SUBCONSCIOUS CRUELTY de Karim Hussain - Dossier de Nicolas Beaudeux

 

SUBCONSCIOUS CRUELTY

Réalisateur : Karim Hussain

Scénariste : Karim Hussain

Année : 2000

Pays : Canada

Casting : Sophie Lauzière, Anne-Marie Belley, Brea Asher...

 

Synopsis: L'hémisphère droit du cerveau humain, siège des pulsions et des passions, tente de prendre le dessus sur l'hémisphère gauche, siège de la raison et du jugement...
 

Entrez dans le voyage ultime de la poésie trash et morbide. Chef d'œuvre absolu et pièce maîtresse du cinéma d'horreur underground et extrême, "Subconscious Cruelty" a pu se tailler une réputation en circulant à droite et à gauche sur le net pendant des années.

Tourné sur 5 ans durant la jeunesse de notre grand Karim Hussain, ce long-métrage philosophique et métaphorique a connu quelques difficultés avant de sortir.

Mais la bataille a permis d'offrir, pour le spectateur avide de sensations fortes, un vrai cauchemar mêlé au rêve avec une succession de scènes symboliques selon l'interprétation de chacun car "Subconscious Cruelty" a de quoi faire réfléchir même si on peut très bien le visionner sans user de la moindre réflexion.

Concernant ma critique, ce ne sera pas qu'un simple avis....mais une analyse complète et construite de mon interprétation sensée et logique de cette perle sanglante et envoûtante.

Certains pourront, tout simplement, s'amuser à considérer ça comme une "masturbation intellectuelle" mais en visionnant cette œuvre expérimentale et transgressive, vous verrez que cette dissection a un sens.

Avant tout, je tiens à vous informer que cette analyse sera, évidemment, remplie de spoilers mais même si vous n'avez jamais vu ce film, vous aurez toujours l'occasion de ressentir une forte intensité en le découvrant même après avoir lu cette thèse.

Le film sera divisé en trois segments différents mais étant liés grâce aux nombreux indices présents dans chacun d'eux.

 

Mais tout d'abord le film s'ouvre sur un monologue adressé directement au spectateur, abordant le sujet de la triste vérité sur la condition humaine que ce dernier tente de fuir à travers les arts comme le cinéma, bien que cette horrible réalité vienne toujours reprendre le dessus après un certains temps et que cette réalité sera toujours aussi destructrice que les images du film le plus sombre que l'Homme puisse créer.

On a déjà un indice nous montrant que "Subconscious Cruelty" traite de l'inconscient perturbé et noire de l'Homme pervertis et n'aura pas pour but d'être optimiste, bien au contraire, il aborde une philosophie sur la monstrueuse vie humaine très pessimiste et anti-utopique.

Karim Hussain nous plonge, ensuite, directement dans une atmosphère calme et envoûtante supposant que l'hémisphère droit du cerveau contrôle l'intuition, la passion et la création alors que l'hémisphère gauche contrôle la logique et le raisonnement (le tout sur une image d'un cerveau divisé en deux couleurs : rouge et verte pour séparer les deux hémisphères en question). Evidemment, scientifiquement, cette supposition est totalement fausse...

C'est alors qu'une scène captivante au pouvoir hypnotique vient à l'écran afin d'y installer une femme nue, bandée, sur laquelle une main incisera son abdomen sur la fosse iliaque droite au scalpel pour en sortir...un œil dirigé vers le spectateur ayant l'air de le fixer constamment. Une première scène captivante et dérangeante.

Mais quand, juste avant cette scène, la voix off a continué son monologue à propos de l'hémisphère droit, à l'origine des sentiments les plus forts, et se met à dire qu'il faut annihiler le cerveau gauche (afin de détruire nos mensonges), on comprend que ce n'est rien d'autre qu'un message adressé au public ayant le devoir d'écarter toute sa logique et sa morale pendant le visionnage de ce film.

C'était l'introduction "Ovarian Eyeball" que l'on peut considérer comme un conseil et/ou un avertissement compte tenu de la complexité des images, de la nudité et de gore qui suivent.

A présent, place au premier segment "Human Larvae" nous racontant l'histoire d'un homme incestueux attiré par sa sœur et fasciné par le processus du système reproducteur et de création.

Quasi-absence de décors, absence totale de repère de lieu et de temps et voix off ensorcelante. Le personnage a l'air isolé du monde, seul avec sa sœur enceinte ne présentant aucun signe d'affection pour lui....Tel deux poissons seuls, emprisonnés en plein milieu d'un endroit auquel le néant ou le vide complet sert de décors extérieurs.

Le segment nous offre une poésie d'une beauté rarement égalée non seulement grâce à l'esthétique des images et des plans filmés, mais aussi par son atmosphère aussi fascinante que troublante.

Sans oublier les couleurs rouge, verte et bleue rendant hommage au film "Suspiria" de Dario Argento n'accentuant que le coté surréaliste et séduisant du segment.

Ici, nous avons la nature de la Femme opposée à celle de l'Homme: dans l'ordre respectif, l'une est considérée comme l'incarnation de l'être qui souffre et se sacrifie, pendant une longue durée afin de donner la vie; et l'autre est considérée, au contraire comme l'incarnation de l'être qui détruit cette création, cette vie donnée qui fait suite à une forte douleur physique et constante de la femme (exemple des règles mensuelles dont le sang représente la souffrance).

Deux natures contraires mais pourtant compatibles et nécessaires pour donner naissance à un nouvel être vivant : la semence éjectée par l'acte sexuel (étant le paroxysme du plaisir de l'homme) mêlée à la patience et à la douleur de la femme qui se poursuivra par le paroxysme de son plaisir psychologique : l'occasion de donner la vie à partir de son propre corps.

Un plaidoyer pour la gente féminine représentant la véritable source de vie et de bonheur, un blâme pour la gente masculine représentant l'homme comme le bourreau absolu et créateur de la violence la plus monstrueuse.

Un symbole représenté explicitement à l'écran lorsque le protagoniste principal égorgera le nouveau né lors de l'accouchement de sa sœur; accouchement censé être l'ultime moment d'une vie débutée. Une scène plutôt choc, coriace et violente.

Ce premier segment durant, environ la moitié du film, et s'avérant être la poésie morbide la plus fascinante et éprouvante que j'ai pu voir. Sensoriel, dérangeant, choquant, sanglant, beau, transcendant, expérimental, intriguant, noir, subversif, puissant et inoubliable.

Le deuxième segment suivra directement et s'imposera comme un clip mélodieux nous livrant un ensemble métaphorique censé nous mettre face au "viol de la nature causée par l'Homme".

Contrairement au premier segment, l'image sera lumineuse, riche en paysages et en verdure. Cette verdure pénétrée (au sens radical) par plusieurs personnages anonymes ne cessant de la caresser, l'embrasser et de copuler avec elle au point de la faire saigner... Là encore, le sang symbolise la douleur éprouvée par la nature qui, à son tour, lorsqu'on verra un homme procéder à une fellation sur une lame de couteau qu'une dame vêtu de blanc (Dame Nature) tient entre ses jambes, reprendra le dessus et prendra du plaisir à se venger sur l'être qui lui a fait du mal.

Un segment qui peut paraître, à première vu, comique, absurde et amusant. Mais cette musique de David Kristian et cette succession d'images sublimes feront en sorte de vous faire prendre ces quelques minutes au premier degré et d'être fasciné par la poésie de l'ensemble.

Enfin, on passe au troisième et dernier segment "Right Brain" abordant le sujet de la pornographie. Les premières minutes de ce segment s'écartent complètement du surréalisme de l'ambiance des épisodes précédents... Le seul moment vraiment inutile du film c'est lorsqu'on suit un personnage dans un bar et rentrant chez lui sur une musique entraînante.

Une fois rentré chez lui, on observe le personnage, apparemment chrétien, se masturber devant un film pornographique tout en traitant les actrices de "salopes" et de "traînées" comme pour chercher à éviter la culpabilité et de se convaincre d'avoir la pensée pervertie seulement par ce qu'il voit à l'écran sans que ce soit de sa faute (tout comme ceux qui s'acharnent sur les créateurs des films qui ont dépassé les limites de leur sensibilité). On retrouvera d'ailleurs, l'image de la semence sur la main rappelant discrètement le premier segment.

Une fois le personnage endormi, nous revoilà replongé dans une ambiance oppressante et surréaliste, enchaînant des images de symboles religieux et d'hameçons (rappelant le poisson attrapé à l'hameçon faisant le parallèle avec la scène d'accouchement du premier segment) qui viendront s'accrocher au pénis du protagoniste pour le lui dépecer avant de procéder à une masturbation sanglante qui fera certainement réagir tout le public masculin.

Un personnage inquiétant et mystérieux viendra ensuite lui annoncer qu'il vient de son hémisphère droit (donc pourrait-on dire de son subconscient) afin de prendre le pouvoir pour détruire l'hémisphère gauche.

C'est ici, que le fantasme, le rêve et les émotions prendront le pouvoir jusqu'à plonger le personnage principal du segment dans un cauchemar sans fin. Lui révélant ses plus grandes peurs, notamment la peur de la puissance divine pour laquelle il porte la croix.

C'est là, que nous aurons enfin droit à la scène la plus connue du film ayant joué énormément sur sa réputation : "Martyrdom" ou la scène du Christ qui se fait dévorer et mutiler par trois succubes après qu'il soit descendu de sa croix pour prendre conscience et se lamenter de ce qu'est devenue l'humanité et son évolution dans la violence et la guerre.

Véritable vision cauchemardesque dans une ambiance infernale accompagnée d'un son d'orgue, déversant le sang sans cesse, arrachant violemment la chair du Christ, plongeant le film dans le gore putassier et excessif. Une scène marquante qui ne laissera personne indifférent.

Les blasphèmes fusent jusqu'au point de faire manger au Christ sa propre chair, de violer ses tripes et de lui uriner dessus comme si la nature noire de l'Homme extériorisait ses pensées malsaines envers la religion et le sauveur. Ce dernier se fera, par la suite, brutalement sodomiser par une branche comme si la nature du deuxième segment du film venait se venger directement sur le fils du créateur de l'être qui l'a fait souffrir.

Le film se terminera enfin sur une image effrayante et terrifiante du personnage principal détruit par son subconscient et ses pulsions noires sorties du plus profond de lui. Image représentative du concept principal du film sur la conséquence de la domination de l'hémisphère droit sur le gauche...

Ce troisième segment s'inclue comme la partie la plus choquante et gratuitement violente du film sans que ça ne l'empêche d'être intense et surprenant. C'est ce segment qui divisera vraiment le public vu le niveau de violence qu'il lui balance en pleine face et la complexité des images nous faisant réellement poser des questions après le visionnage.

Au final, "Subconscious Cruelty" s'inclue, pour ma part, parmi les œuvres horrifiques indépendantes les plus sensorielles et éprouvantes jamais réalisées.

Doté d'une poésie somptueuse, donnant aux spectateurs la sensation d'être dans un rêve ou dans un cauchemar, le forçant à s'interroger sur ce qu'il vient de voir, contenant autant d'érotisme que de sang, brouillant les pistes afin d'accentuer le trouble ressenti et mélangeant parfaitement la beauté féerique à l'horreur détestable et effroyable, le chef d'œuvre de Hussain contient les éléments nécessaires pour les amateurs de sensations lourdes et prenantes.

Chaque visionnement du film nous donnera l'impression de le redécouvrir tellement son ambiance est unique est incomparable.

Karim Hussain a fait de son premier film une première réussite avant d'enchaîner avec l'excellent "La Belle Bête" et l'étrange et minimaliste mais intéressant "Ascension" (sans oublier son segment "Vision Stains" du film à sketchs "The Theatre Bizarre"). "Subconscious Cruelty" restera sa meilleure réalisation de sa filmographie ayant marqué une date dans l'histoire du cinéma underground et a fait beaucoup parlé de lui rien qu'en traversant le réseau internet pendant des années avant sa sortie DVD.

Une référence de l'horreur underground réservée à des spectateurs avertis et endurcis.

6/6 - NICOLAS BEAUDEUX

* LE DVD EST DISPONIBLE CHEZ L'EDITEUR ELEPHANT FILMS.