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Il faut quand même pas mal se méfier des films d’anthologie à vocation horrifique car c’est un peu comme un œuf Kinder, on ne sait jamais ce qu’il y a à l’intérieur ! Et ce, peu importe les décennies, les récents n’étant pas plus mauvais ou meilleurs que ceux d’il y a vingt ou trente ans ! On en veut pour preuve le "Contes macabres" de 1983 proprement pitoyable et un contre-exemple de 2013, le sympathique "V/H/S/2" ! L’originalité de celui objet de notre critique, outre son bref titre qui signifie « bisou, bisou » (« X » venant de la contraction des consonnes du mot « kiss »), c’est qu’il se découpe en cinq segments, tous réalisés par des femmes ! Ont ainsi œuvré pour cette entreprise d’un genre nouveau : Karyn Kusama (connue pour "Jennifer’s body", "The invitation"), Annie Clark (qui n’est autre que la chanteuse « St. Vincent »), Roxanne Benjamin (connue pour avoir réalisé un des segments de "Southbound"), Jovanka Vuckovic (qui n’a que trois courts-métrages dans sa filmographie pour l’instant) et Sofia Carillo (au Curriculum Vitae plutôt malingre jusqu’alors). Aurons-nous alors droit à un long-métrage plutôt féministe, ou bien est-ce que les réalisatrices vont nous faire mentir en nous proposant quelque chose à l’opposé de l’affiche du film, assez laide il faut bien l’avouer !?

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On commence par « The box » (à ne pas confondre avec le film éponyme de Richard Kelly), réalisé par Jovanka Vuckovic et adaptation d'une courte histoire de l'écrivain d'horreur Jack Ketchum (dont certains écrits ont déjà été adaptés sur pellicule comme : "The girl next door", "The woman" ou encore "The lost"). On peut ainsi y voir Susan, une mère de famille gronder son jeune fils Danny, qui presse un homme dans le métro pour que ce dernier lui montre ce qu’il a dans la boîte posée sur ses genoux. Juste après avoir vu son contenu, Danny est tellement troublé qu'il en perd totalement l’appétit. Mais alors qu’il n'a toujours rien avalé depuis quelques jours, la peine du jeune garçon commence à se propager au reste de la famille…

On a affaire ici à l'histoire d'une mère en proie à une profonde détresse car elle est obligée de regarder lentement ses enfants puis toute sa famille dépérir. Sérieusement, que peut-il y avoir de pire pour une génitrice ? C'est un segment sensible que voilà avec la montée croissante de l'inquiétude de Susan sur son incapacité soudaine à nourrir sa famille de la manière la plus élémentaire qui soit, et qui possède également une bonne ambiance, proche des meilleurs épisodes de la série « La quatrième dimension » avec une ambiguïté frustrante non pas relative à la morale de l’histoire mais plutôt quant à la non révélation du mystère de la boîte, seul bémol de ce récit très appétissant.

Puis l’on passe à « The birthday party » avec Melanie Lynskey ("Créatures célestes"), la seule « star » du long-métrage qui interprète ici une mère essayant désespérément de célébrer l'anniversaire de sa fille Lucy coûte que coûte et ce, malgré une découverte matinale inattendue qui fera certainement éclater l'atmosphère festive si elle ne peut la garder secrète…

Ce deuxième segment marque les débuts de réalisatrice d'Annie Clark qui a également coécrit le scénario avec Roxanne Benjamin. Original sur le papier parce qu’atypique, il se présente sous la forme d’une comédie noire assez morbide plutôt que d’un court avec moult bains de sang. Y est avant tout mis en valeur le désir maternel que tout soit absolument parfait pour le « grand jour » d'un enfant et ce, malgré de sérieuses complications. Toutefois, cet humour pince-sans-rire ne passe pas et l'ambiance est tellement éloignée de ce que l’on a l’habitude de voir habituellement, que ça semble raté. On a donc l’impression d’un produit tiédasse qui ne décolle jamais et ne se présente pas comme le morceau vraiment savoureux qu'il aurait pu être. Bref, pas terrible !

S’en suit « Don’t fall » écrit et dirigé par Roxanne Benjamin, dans lequel on peut suivre un groupe de quatre amis (deux garçons et deux filles) qui partent faire du camping sauvage dans le désert. Là, ils repèrent des pétroglyphes anciens et sinistres sur une colline solitaire ce qui devrait normalement constituer un avertissement ferme pour s’en aller immédiatement d’autant qu’y est aussi indiqué ce qui pourrait arriver s’ils restaient ! Forcément, ils vont rester et Gretchen est la première à disparaître pour réapparaître, mais est-ce bien la même ?

Ce troisième court mettant en images quatre touristes américains qui vont apprendre à leurs dépens que le camping sauvage en territoire amérindien n'était pas l'idée du siècle est vraiment pas mal et aurait même pu faire l'objet d'un film, même si, il y a peu de surprises quant au développement et que, encore une fois dans ce type de métrage, la scène finale laisse à désirer. Mais ne boudons pas notre plaisir, l'ensemble est vraiment solide et se laisse visionner sans problème.

Enfin, nous arrivons au conte le plus sombre du lot, « Her only living son », qui joue sur les codes correctement explorés mais beaucoup copiés de "Rosemary's baby". La plus connue des cinéastes, Karyn Kusama, conclut tout de même l'anthologie avec un très bon cru. Ici, à la veille du dix-huitième anniversaire de son fils Andy, sa mère Cora est préoccupée par son changement brusque d'attitude : son doux garçon est devenu cruel et violent. Si cette quatrième partie ne semble pas trop novatrice quant à son script, elle possède, contrairement aux autres, un twist digne de ce nom. Sans trop en dévoiler, il s’agit là d’un renversement intelligent et inhabituel concernant ce type de film et témoigne de tout ce que l'amour d'une mère peut engendrer. Si on faisait la fine bouche, on pourrait arguer que ce récit aurait pu bénéficier de quelques minutes supplémentaires afin de corriger l'histoire et brosser un peu plus le portrait des personnages, mais il est efficace tel qu'il se présente et il est alors difficile de lutter contre ça !

XX voit ses quatre courts-métrages entrecoupés par un cinquième segment. Bien qu’il soit transitionnel entre chaque partie, le court de Sofia Carrillo totalement réalisé en stop motion présente des images de poupées et d’enfants effrayants, mais c’est tellement incompréhensible que ça en devient vite ennuyeux et qu’on le considérera comme ayant très peu d’intérêt hormis son visuel singulier.

A notre grande surprise, chacune des réalisatrices de cette anthologie a misé sur la qualité d'écriture et de réalisation de son court plutôt que sur la quantité de jump scares ou d'hectolitres d’hémoglobine déversés. En outre, elles ne ressentent jamais le besoin de forcer un quelconque féminisme vis-à-vis des spectateurs, mais sont simplement là pour livrer des segments horrifiques et elles le font plutôt bien. Notons tout de même que le thème de l’amour maternel traverse les différentes parties, hormis peut-être dans le segment trois et celui qui est interstitiel (enfin pour celui-là je sèche car je n’y ai pas compris grand-chose !) et que c’est peut-être en cela que ça diffère d’une anthologie masculine, quoique…

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Note
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Vincent Duménil