L'AVIS :

Cédric Sire, je le connais depuis ses débuts, quand il écrivait des nouvelles fantastiques inspirées de l'univers de son auteur favori, à savoir Clive Barker. J'ai lu son premier roman, Angemort et je l'ai interviewé pour le site, interview que vous pouvez toujours consulter. Un auteur extrêmement sympathique et qui possédait déjà à l'époque d'indéniables qualités d'écrivain. J'avoue l'avoir ensuite un peu délaissé, surveillant toutefois son activité sur les réseaux sociaux. Je voyais que sa carrière décollait depuis, remportant de nombreux prix pour ses œuvres qui s'éloignaient de son univers gothique pour bifurquer dans le thriller et le polar... ténébreux bien sûr ! Par une habile pirouette, il a également changé de nom d'auteur, le Sire Cédric évoquant un peu trop un univers gothico-vampirique le privant assurément de nouveaux lecteurs. Sire Cédric est mort, vive Cédric Sire ! C'est fou comme une simple inversion de mot peut changer du tout au tout un ressenti ou une perception chez le lecteur. C'est donc dans l'univers du polar sombre qu'il s'illustre dorénavant, sans jamais renier ses premiers amours. Un petit changement de cap qui s'est donc accompagné d'un joli succès littéraire, le faisant entrer dans la secte des nouveaux maîtres du polar et du thriller ! Son petit dernier, La Saignée a remporté le Prix Méditerranée Polar 2022, le Prix Les Petits Mots des Libraires 2022 ainsi que le prix des lecteurs 2023 ! Rien que ça ! De quoi me donner envie de retrouver Cédric Sire et de découvrir son nouvel univers.

Il faut dire que La Saignée avait de quoi m'intéresser. Le sujet, à savoir l'existence d'une Red Room, m'a de suite intrigué et donné envie d'en savoir plus. Pour le néophyte, la Red Room fait partie, au même titre que le Snuff movie, de ces légendes urbaines qui alimentent les fantasmes des amateurs d'atrocités en tout genre, sans que jamais une preuve de leur existence n'est été dénichée. La Red Room est, comme son nom l'indique, une pièce peinte en route et dans laquelle un bourreau va torturer et massacrer une jeune victime, le tout filmé et diffusé en direct sur le darknet, à quelques cinglés ayant accepté de payer très cher pour "vivre l'expérience de leur vie". Une légende urbaine certes, mais qui pourrait très bien exister pour de vrai, les tréfonds de l'âme humaine et du Dark Web étant capables du pire, il suffit de se remémorer l'affaire Matthew Falder ou celle de Matthew Graham, 22 ans et créateur d'un site de hurtcore qui a défrayé la chronique avec la vidéo Daisy's Destruction. Bref, si vous êtes fan du film 8MM avec Nicolas Cage, de Tesis d'Alejandro Amenabar ou des deux premiers chapitres de la saga japonaise Guinea Pig, vous serez en territoire connu avec ce roman, qui débute par un premier chapitre qui met tout de suite dans l'ambiance et qui laisse la gorge nouée et les mains moites.

Passée cette introduction assez percutante, l'auteur nous présente les divers protagonistes de son histoire, dont :
- Estel Rochand : ex-boxeuse pro, ex-policière qui a commis une bavure et dorénavant agent de sécurité rapproché à la personne. Une femme dont le mal-être est omniprésent et qui ne semble trouver une catharsis que dans la violence.
- Quentin Falconnier : expert en cyber-criminalité, qui va tout faire pour débusquer qui se cache derrière le site web La Saignée et qui est ce bourreau qui exécute sans sourciller les pires abjections sur de malheureuses victimes.
- Delphine Bellefonds : une enquêtrice qui va aider Falconnier à trouver qui se cache derrière le site La Saignée.
- Aymeric Dardeau : un écrivain macho, qui a autant de fans que de détracteurs.
- Léo : le petit ami d'Estel Rochand
- Clément Droux : patron d'une boîte d'escort girl
- Appoline Mauduit : la psychologue d'Estel Rochand

Tout ce petit monde va donc virevolter au sein d'une enquête policière riche en suspense et en tension. L'intelligence de Cédric Sire est d'avoir réussi à ne pas se complaire dans des descriptions abominables de ce qui se passe dans la Red Room. Non, l'écrivain préfère peaufiner son ambiance, faire monter la tension, nous placer au cœur même d'une enquête de cyber-criminalité, avec recherche d'adresse IP et tout ce que ce type d'enquête implique plutôt que de jouer sur les détails sordides. Qui plus est, il développe très bien ses personnages principaux, nous intéresse à eux et, bien sûr, nous mène en bateau avec une surprenante habileté.

L'une des grandes qualités de ce roman est la courte pagination de ses 160 chapitres. 2/3 pages par chapitres la plupart du temps, ce qui permet de créer un rythme qui ne faiblit et n'ennuie jamais. Franchement, on dévore La Saignée, voulant toujours continuer notre lecture après la fin d'un chapitre, même si on plonge de plus en plus dans la noirceur et le sordide. Le décompte à rebours dans la partie finale, annonçant une nouvelle séance dans la Red Room, est particulièrement intense.

Alors oui, les amateurs de barbarie pourront mettre dans les bémols que malgré le sujet, ce roman en manque un peu, de barbarie. Oui, Cédric Sire a déjà fait nettement plus gore, mais comme dit plus haut, c'est avant tout l'ambiance et l'enquête policière, ainsi que les rapports entre personnages, qui sont mis en avant. Cela n'empêche pas le lecteur de vivre des sensations fortes, c'est le moins que l'on puisse dire.

Pourvu d'une écriture solide et réellement addictive, Cédric Sire fait montre de son talent avec La Saignée et m'a donné vraiment envie de découvrir ses autres romans. Je pense que Vindicta sera le prochain sur la liste. En tout cas, j'ai adoré "La Saignée", son écriture fluide, percutante, son rythme, ses personnages, son sujet, ses retournements de situations. Un grand thriller noir, assurément.