Mum and dad
Mum and dad
Lena, une polonaise venue travailler comme prolétaire dans la perfide Albion (elle nettoie les chiottes d'un aéroport), se retrouve séquestrée par une famille de malades mentaux force 12 sur l'échelle de Josef Fritzl (le sympathique australopithèque autrichien). Cette maisonnée est dirigée d'une main de fer par Maman et Papa, qui en font leur nouvelle "fille adoptive". Pour survivre, elle devra passer tous leurs caprices, résister à la jalousie de son autre "sœur" et de son autre "frère". Mum "jouant" avec son nouveau jouet à coup de scalpel, Dad punissant avec la maestria d'un tortionnaire nord-coréen toute infraction au règlement. Bienvenue dans la famille Adams version trash et ultra-borderline !
Encore un petit budget qui dynamite les limites du bon goût et de la décence, qui s'autorise une remise en cause sarcastique d'un des piliers de nos sociétés : la famille. Ca nous change de la production aseptisée en provenance de l'usine à étrons portant un nom de marque de chewing-gum (non, ce n'est pas Freedent).
Imaginez Ken Loach intégrant les déviances de la Catégorie 3 de Hong-Kong et vous aurez une petite idée des sensations que procure cette petite bande.
Une jeune femme, sans attache, oeuvrant dans les plus basses classes de la société, forte, autonome et déterminée qui va plonger en plein cauchemar, devenant l'esclave d'une poignée de jobastres s'octroyant le droit de prendre ce qu'ils veulent, quand ils le veulent pour assouvir leurs envies, même et surtout les pires. La métaphore renvoyant au mépris que les habitants des pays riches ont vis-à-vis des nouveaux pauvres des pays de l'Est de l'Europe n'est pas si mauvaise que cela, mais elle s'arrête là (nonobstant et comme le disait ma grand-mère, ce n'est pas parce que l'on opère dans un genre populaire, que l'on ne peut pas poser un petit regard sur les problèmes de notre temps…elle parlait bien ma grand-mère). "Mum and Dad" n'est pas un de ces films destinés à faire larmoyer le public et les élites bien pensantes sur " les malheurs de ces pauvres malheureux que l'on opprime et patati et patalère" et qui après la projection vont aller s'empiffrer de petits-fours en faisant semblant de s'offusquer que de telles choses puissent exister…ma brave dame ! Aucune chance d'aller à Cannes et de concourir dans le cadre de la sélection officielle des dyptérosodomites (à vos dictionnaires !). Mais revenons à notre sémillante famille de cinglés.
"Mum and Dad" est un film bien particulier, oscillant entre l'horreur et le dégoût pur, une forme de critique de la cellule familiale (et du repli sur celle-ci, au mépris du reste du monde), un humour noir corrosif, un sadisme physique et psychologique de tous les instants et un second degré qui permet de finalement faire passer la pilule des horreurs que l'on voit à l'écran.
Les références sont nombreuses, voulues (il me semble) et évidentes, elles s'adressent directement aux fans du genre pour mieux être détournées et créer un sentiment de " déjà vu" fort à propos, en tentant (souvent pour le meilleur) de nous surprendre.
Impossible de ne pas penser aux nombreuses familles de tarés qui parsèment l'inconscient collectif des amoureux de films d'horreur, de celles matricielle de "Massacre à la tronçonneuse" en passant par " La colline à des yeux", jusqu'à la récente killer's family de " The devil's reject". La famille au centre de tout, insensible à ce qui l ‘entoure, broyant les différences et les étrangers. Mum and Dad, dans une forme de jusqu'au boutisme pervers et de préservation de la cellule souche se persuadent de leur bon droit et font tout pour préserver la famille des dangers de la société. La paranoïa poussée à son paroxysme, au service de la dégénérescence morale et physique, afin de se protéger " des barbares" de l'extérieur. Déjà vu certes, mais agréablement mis en exergue dans le film.
La dichotomie entre les scènes de vie " normales" et celles de barbarie (les deux se chevauchant parfois, surtout vers la fin de la bobine) permettent une vraie plongée dans les cerveaux malades de Papa et de Maman, les frontières entre le Bien et le Mal étant du coup dynamité pour faire place à une autre forme de moralité bien particulière et centrée sur le respect et l'obligation pour les autres membres de la famille de ne jamais dire non à ses parents, sous peine des pires punitions (on est loin de la fessée là !).
Cependant, le réalisateur prend apparemment bien soin de ne pas s'inscrire dans le phénomène de mode du " torture-movie" à la Saw. Les exactions pratiquées par les deux malades sont souvent inscrites dans un hors champ finalement salvateur et permettent d'imaginer plus que de subir la vision des "sentences" parentales. Un parti pris renforcé par un humour british d'un noir d'encre donnant l'occasion toute latitude aux spectateurs de prendre ses distances.
Un choix qui en rebutera certains, mais un choix cohérent il me semble avec la volonté des auteurs de faire un film d'horreur "à l'ancienne" plutôt qu'un film sans recul et destiné à ne procurer que le dégoût. Plus trash, que gore, plus centré sur la psychologie des victimes et des bourreaux que sur l'imagerie provocante au premier degré.
L'impression prégnante de visionner un catégorie 3, qui aurait été tourné au Royaume-Uni est assez étrange, même angoisse des personnages centraux vis-à-vis d'une société anxiogène les "contraignants" au repli sur soi, même forme de névrose les conduisant à une fascination pour la douleur, la chair et la déviance (on pense parfois aux films de Billy Tang : "Dr Lamb", "Red to kill" ou " Run and kill"), mêmes scènes ultra-trash et malsaines.
Bien sûr, le film ne propose jamais (et c'est heureux !) de nous montrer Mum and Dad comme des victimes, mais comme des personnes ayant abandonné leur humanité face aux difficultés de la vie en société (peut-être vais-je trop loin ceci dit).
Quoi qu'il en soit le long-métrage est une fameuse réussite, diablement rythmé, déjanté, au climat de plus en plus inquiétant et qui réussit à être de plus en plus malsain au fur et à mesure pour atteindre son paroxysme dans une des séquences finales se déroulant au moment de Noël, avec toute "la famille" réunie dans une ambiance de cauchemar, d'humour noir et de décalage très réussie.
"Mum and Dad" possède aussi un autre gros atout (dans tous les sens du terme), c'est l'incroyable prestation de Perry Benson (que l'on a vu récemment dans le brillant "This is England"), en Daddy azimuté du cerveau, d'une telle crédibilité que l'on en plaindrait presque sa vraie famille !
"Mum and Dad" aura aussi l'avantage de rendre vos propres parents hautement sympathiques, attentionnés et une fois le film fini, vous irez (à n'en pas douter) leur faire un gros bisou avant de vous coucher bien sagement.
Encore une sympathique réussite de nos amis d'outre-manche.
Le film est pour le moment disponible en zone 2 (UK) et zone 1 (US), langue de Shakespeare only et devrait être disponible début 2010 de par chez nous.