invités se trouve un psychanalyste, le docteur Van Straaten, qui va tenter de prouver à Walter Craig ainsi qu'aux autres personnes présentes que ce type de ressenti peut s'expliquer scientifiquement. Tout à tour, les invités se mettent à raconter au psychanalyste les curieuses expériences qu'ils ont vécu...
L'AVIS :
Si le cinéma fantastique a connu une de ses heures de gloire en Angleterre entre 1955 et 1976, grâce aux productions de la Hammer Films bien sûr, il serait fort dommageable pour l'amateur d'omettre un petit classique anglo-saxon qui, lui, date de 1945 ! Le fantastique dans les années 40 est plutôt l'apanage des Etats-Unis, voire même de la France, avec des œuvres plus poétiques et envoûtantes pour notre beau pays. Pourtant, en 1945 nous vient d'Angleterre "Au Cœur de la Nuit", ou "Dead of Night" pour son titre original. Un film réalisé à quatre mains, par Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Basil Dearden et Robert Hamer. Les amateurs de fantastique feutré et raffiné seront largement comblés par le rendu et l'atmosphère présents dans "Au Cœur de la Nuit".
La visite d'un architecte à l'intérieur d'un cottage comprenant cinq personnes va permettre d'insérer dans l'histoire des éléments fantastique au réel. Quand Walter Craig (Mervyn Johns) se met à révéler aux habitants du cottage qu'il les voit chaque nuit en rêve, l'ambiance commence à bifurquer vers le fantastique et le spectateur de se questionner : les habitants sont-ils vivants ? Sont-ils des fantômes ? La présence d'un psychanalyste dans l'assemblée nous ramène un peu dans la réalité puisque ce dernier va donner des explications plausibles et scientifiques au ressenti et au sentiment de déjà-vu de Walter Craig. Commence alors ce qui peut-être perçu comme étant le fil conducteur d'un film à sketchs, puisque, tout à tour, les personnes présentes dans le salon vont raconter une expérience qu'ils ont vécu et que le psychanalyste va devoir écouter et placer sous le signe de la rationalité.
Nous allons donc avoir droit à cinq récits, de durée différente, qui vont donner tout son intérêt à l'histoire et au film. Le premier récit s'intitule Le chauffeur de corbillard et préfigure, avec 55 ans d'avance, l'intrigue de "Destination Finale" ! Fou ! Un récit assez court mais efficace. Plus intéressant sera le second récit, baptisé Un conte de Noël et dans lequel une jeune fille contemporaine va croiser le fantôme d'un petit garçon assassiné par sa sœur il y a un siècle. Une histoire de fantôme astucieusement mise en scène et joliment filmé. Troisième histoire et l'une des meilleures : Le miroir hanté. Un récit qui joue dans le registre de l'épouvante et qui ne manque pas de mystère, jouant habilement avec l'angoisse, et ce, avec un simple miroir donc, qui ne renvoie pas exactement le reflet qu'il est censé renvoyer justement ! A moins que les différences avec la réalité ne soient dues au cerveau dérangé de celui qui contemple son reflet ? Mystère, mystère ! L'histoire du golf, quatrième récit, se montre nettement plus humoristique et n'aurait pas dépareillé dans les pages des bandes-dessinées EC Comic qui seront publiées dans les années 50. L'idée de cette histoire provient de H.G. Wells, le papa de La Guerre des Mondes !
Quant au cinquième et dernier récit, c'est très certainement le plus connu quand on parle d'"Au Coeur de la Nuit" avec les amateurs du genre. Il faut dire que Le Ventriloque (ou La Poupée du Ventriloque) est une pure réussite et que la vision de cette poupée qui semble dotée de la vie ne manquera pas d'incruster ses images dans votre esprit. Son aura est telle que l'histoire sera reprise par l'écrivain William Goldman, dont le livre Magic sera adapté au cinéma sous le titre éponyme par Richard Attenborough en 1977, avec un Anthony Hopkins magistral et une poupée toute aussi inquiétante et charismatique que celle présentée dans "Au Cœur de la Nuit". Le film se clôturera avec un final du fil conducteur très original, qui nous laisse avec un beau sourire sur le visage. A la manière de La Quatrième Dimension, série culte de la fin des années 50, Au "Cœur de la Nuit" réserve bien des surprises au public, avec ses twists bien pensés et qui fonctionne admirablement bien. La photographie et le noir et blanc du film dont superbes, le casting parfaitement en place et on se laisse facilement envoûter par le(s) récit(s). C'est assurément un très beau film fantastique qui nous est offert ici, intelligent, épuré, subtil, très soigné dans son traitement. A redécouvrir sans hésitation.
* Disponible dans un très beau coffret DVD + BR chez TAMASA
Image remasterisée d'excellente facture, VF + VOSTF
Bonus :
- Livret 16 pages : Autour de Dead of night et de Georges Auric...
- "Dead of night, à bien y regarder..." par Erwan Le Gac, 28'
- "Retour aux sources", document UK, 1h15
- "Une restauration respectueuse", 3'30
https://www.tamasa-cinema.com/boutique/produit/au-coeur-de-la-nuit-dead…