A louer
Para entrar a vivir
Dans l’attente d’un heureux évènement, un jeune couple espagnol cherche un nouvel appartement, plus spacieux que celui dans lequel ils vivent actuellement. Cependant, cela fait déjà plusieurs dizaines d’annonces que Clara et Mario épluchent mais aucun des appartements présentés ne semblent convenir à nos deux tourtereaux.
Alors qu’ils se rendent à une énième visite, Mario et Clara sont loin de s’imaginer que cet appartement pourrait bien être leur propre tombeau…
Petit frère ibérique des « Masters of horror », la série des « Peliculas para no dormir » renferme six films d’environ une heure, chacun réalisé par une tête bien connue du cinéma de genre espagnol. Ainsi, on peut retrouver Narcisso Ibanez Serrador ("la faute"), Alex de La Iglesia ("la chambre du fils"), Jaume Balaguero ("à louer"), Enrique Urbizu ("un vrai ami"), Francisco Plaza ("conte de Noël") et Mateo Gil ("spectre") dans cette petite série de films de qualité assez inégale il faut bien le reconnaître (on retiendra principalement les films de Jaume Balaguero et Alex de La Iglesia).
Nous allons aujourd’hui nous focaliser justement sur l’un des deux gros titres des « Peliculas para no dormir », à savoir l’opus de Jaume Balaguero intitulé "à louer" ("para entrar a vivir" en espagnol). Inutile de vous présenter je pense M. Balaguero, réalisateur espagnol s’étant fait connaître en tout fin des années 90 avec "la secte sans nom", un des derniers gros films de cinéma de genre de la décennie. Mais Balaguero c’est également "darkness", "fragile" (qui demeure, avec 4 prix, l’un des films les plus récompensés à Fantastic’Arts avec un certain… "la secte sans nom" justement!) ou encore les deux premiers épisodes de la saga "rec" (co-réalisés avec Paco Plaza).
Avec "à louer", Jaume Balaguero nous offre un petit survival de très bonne facture qui vient amplement relever le niveau au final assez moyen de cette série des « Peliculas para no dormir ».
Partant d’un scénario assez simple, le réalisateur préféré des Géromois parvient toutefois à nous tenir en haleine du début à la fin de son film. Certes assez court (1h06 en comptant les génériques), "à louer" a cependant le mérite de ne jamais ennuyer : aucune lenteur n’est à déplorer devant cette petite pépite au montage nerveux (la caméra elle-même s’emballe par moments pour nous plonger dans ce rythme entêtant) qui ne vous laissera aucun répit.
Un huis clos dans une vieille bâtisse (tiens, une marque de fabrique de l’ami Balaguero : "fragile", "rec"…) durant lequel la tension est réellement palpable et va crescendo durant la première moitié du film majoritairement. Frissons (une atmosphère inquiétante fort bien rendue), sursauts (Jaume Balaguero semble aimer jouer avec nos nerfs par moments), excès de furie et de folie (une séquence bien gore où une main part en charpie dans un broyeur / une psychopathe vraiment tarée qui ne recule devant rien…), violence bien rendue (les coups volent et font mal) : impossible de rester de marbre devant ce film où l’action quasi omniprésente flirte admirablement avec une ambiance des plus oppressantes.
Une fois de plus dans le cinéma de genre ibérique, nous restons admiratifs devant le travail effectué sur les décors. Imaginez un vieil immeuble à l’abandon dans lequel les appartements à la tapisserie défraichie renferment des pièces délabrées où grouillent toutes sortes d’insectes rampants, où de la nourriture pourrit dans des assiettes et autres boîtes de conserves bouffées par la rouille laissées ouvertes sur le coin d’une table miteuse… Ajoutez à cette crasse environnante une ambiance sinistre (permise par une luminosité peu présente et une musique stimulant efficacement nos nerfs) et une atmosphère humide (il tombe des cordes dehors) pour permettre à ce huis clos d’être l’un des plus glauques et des plus flippants que nous ayons pu voir jusqu’à présent. Une tension d’autant plus palpable que cet immeuble renferme des appartements spacieux, véritables dédales aux longs couloirs étroits et aux angles morts nombreux d’où peut surgir à tout moment une menace…
Le casting n’est d’ailleurs pas en reste dans le film de Jaume Balaguero. Bien que nous n’ayons rien à reprocher à notre malheureux couple qui va passer un bien sale moment dans cet immeuble à l’abandon (les deux acteurs sont tous deux très bons dans leurs rôles respectifs), c’est surtout vers notre psychopathe que nous allons nous tourner volontiers pour apprécier au mieux la qualité du casting et la justesse de l’interprétation.
Nous avons en effet là une tarée prête à tout pour s’accaparer les jeunes gens, une véritable folle furieuse capable d’affronter une montagne de muscles si cette dernière avait le malheur de se mettre en travers de son chemin. Celle que l’on croyait au départ naïve et chétive s’avère finalement être une vraie furie animée par une folie à toute épreuve qui n’hésite pas à séquestrer des pauvres gens, voire les assassiner si ces derniers ne se montrent pas coopérants (un constat qui se veut d’autant plus dérangeant que l’on s’en prend ici à des bébés, des personnes inspirant bien souvent l’innocence et la sécurité : policier, infirmière…).
On pourra certes reprocher à "para entrar a vivir" deux-trois incohérences scénaristiques (la force et la résistance de notre psychopathe qui, malgré les blessures, semble encore en pleine forme / des chiens sortis de nulle part qui disparaitront aussi mystérieusement et subitement qu’ils sont apparus / la scène du rêve dans le rêve dispensable…) et une fin quelque peu rapide mais ne boudons franchement pas notre plaisir devant cette heure passée à sursauter, à frissonner, à suivre notre pauvre Clara dans ces dédales de pièces et à essayer de fuir cette psychopathe que rien ne semble vouloir arrêter! Un très bon survival que voilà!