Affiche française
Ne dis rien | Speak no evil | 2022
Affiche originale
Ne dis rien | Speak no evil | 2022
Un film de
Scénario
Date de sortie
Pays
Genre
Couleur ?
oui
Musique de

Ne dis rien

Speak no evil

Bjorn et Louise, couple danois, et leur fille Agnès, rencontrent une famille hollandaise lors d’un voyage en Toscane. A leur retour de vacances, Bjorn et Louise reçoivent une carte postale des hollandais leur proposant un weekend chez eux. Une bien gentille attention qui cache de sombres desseins. Le film va donc nous proposer d’accompagner la famille danoise durant ces trois jours en Hollande. Mais oubliez les coffee shops et le quartier rouge, le voyage va être tout autre...

Ne dis rien | Speak no evil | 2022

L'AVIS :

Présenté au festival de Sundance, "Ne dis rien", qui narre les épreuves que vont endurés un couple danois standard face à un autre couple plus marginal et pervers, a secoué l’assemblée avant de rejoindre nos contrées, directement en DVD/VOD. Il faut dire que le film de Christian Tafdrup fait ressentir divers sentiments tout au long de son visionnage. Si l’avis sur une œuvre est, par nature, subjective, le film de Tafdrup exprime vraiment cette notion de manière intrinsèque. Bien sûr, on pourrait l’apprécier ou non, sur des critères techniques, de mise en scène, de musique ou de direction d’acteurs, mais la réalité d’un jugement sur "Ne dis rien" est bien plus viscérale. Ici, pas d’ambiguïté sur qui sont les gentils et qui sont les méchants. Tout est assez vite clair. Et si les barrières ne se floutent jamais réellement, la caractérisation réussie des personnages et de leurs travers, font qu’il est aisé de se reconnaître dans les certains traits de la plupart d’entre eux.

Ainsi, Bjorn, le père de famille danois, est un homme frustré que les règles sociales et sociétales ont rendu docile et qui lui ont fait enfouir sa nature profonde de mâle. Louise, sa femme, est quant à elle entre deux feux. Si le comportement étrange et déplacé de leurs hôtes la gène et la fond sortir de ses gonds, elle est aussi happé par le conformisme et par son mari. Une dichotomie présente chez chacun d’eux qui va les mener d’hésitation en incertitude jusqu’à des non-choix fatales.

Car, en effet, en face d’eux, se trouvent Patrick, Karin et leur fils mutique Abel. A l’inverse de la politesse et de la retenue des danois, le couple hollandais n’hésite pas à dire ce qu’il pense, à vivre comme bon lui semble, à imposer son point de vue et sa façon de faire sans se soucier des diktats modernes.

Si la thématique aurait pu offrir une comédie française, dans laquelle deux univers opposés se rencontrent et finissent par s’accepter, ici, la vision est tout autre. Patrick et Karin vont vite prendre le dessus sur Bjorn et Louise (avec l’avantage d’être à domicile) et les tester de manière insidieuse en les confrontant, tout en finesse, à des situations compliquées et à des dilemmes moraux.

Ainsi, le couple danois acceptera-t-il sans broncher de faire garder leur fille par un baby-sitter maghrébin qu’ils ne connaissent de nulle part, sous peine de passer pour des racistes s’ils refusent ? Demanderont-ils à Patrick de baisser sa musique assourdissante avec le risque de paraître indélicat envers leur hôte ? Des questions, parmi d’autres, que l’on se pose en même temps qu’eux et dont on ne peut s’empêcher de se demander « Et moi, j’aurais fait quoi» ? Quand l’angoisse devient ludique.

Cette première partie décrite ci-dessus nous plonge alors dans l’inquiétude, l’inconfort et une forme de culpabilité. Des sentiments qui basculent ensuite vers le choc, le dégoût et une potentielle incompréhension lorsque le film passe la seconde pour nous mener vers un final sans espoir et une conclusion qui laisse un sale goût dans la bouche.

Si les personnages et leurs actions/réactions sont réalistes et portent le film, quelques éléments moins réussis viennent entacher le tableau. D’abord, le « secret » que détient Abel, le fils du couple hollandais, se grille quasi-immédiatement, ce qui réduit l’impact d’une scène importante. Aussi, si les motivations finales de Patrick et Karin font froid dans le dos et sont cohérentes par rapport à leurs agissements, la volonté du réalisateur de trop en faire quant à leur background fait perdre une grande partie du réalisme grappillé jusqu’à cette séquence. Des points de détails qui n’enlèvent rien à l’efficacité d’un film qui enthousiasmera ou provoquera un rejet épidermique selon le caractère de chacun.

Si le film fonctionne sur différents types de public, il a donc la particularité de pouvoir angoisser ou énerver selon la sensibilité du spectateur. Dans tous les cas, difficile d’en sortir sans avoir éprouvé diverses émotions, pour la plupart, perturbantes. L’acceptation ou le rejet du film vaut surtout selon la manière dont on reçoit sa morale, que l’on peut juger douteuse ou pleine de sens. Chacun choisira son camp. Quoiqu’il en soit, "Ne dis rien" a le mérite de faire réfléchir sur notre condition dans la société et sur ce que l’on subit pour être accepté socialement.

Ah, et j’oubliais, si vous avez des enfants, la séance n’en sera que plus traumatisante.

Ne dis rien | Speak no evil | 2022
Ne dis rien | Speak no evil | 2022
Ne dis rien | Speak no evil | 2022
Bande-annonce
Note
4
Average: 4 (1 vote)
Sylvain Gib