Affiche française
AMOKLAUF | AMOKLAUF | 1994
Affiche originale
AMOKLAUF | AMOKLAUF | 1994
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Amoklauf

Amoklauf

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, sous vos yeux ébahis je vais à présent effectuer une cascade extrêmement dangereuse. Rien que pour vous, je vais réaliser la critique de l’un des premiers films d’Uwe Boll.

Ca commence mal. Ici, je devrais être en mesure de vous donner un bref aperçu du sujet traité par le film. Un synopsis. Malheureusement, la seule chose que je puisse faire est de vous dire que le film retrace quelques instants de la vie d’un serial killer.
C’est tout.

Les mauvaises langues diront "de toutes façons, le scénario n’a jamais été le fort d’Uwe Boll". Les autres, plus positifs, pourront dire qu’en à peine une heure, il est difficile de traiter un sujet en profondeur. (Ce qui est faux puisque certains courts métrages réussissent à atteindre des sommets en très peu de temps).

Dans le cas d’Amoklauf le scénario n’a qu’une importance mineure. Le véritable intérêt du film se trouve dans son ambiance.

Avant sa frénésie d'adaptations de jeux vidéo, Uwe Boll a aussi fait des vrais films. Des films, certes bourrés d'imperfections, et de scories en tous genres, mais des films touchants. Pour un peu le terme "film d'auteur" m'aurait presque échappé. Allons, soyons fous : Amoklauf est un film d'auteur.

Uwe Boll est connu, non pas pour ses talents de cinéaste, mais plutôt pour les polémiques qu'il déclenche. En effet, lorsque le nom de Uwe Boll est prononcé, la communauté de cinéphiles se scinde en deux. D'un côté, ceux qui pensent qu'il n'est qu'un infâme grouillot juste bon à torpiller des franchises vidéo ludiques. De l'autre côté, ceux qui pensent qu'il est un honnête artisan du septième art. Afin que vous puissiez envisager mes propos avec le recul nécessaire, sachez qu'à mon sens la seule création intéressante du teuton est "Postal"... Ceci étant dit, je vous propose de me suivre dans l'univers de Amoklauf.

Le titre à lui seul annonce la couleur. En effet amoklauf en allemand, se traduit par folie meurtrière.

Comme évoqué précédemment, le scénario de Amoklauf se réduit à bien peu de choses. Les actions du personnage principal sont désespérément limitées. Il passe le plus clair de son temps à regarder des cassettes vidéo. Alors qu'une personne normalement constituée aurait enregistré des films, lui a conservé des émissions (dont l'une est une sorte de "Juste prix") et des retransmissions de mises à mort. Ces scènes macabres sont tout droits sorties de "Face a la Mort".

Pour le reste, le tueur en série sort deux fois de chez lui et tue trois fois, dont l'une sans sortir de chez lui. Si Amoklauf n'est pas exactement un huis clos, il s'en approche tout de même puisque la majeure partie du film se déroule dans un appartement. Mieux (ou pire), la majeure partie du film est un plan fixe d'une télévision (allumée, heureusement). Ajoutez à cela la répétition de plans jusqu'à épuisement de la rétine (la même action - ou non-action en l'occurence - est passée et repassée plusieurs fois d'affilé).

Les enjeux scénaristiques sont donc proches du néant. On ne se demande jamais, ni comment, ni pourquoi, ni rien... Tout ce qui arrive à l'écran est servi avec froideur. La réalisation s'avère à ce titre diablement spartiate. Malgré toute sa bonne volonté à tenter de se loger une ogive nucléaire dans le pied à bout portant, Uwe Boll échoue lamentablement. Son film est parfaitement regardable.

Chose suffisamment rare dans la filmographie d'Uwe Boll pour être remarquée, Amoklauf dispose d'une véritable personnalité. A aucun moment l'impression de regarder un produit lisse et formaté ne dérange le spectateur. Bien au contraire. C’est un peu le deuxième effet kiss cool que nous assène monsieur Boll. Il ne se passe rien, et puis lentement, de manière lancinante, un malaise s’installe chez le spectateur.

Le fait de pénétrer l’intimité d’un serial killer, fût-elle incroyablement ennuyante, s’avère d’une extrême lourdeur. Pas moyen d’échapper au poisseux, au sordide de ce quotidien malsain. Difficile donc de ne pas penser au "Schramm" de Buttgereit. Les deux allemands n’ont pas en commun que leur nationalité. Avec Amoklauf Boll s’est engouffré sur les traces de Buttgereit en revendiquant un cinéma d’une noirceur totale.

Aucune concession n’est faite, et le personnage est filmé dans toute son abjecte crudité. Sa solitude et son penchant pour le tube cathodique ne faisant qu’amplifier le mal être.

Mais le nihilisme d’Amoklauf n’a pas fait long feu. Probablement Uwe Boll s’est-il aperçu qu’il y avait bien plus d’argent à se faire en massacrant des franchises vidéo ludiques. Pour cela il lui a suffit de s’insérer dans le créneau suffisamment tôt. Et depuis qu'il a mis une pièce dans la machine, il a les continues illimités. Mais je digresse. Et digresse, c’est beaucoup pour un seul homme.

Quoi qu’il en soit, Amoklauf se révèle d’une profondeur rare. Bien qu’il ne raconte pas grand-chose, il réussit à étaler une large palette de sentiments. Remercions donc monsieur Boll de ne pas nous embarquer dans une leçon de psychologie de comptoir. Ainsi, le film revêt une atmosphère poignante, sans ronds de jambes cinématographiques.
Pour sûr, l'expérience ne plaira pas à tout le monde, mais elle vaut véritablement le détour.

Amoklauf, un film imparfait, mais qui révèle l'artisan passionné qu'est le cinéaste teuton.

Note
4
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Colin Vettier