ABC of death
The ABCs of death
26 réalisateurs, 26 façons de mourir. 26 cinéastes proposent 26 courts métrages horrifiques, développés à partir de chacune des 26 lettres de l'alphabet.
Inutile de revenir sur le revival avéré des films omnibus, comme l'attestaient si bien "The theatre bizarre" et "Chillerama" : cependant, la performance et le concept même d'ABCs of Death est une nouvelle étape jouissive dans ce format relativement risqué. Alors que la plupart des anthologies n'excèdent pas cinq ou six histoires, The ABC's of death revisite l'alphabet à son goût sur près de vingt-six courts métrages, tous d'une durée forcément très réduite (entre deux et cinq minutes en règle générale). Pas sectaire, cet omnibus de l'horreur parcourt le monde entier, allant trifouiller aussi bien du côté du Japon, de la Thaïlande ou de l'Indonésie, que de l'Australie, du Mexique, de la France...le tout servi par de nombreux talents récents, ayant plus ou moins leur titre de gloire.
Ce voyage infernal guidé par 26 mains et des poussières change donc de style et d'approche à une vitesse d'enfer, ce qui permet de zapper les titres les plus médiocres. Car convoquer des personnalités aussi différentes sous le joug de la série b et z donne forcément lieu à des hauts et des bas : dans la logique du coq à l'âne, cet alphabet sanguinolent passe de courts au standing surprenant à des bidules trifouillé au téléphone portable. Parmi les moments gênants, la tentative d'Angela Bettis de confronter une horrible araignée de synthèse à un beauf, les affres aquatiques d'Andrew Traucki (à qui l'on dit pourtant "Black Waters" et "The Reef"), le pitoyable Cycle (une sorte de "Timecrimes" sans sou tourné au fond d'un jardin) ou le très laid "Miscarriage" de Ti West (qui ne semblait pas plus emballé que ça vu le résultat) font quand même méchamment déchanté par leur manque flagrant d'imagination et leur pauvreté technique. Mais heureusement, l'alphabet compte bien d'autres lettres...
Contrastes des atmosphères, des cultures, des formats (du scope, de la dv, de la HD et plus loin encore de l'animation ou de la pâte à modeler !), des sensibilités aussi (bien que l'humour noir règnent en maître sur la plupart des segments) : on note pourtant des similitudes étonnantes, alors que chacun a bel et bien orchestré son oeuvre dans son coin. La courte durée pousse ainsi beaucoup à se retrancher vers le cartoon, que ce soit dans les inspirations, aussi bien littérales (Hyrdro Electric Diffusion ressemble à un Tex-Avery live...en moins drôle quand même), qu'esthétiques (Toilet et Klutz sont des dessins animés) ou dérivés (les trois segments japonais font preuve d'un humour très nippon sans queue ni-tête à base de samurai grimaçants, de pets féminins et de phallus géant éjaculant du riz). La forme du clip se fait moins courante, sauf dans le très léché Dog (une sorte de dérivé canin de "Fight Club" qu'on doit au papa de "Dead Girl"), le très pop et déviant YoungBuck et l'étourdissant Orgasme, continuation sensuelle et morbide de l'incroyable Amer, où le binôme frenchie illustre une nouvelle fois la petite mort au sens propre comme au figuré.
En tout cas, la liberté proposée n'a pas échappé à ces nombreux petits malins : ça tourne sec autour du scato (pas moins de quatre courts tournent autour de la cuvette des chiottes !!), ça tape sur les enfants, les animaux...pour le meilleur et pour le pire. Le malaise n'est d'ailleurs jamais très loin : Xavier Gens ne fait pas dans la dentelle (quite à se tuer dans l'oeuf dès les premières secondes) dans son XXL, qui aborde sans détour les problèmes d'obésité morbide ; Pressure joue les sous-Brillante Mendoza sans grand succès, mais rien comparé au complètement siphonné Libido, réalisé par l'indonésien fou de Macabre. Une échappée dès plus malsaine évoquant parfois les pires instants de "A Serbian Film" (dont le réalisateur signe d'ailleurs un Removed aussi gore qu'incompréhensible), avec plus d'humour noir et moins de prétention derrière. Les très funs Quack (réalisé par un Adam Wingard sous inspiration Dupieux-esque) et WTF (qui porte trèèèèès bien son nom) remettent quant à eux en question le délire général avec un humour délicieusement non-sensique. Baroque, déconcertant, insolent et sale, Abcs of Death dresse l'étendard de la dédacence du cinéma d'horreur actuel, chantant à la fois sa démesure, sa folie, mais aussi ses limites.